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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/759

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profitables, a triplé son capital ; tandis que l’ancienne plus limitée, a déchû continuellement, & enfin s’est ensevelie sous ses ruines, quoique commencée avec plus de succès ».

Ce qui regarde les diverses compagnies de l’Europe, est renvoyé au commerce de chaque état. Cet article est de M. V. D. F.

La regle de Compagnie, en Arithmétique, est une regle dont l’usage est très-nécessaire pour arrêter les comptes entre les marchands & propriétaires de vaisseaux ; lorsqu’un certain nombre de personnes ayant fait ensemble un fonds, on propose de partager le gain ou la perte proportionnellement entr’eux.

La regle de trois répétée plusieurs fois est le fondement de la regle de compagnie, & satisfait pleinement à toutes les questions de cette espece ; car la mise de chaque particulier doit être à sa part du gain ou de la perte, comme le fonds total est à la perte ou au gain total : donc il faut additionner les différentes sommes d’argent que les associés ont fournies, pour en faire le premier terme ; le gain on la perte commune sera le second ; chaque mise particuliere sera le troisieme ; & il faudra répéter la regle de trois autant de fois qu’il y a d’associés.

Cette regle a deux cas : il y a différens tems à observer, ou il n’y en a point.

La regle de compagnie, sans distinction de tems, est celle dans laquelle on ne considere que la quantité de fonds que chaque associé a fourni, sans avoir égard au tems que cet argent a été employé, parce que l’on suppose que tous les fonds ont été mis dans le même tems. Un exemple rendra cette opération facile.

A, B, & C, ont chargé un vaisseau de 212 tonneaux de vin ; A a fourni 1342 liv. B 1178 liv. & C 630 liv. toute la cargaison est vendue à raison de 32 liv. chaque tonneau. On demande combien il revient à chacun.

Trouvez le produit entier du vin en multipliant 212 par 32, qui revient à 6784 liv. ensuite ajoûtant ensemble les mises particulieres 1342 liv. 1178 liv. & 630 liv. qui font 3150 liv. l’opération sera

3150:6784 1342 est à 2890.
1178 est à 2537.
630 est à 1356.

Preuve 3150 6783.     Chambers. (E)

La raison pour laquelle on n’a point d’égard aux tems dans cette regle, c’est qu’étant le même pour chaque mise, il doit influer également sur le gain ou la perte que chacune doit porter. Mais il n’en est pas de même, lorsque le tems de chaque mise est différent.

C’est ce qu’on appelle regle de compagnie par tems, & qu’il est bon d’expliquer avec clarté, d’autant que plusieurs de ceux qui en ont parlé y ont laissé des difficultés. Supposons deux particuliers que, pour plus de facilité, je distinguerai par A & par B, qui ayent fait ensemble une société. L’un met au premier Janvier la somme a, & au premier Avril la somme b ; le second met au premier Janvier la somme c, au premier Juillet la somme d ; & au bout de quinze mois il leur vient la somme c qu’il faut partager entr’eux. On demande de quelle maniere on la doit partager.

Il est évident que la mise de chacun doit être regardée comme un fonds qui travaille pendant tout le tems qui s’écoule depuis cette mise jusqu’au tems du profit ; que par conséquent on peut la regarder comme de l’argent placé à un certain denier x, dont la quantité dépend de la somme e. De plus ce denier doit être le même pour chacun des intéressés, il n’y aura que le plus ou moins de tems qui fera varier le profit ; ensorte que si xa est le denier x de a pour un mois, xb, xc, xd, seront aussi le denier de b, c, &c. pour un mois.

Il faut savoir maintenant sur quel pié l’intérêt doit être envisagé ici, s’il est simple ou composé. Voyez Intérêt. C’est une chose qui dépend uniquement de la convention entre les intéressés. C’est ce qu’on a déjà fait sentir à l’article Arrérages, & qui sera expliqué plus en détail à l’art. Intérêt. On regarde ordinairement l’intérêt comme simple dans ces sortes de calculs ; nous allons d’abord le considérer sous ce point de vûe.

1°. Supposons que l’intérêt soit simple, que x soit le denier de la somme a pour un mois, il est certain que la somme a mise au 1er Janvier, doit au bout des quinze mois produire  ; que la somme b mise au premier Avril, & travaillant pendant douze mois, doit au bout des quinze mois produire  ; que la somme c mise au premier Janvier produira  ; & que la somme d mise au premier Juillet, & travaillant pendant neuf mois, doit produire . Or ces quatre quantités prises ensemble doivent être égales à la somme retirée e. Donc .
Donc
Donc la somme gagnée par le premier sera , laquelle sera
, & ainsi des autres.

Si l’intérêt est composé, en ce cas au lieu de , il faudra , &c. & l’on aura . Equation beaucoup plus difficile à résoudre que la précédente, mais dont on peut venir à bout par approximation.

Il me semble que dans les regles de compagnie on devroit traiter l’intérêt comme composé ; car tout intérêt est tel par sa nature, à moins qu’il n’y ait entre les intéressés une convention formelle du contraire ; voyez Intérêt & Arrérages. Mais il semble que l’usage, sans qu’on sache trop pourquoi, est de regarder l’intérêt comme simple dans ces sortes d’associations.

Quand le tems des mises est égal, alors soit qu’on regarde l’intérêt comme simple ou comme composé, il est inutile d’avoir égard au tems. En effet supposons que les deux mises soient a & c, on a dans le premier cas  ; donc &
d’où l’on voit que le gain de a est à la mise comme le gain total e est à la mise totale a + c, ainsi que le donne la regle de compagnie, où on n’a point d’égard au tems.

Si l’intérêt est composé, on aura  ; donc  ; donc , ce qui donne encore la même analogie.

Il y a cependant une observation à faire dans la regle de compagnie par tems, quand l’intérêt est simple. Je suppose, comme ci-dessus, que l’intéressé A mette a au mois de Janvier & b au mois d’Avril, il est évident qu’au premier Avril exprimera ce que l’intéressé A doit retirer, ou plûtôt sa véritable mise ; & cette mise étant augmentée de b, on aura pour sa mise au premier Avril ; or cette mise étant multipliée par donnera pour la mise totale de A à la fin des quinze mois, ce qui