Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/78

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cadémie des sciences & dans le public en 1706, M. Brisseau, qui attaquoit l’opinion commune de la membrane, soûtint que de la maniere dont se faisoit l’opération ordinaire de la cataracte, & vû l’endroit où l’on perçoit l’œil, il n’étoit pas possible que l’aiguille n’allât dans la chambre postérieure, & n’y abattît le crystallin, ou du moins ne le blessât aussi bien que l’uvée, par ce que cette chambre est fort petite. Ceux du parti contraire répondirent que cette chambre étoit assez grande, & plus grande même que l’antérieure, trompés peut-être par les figures de Vésale, de Brigs, & d’autres auteurs.

Ces sortes de points de fait délicats & peu sensibles, sont des plus difficiles à décider : il n’est pas possible de connoître la grandeur des chambres de l’humeur aqueuse par la dissection ordinaire : si l’on coupe un œil en sa partie antérieure, aussi tôt que la cornée est ouverte, l’humeur aqueuse s’en écoule, & l’on ne sait dans laquelle des deux chambres elle étoit en plus grande quantité : d’ailleurs la cornée ouverte se flétrit, le plus souvent s’affaisse, & ne conserve plus sa convexité ; l’uvée qui est naturellement tendue, & un peu éloignée du crystallin, se trouve relâchée & appliquée sur le crystallin. Il n’est donc plus possible de reconnoître la distance qui est entre la cornée & l’uvée, ni celle qui est entre l’uvée & le crystallin.

Pour remédier à cet inconvénient, & pouvoir s’éclaircir du fait, on a imaginé de faire geler des yeux pendant le froid, naturellement ou artificiellement ; car on sait par l’hyver de 1709, que l’humeur aqueuse se gele.

M. Petit le medecin, plus curieux que personne dans ces matieres, a pris des yeux de différens animaux, d’homme, de cheval, de bœuf, de mouton, de chien, de chat, de loup, & c. il faut que le froid soit considérable, afin que l’humeur aqueuse soit bien gelée, & qu’on en puisse exactement mesurer l’étendue en différens espaces.

La glace de la chambre antérieure s’est toûjours trouvée beaucoup plus épaisse que celle de la postérieure, & par conséquent la chambre antérieure plus grande que la postérieure. Les différentes proportions se sont aussi trouvées à cet égard dans des yeux d’animaux de différentes especes, & dans ceux d’une même espece, quoiqu’avec moins de différence.

La glace de la chambre postérieure n’est pas même aisée à appercevoir ; comme elle n’est qu’en fort petit volume, elle est noircie par l’uvée qui la termine, & à peine paroît-elle. Quand on coupe l’œil suivant son axe, c’est-à-dire, selon une ligne qui passe par les centres du crystallin & de la cornée, ce qui est la section la plus propre à cette recherche, la glace se brise par petites parcelles qui s’échapent ; & de plus le scalpel, quelque tranchant qu’il soit, s’émousse, & entraîne avec lui des parties noires de l’uvée, & des processus ciliaires, qui se mêlent avec la glace & la cachent. Il faut de l’art pour la découvrir telle qu’elle est, & pure.

Si l’on ne prend pas les yeux immédiatement après la mort, ils sont déja flétris, parce que les humeurs se sont évaporées à proportion du tems. L’humeur aqueuse, plus légere & plus volatile que la vitrée, & d’ailleurs plus libre, puisque la vitrée est retenue dans une infinité de petites cellules, s’évapore davantage ; & c’est celle dont on a besoin pour l’expérience.

Quand les yeux sont gelés, ils sont fort tendus, eussent-ils été flétris auparavant ; les humeurs se sont dilatées par la gelée comme fait l’eau, & en se gelant elles s’évaporent assez considérablement. Cette dilatation des humeurs nuit beaucoup à la recherche de la capacité des deux chambres.

