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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/811

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tables ; il ne peut même passer d’un office comptable à un autre, sans avoir rendu & apuré les comptes de sa premiere comptabilité ; & ce n’est que dans des circonstances favorables que le Roi déroge à cette regle par des lettres de dispense, qui n’ont d’exécution qu’après leur enregistrement en la chambre.

Dans le cas où un comptable prévariqueroit dans ses fonctions, il s’exposeroit à être poursuivi extraordinairement en la chambre, qui est seule compétente sur cette matiere ; & s’il y avoit divertissement de deniers, il seroit puni de mort. Ord. des 4 Avril 1530, & 8 Janv. 1532, 1 Mars 1545, Janv. 1629, & 3 Juin 1701.

Lorsqu’il est en retard de présenter son compte, de le faire juger, ou de le faire apurer, on procede contre lui par la voie civile.

C’est le procureur général qui fait les poursuites contre les comptables, pour les obliger de présenter leurs comptes ; soit de son chef, soit en vertu d’arrêts de la chambre : ces poursuites operent des condamnations d’amendes extraordinaires, quelquefois même saisie de leurs biens, & emprisonnement de leurs personnes.

Les poursuites, faute de mettre les comptes en état d’être jugés, se font en vertu d’arrêts de la chambre, rendus sur le référé des conseillers-maîtres, commis à la distribution des comptes. Ces arrêts prononcent différentes peines contre les comptables qui sont poursuivis en conséquence par le procureur général.

Lorsqu’il s’agit de l’apurement des comptes, c’est le contrôleur général des restes qui fait les poursuites, sous l’autorité des commissaires de la chambre préposés à cet effet : il commence par décerner sa contrainte, qui contient toutes les charges subsistantes en l’état final du compte, avec commandement d’en porter le montant au thrésor royal : ensuite il lui fait un itératif commandement ; & s’il ne satisfait pas, il lui fait un commandement recordé, établit garnison chez lui, & fait faire la vente de ses meubles. Lorsqu’il est obligé de procéder à la saisie de ses immeubles, elle se fait par le procureur général de la chambre ; mais la suite de cette procédure est portée à la cour des aides.

Le Roi a privilége sur les meubles des comptables, après ceux à qui la loi donne la préférence sur ces sortes d’effets ; il a aussi privilége sur leurs offices, même avant le vendeur : mais il ne l’a sur les autres immeubles acquis depuis la réception du comptable, qu’après le vendeur, & ceux qui ont prété leurs deniers pour l’acquisition de ces immeubles : quant aux immeubles acquis par le comptable avant sa réception, S. M. n’a hypotheque que du jour qu’il est entré en exercice. Les droits du Roi sur les effets des comptables, sont reglés par un édit particulier du mois d’Août 1669.

Les comptables ne peuvent obtenir séparation de biens avec leurs femmes, valablement à l’égard du Roi, que lorsqu’elle est faite en présence & du consentement du procureur général du Roi en la chambre. Décl. du 11 Déc. 1647.

La chambre des comptes met le scellé chez tous les comptables décédés, absens, ou en faillite, même chez ceux qui n’exercent plus, lorsqu’ils n’ont pas rendu tous les comptes de leur maniement.

Quand un comptable meurt hors du ressort de la chambre des comptes, dont il est justiciable, celle dans le ressort de laquelle il se trouve, appose le scellé sur ses effets.

Les comptables ni leurs enfans ne peuvent être reçus dans aucuns offices de la chambre, qu’après qu’ils n’exercent plus leurs offices ou commissions, & que leurs comptes ont été apurés & corrigés, & qu’-

après que le récollement des acquits ayant été fait,

ils ont été renfermés dans un coffre.

Les principales ordonnances qui concernent les comptables, sont celles de Décembre 1557, d’Août 1598, de Février 1614, de Janvier 1629, & d’Août 1669. (A)

COMPTEPAS, s. m. instrument qui sert à mesurer le chemin qu’on a fait à pié, ou même en voiture : on l’appelle aussi odometre. V. Odometre. (O)

COMPTER, (art de) Métaph. Logiq. faculté de l’ame, attent. mém. opération de l’esprit qui joint par des noms & des signes différens plusieurs choses d’une même espece, comme sont les unités, & par ce moyen forme l’idée distincte d’une dixaine, d’une vingtaine, d’une centaine ; dix, 10 ; vingt, 20 ; cent, 100.

La plûpart des hommes savent compter, sans entendre le moins du monde cette méchanique, sans se rappeller la peine & les soins qu’ils ont eu pour l’apprendre, comment ils y sont parvenus, pourquoi ils ne confondent pas les noms & les signes, pourquoi cette variété de noms & de signes ne cause cependant pas d’erreur, quelle en est la raison, &c. Le lecteur pourra trouver ces explications dans l’ouvrage de Locke sur l’entendement humain, & dans celui de M. de Condillac sur l’origine des connoissances humaines. Nous nous bornerons à la simple exposition qu’ils donnent de l’opération que l’esprit doit faire pour compter.

Compter, est joindre à l’idée que nous avons de l’unité qui est la plus simple, une unité de plus, dont nous faisons une idée collective que nous nommons deux ; ensuite avancer en ajoûtant toûjours une unité de plus à la derniere idée collective ; enfin donner au nombre total, regardé comme compris dans une seule idée, un nom & un signe nouveau & distinct, par lesquels on puisse discerner ce nombre de ceux qui sont devant & après, & le distinguer de chaque multitude d’unités qui est plus petite ou plus grande.

Celui donc qui sait ajoûter un à un, 1 à 1, ce qui forme l’idée complexe de deux, 2, & avancer de cette maniere dans son calcul, marquant toûjours en lui-même les noms distincts qui appartiennent à chaque progression, & qui d’autre part ôtant une unité de chaque collection, peut les diminuer autant qu’il veut ; celui-là est capable d’acquérir toutes les idées des nombres dont les noms & les signes sont en usage dans sa langue : car comme les différens modes des nombres ne sont dans notre esprit que tout autant de combinaisons d’unités, qui ne changent point, & ne sont capables d’aucune autre différence que du plus ou du moins ; il s’ensuit que des noms & des signes particuliers sont plus nécessaires à chacune de ces combinaisons distinctes, qu’à aucune autre espece d’idées. La raison de cela est que sans de tels noms & signes qui les caractérisent, nous ne pouvons faire aucun usage des nombres en comptant, sur-tout lorsque la combinaison est composée d’une grande multitude d’unités ; car alors il seroit difficile, ou presqu’impossible, d’empêcher que de ces unités étant jointes ensemble, sans avoir distingué cette collection particuliere par un nom & un signe précis, il ne s’en fasse un parfait chaos.

C’est là la raison pourquoi certains peuples ne peuvent en aucune maniere compter au-delà de vingt, de cent, de mille ; parce que leur langue uniquement accommodée au peu de besoins d’une pauvre & simple vie, n’a point de mots qui signifient vingt, cent, mille ; de sorte que lorsqu’ils sont obligés de parler de quelque grand nombre, ils montrent les cheveux de leur tête, pour marquer en général une grande multitude qu’ils ne peuvent nombrer.

Jean de Léry qui a été chez les Toupinambes,