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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/720

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gne où les fiefs sont de danger, non pas à la vérité pour la vente, mais pour la prise de possession.

3°. Si dans le combat, le vassal abandonnoit lâchement son seigneur.

4°. S’il avoit su quelques attentats contre son seigneur, & ne l’eût pas averti.

5°. S’il avoit été le délateur de son seigneur.

6°. S’il manquoit à quelqu’un des services auxquels il étoit obligé, comme services de plaids, auquel cas il falloit que le vassal fût contumacé pour encourir la commise : ce service de plaids est encore usité en Picardie : le vassal est appellé pere du fief dominant ; mais s’il manque à ce service, il ne perd pas pour cela son fief.

7°. Si le vassal entroit en religion ou se faisoit prêtre, il perdoit son fief, parce qu’il ne pouvoit plus en faire le service ; mais en ce cas le fief alloit ad agnatos. Il y avoit même des fiefs affectés à des ecclésiastiques.

8°. Lorsque le vassal détérioroit considérablement son fief, & sur-tout s’il abusoit du droit de justice.

9°. Le desaveu fait sciemment emportoit aussi perte du fief : mais la commise n’avoit pas lieu lorsqu’il avoüoit un autre seigneur.

10°. La commise avoit lieu pour félonnie, & ce crime se commettoit de plusieurs façons ; par exemple, si le vassal avoit vécu en concubinage avec la femme de son seigneur, ou qu’il eût pris avec elle quelques familiarités deshonnêtes, s’il avoit débauché la fille ou la petite-fille de son seigneur : la même peine avoit lieu par rapport à la sœur du seigneur non mariée, lorsqu’elle demeuroit avec son frere. Il y avoit aussi félonnie, lorsque le vassal attaquoit son seigneur, ou le château de son seigneur, sachant que le seigneur ou la dame du lieu y étoient. Le meurtre du frere du seigneur n’étoit pas seul une cause de commise, mais elle avoit lieu lorsque le vassal avoit tué le frere ou le neveu du seigneur, pour avoir seul une hérédité qui leur étoit commune. Voy. Félonnie.

La commise n’étoit point encourue de plein droit, il falloit un jugement qui la prononçât, & le vassal pouvoit s’en défendre par plusieurs circonstances, comme pour cause de maladie, absence, erreur de fait, &c. lesquelles excuses recevoient leur application selon les différens cas.

Il y avoit réciprocité de commise entre le seigneur & le vassal ; c’est-à-dire que la plûpart des cas qui faisoient perdre au vassal son fief, faisoient aussi perdre au seigneur la mouvance, lorsqu’il manquoit à quelqu’un des devoirs dont il étoit tenu envers son vassal.

En France on ne connoît, comme nous l’avons déjà dit, que deux causes qui donnent lieu à la commise, savoir le desaveu & la félonnie.

Dans les pays de droit écrit & dans la coûtume d’Angoumois qui les avoisine, le desaveu ne fait pas encourir la commise ; il n’y a que la félonnie.

En pays coûtumier, le desaveu & la félonnie font ouverture à la commise.

Dans quelques coûtumes, comme Nivernois, Melun, Bourbonnois, & Bretagne, il y a un troisieme cas où la commise a lieu ; savoir lorsque le vassal, sciemment & par dol, récele quelque héritage ou droit qu’il ne comprend pas dans son aveu & dénombrement.

La commise n’a pas lieu lorsque le vassal soûtient que son fief releve du Roi, parce que ce n’est pas faire injure au seigneur que de lui préférer le Roi.

Mais si le procureur du Roi abandonne la mouvance, & que le vassal persiste dans son desaveu, il encourt la commise.

La coûtume d’Orléans, art. lxxxj. dit que si le seigneur prouve sa mouvance par des titres qui re-

montent à plus de cent ans, il n’y a point de commise, parce que le vassal a pû ignorer ces titres.

Lorsque le vassal dénie que l’héritage soit tenu en fief, & prétend qu’il est en roture, si mieux n’aime le seigneur prouver qu’il est en fief, il n’y a point lieu à la commise.

Elle n’a pas lieu non plus lorsque le seigneur prétend des droits extraordinaires, & que le vassal refuse de les payer, le seigneur étant obligé d’instruire son vassal.

La confiscation du fief ne se fait pas de plein droit, il faut qu’il y ait un jugement qui l’ordonne.

Si le seigneur ne l’a point demandé pendant la vie du vassal, la peine est censée remise.

Il en est de même lorsque le seigneur ne l’a point demandé de son vivant, ses héritiers ne sont pas recevables à la demander.

Le fief confisqué, & tout ce qui y a été réuni, demeure acquis au fief dominant, sans qu’il en soit dû aucune récompense à la communauté.

Il demeure chargé des dettes hypothécaires du vassal.

Un bénéficier ne peut pas commettre la propriété du fief attaché à son bénéfice, parce qu’il n’en est qu’usufruitier ; il ne perd que les fruits.

Le mari peut par son fait commettre seul les conquêts de la communauté, mais il ne peut pas par son fait personnel commettre la propriété des propres de la femme, à moins qu’elle n’ait eu part au desaveu ou félonnie ; il encourt seulement la confiscation des fruits.

La femme peut commettre ses propres, mais elle n’engage point les fruits au préjudice de son mari.

Le bailliste ou gardien ne commet que les fruits.

La commise n’est point solidaire, c’est-à-dire que si le fief servant appartient à plusieurs vassaux, il n’y a que celui qui desavoue qui commet sa portion.

Le seigneur qui commet félonnie envers son vassal, perd la mouvance du fief servant.

Voyez les livres des fiefs. Stravius, dans son syntagma juris feudalis, ch. xv. de amissione feudi ; Gudelinus & Zoezius, sur les mêmes titres. Julius Clarus, quæst. xlvij. §. feudum. Poquet de Livoniere, Guyot, & Billecoq, en leurs tr. des fiefs ; & les articles Desaveu & Félonnie.

Commise d’un héritage taillable, est la confiscation d’un héritage sujet au droit de taille seigneuriale qui a lieu au profit du seigneur, lorsque le propriétaire de l’héritage dispose de la propriété sans le consentement du seigneur. Cette commise a lieu dans la coûtume de Bourbonnois, art. ccccxc. & dans celle de la Marche, art. cxlviij. Dans ces coûtumes, le tenancier d’un héritage taillable ne le peut vendre en tout ni en partie, ni le donner ou transporter, échanger, ou autrement aliéner, ou en disposer soit entrevifs ou par testament, sans le consentement du seigneur taillablier, quand même ce seroit pour fournir à la subsistance & aux alimens du propriétaire.

On excepte néanmoins la donation en avancement d’hoirie faite à un des enfans du tenancier, laquelle ne tombe pas en commise.

Il faut aussi excepter les taillables qui tiennent un héritage par indivis ; ils ne peuvent à la vérité le démembrer, soit au profit de l’un d’eux ou d’un étranger, sans le consentement du seigneur, mais chacun des co-personniers peut céder sa part indivise à un de ses co-personniers sans le consentement du seigneur, parce que chacun d’eux avoit déjà un droit indivis dans la totalité, & que c’est moins une nouvelle acquisition, que jure non decrescendi.

Les co-personniers taillables peuvent aussi, sans le consentement du seigneur, faire entre eux des arrangemens pour la joüissance, mais non pas pour la propriété.