Mais malgré ces difficultés, M. Petit est parvenu à la déterminer. Suivant lui, la chambre postérieure

dans l’homme contient à-peu-près le tiers de l’humeur aqueuse. Le poids moyen de cette humeur entiere est de quatre grains ; d’où il suit que la chambre postérieure en contient un grain &  ; & cette quantité est si petite, que la chambre qui a lignes d’étendue, ne peut être que très-étroite.

D’un autre côté MM. Heister & Morgagni, l’un en Allemagne & l’autre en Italie, ont aussi reconnu par les expériences qu’ils ont faites sur des yeux gelés, que la chambre antérieure est beaucoup plus grande que la postérieure : mais il s’en faut bien qu’ils soient entrés dans des finesses de détail & de précision, comme l’a fait M. Petit, dans les Mémoires de l’Acad. ann. 1723. Ce curieux physicien ne s’est pas contenté de la preuve prise de la gelée des yeux ; il a trouvé & indiqué trois autres moyens différens pour connoître la grandeur des chambres de l’humeur aqueuse dans les yeux de l’homme. Il y a deux de ces moyens par lesquels il a découvert l’épaisseur de ces chambres, & un troisieme qui en donne la solidité ; & parmi ces moyens est un ophtalmometre ou instrument de son invention, pour mesurer l’épaisseur & la grandeur des chambres. Voyez ann. 1728. Cet article est de M. le chevalier de Jaucourt.

Chambre obscure, ou Chambre close, en terme d’Optique, est une chambre fermée avec soin de toutes parts, & dans laquelle les rayons des objets extérieurs étant reçus à travers un verre convexe, ces objets sont représentés distinctement, & avec leurs couleurs naturelles, sur une surface blanche placée en-dedans de la chambre, au foyer du verre. Outre ces expériences que l’on peut faire dans une chambre ainsi fermée, on fait des chambres obscures, ou machines portatives, dans lesquelles on reçoit l’image des objets extérieurs par le moyen d’un verre. Voyez Œil artificiel.

La premiere invention de la chambre obscure est attribuée à Jean-Baptiste Porta.

La chambre obscure sert à beaucoup d’usages différens. Elle jette de grandes lumieres sur la nature de la vision ; elle fournit un spectacle fort amusant, en ce qu’elle présente des images parfaitement semblables aux objets ; qu’elle en imite toutes les couleurs & même les mouvemens, ce qu’aucune autre sorte de représentation ne peut faire. Par le moyen de cet instrument, sur-tout s’il est construit conformément à la derniere des trois manieres de le construire dont on parlera plus bas, quelqu’un qui ne sait pas le dessein pourra néanmoins dessiner les objets avec la derniere justesse & la derniere exactitude ; & celui qui sait dessiner ou même peindre pourra encore par ce même moyen se perfectionner dans son art.

La théorie de la chambre obscure est contenue dans les propos. suivantes tirées de l’Optique de Wolf.

Si un objet A B, (Pl. d’Opt. fig. 1.) envoye des rayons à-travers la petite ouverture C, sur une muraille blanche opposée à cet objet, & que la place où les rayons vont aboutir, derriere l’ouverture bCa, soit sombre ; l’image de l’objet se peindra sur la muraille de haut en bas.

Car l’ouverture C étant fort petite, les rayons qui viennent du point B, tomberont sur b ; ceux qui viennent des points A & D, tomberont sur a & d ; c’est pourquoi, comme les rayons qui partent des différens points de l’objet, ne sont point confondus, lorsque la muraille les réfléchit, ils porteront avec eux les traits de l’objet qu’ils représenteront sur la muraille. Mais comme les rayons AC & BC se coupent l’un l’autre à l’ouverture, & que les rayons qui partent des points d’en-bas vont aboutir en-haut, il faudra nécessairement que l’objet soit représenté dans une figure renversée.

Ainsi, comme les angles en D & en d sont droits, & que les angles en C sont égaux ; B & b, A & a se-