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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/889

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en prose dans le style vif & élevé. Il faut dire avec le P. Buffier, la Poésie n’admet ni expression ni transposition, &c.

Observez que comme l’esprit est plus prompt que la parole, l’empressement d’énoncer ce que l’on conçoit, fait souvent supprimer les conjonctions, & surtout les copulatives : attention, soins, crédit, argent, j’ai tout mis en usage pour, &c. cette suppression rend le discours plus vif. On peut faire la même remarque à l’égard de quelques autres conjonctions, surtout dans le style poétique, & dans le langage de la passion & de l’enthousiasme.

2°. Conjonctions augmentatives ou Adverbes conjonctifs-augmentatifs. De plus, d’ailleurs ; ces mots servent souvent de transition dans le discours.

3°. Conjonctions alternatives. Ou, sinon, tantôt. Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée ; lisez ou écrivez. Pratiquez la vertu, sinon vous serez malheureux. Tantôt il rit, tantôt il pleure ; tantôt il veut, tantôt il ne veut pas.

Ces conjonctions, que M. l’abbé Girard appelle alternatives parce qu’elles marquent une alternative, une distinction ou séparation dans les choses dont on parle ; ces conjonctions, dis-je, sont appellées plus communément disjonctives. Ce sont des conjonctions, parce qu’elles unissent d’abord deux objets, pour nier ensuite de l’un ce qu’on affirme de l’autre ; par exemple, on considere d’abord le soleil & la terre, & l’on dit ensuite que c’est, ou le soleil qui tourne autour de la terre, ou bien que c’est la terre qui tourne autour du soleil. De même en certaines circonstances on regarde Pierre & Paul comme les seules personnes qui peuvent avoir fait une telle action ; les voilà donc d’abord considerés ensemble, c’est la conjonction ; ensuite on les desunit, si l’on ajoûte c’est ou Pierre ou Paul qui a fait cela, c’est l’un ou c’est l’autre.

4°. Conjonctions hypothétiques. Si, soit, pourvû que, à moins que, quand, sauf, M. l’abbé Girard les appelle hypothétiques, c’est-à-dire condition elles, parce qu’en effet ces conjonction, énoncent une condition, une supposition ou hypothese.

Si ; il y a un si conditionel, vous deviendrez savant si vous aimez l’étude : si vous aimez l’étude, voilà l’hypothese ou la condition. Il y a un si de doute, je ne sai si, &c.

Il y a encore un si qui vient du sic des Latins ; il est si studieux, qu’il deviendra savant ; ce si est alors adverbe, sic, adeò, à ce point, tellement.

Soit, sive ; soit goût, soit raison, soit caprice, il aime la retraite. On peut aussi regarder soit, sive, comme une conjonction alternative ou de distinction.

Sauf, désigne une hypothese, mais avec restriction.

5°. Conjonctions adversatives. Les conjontion adversatives rassemblent les idées, & font servir l’une à contrebalancer l’autre. Il y a sept conjonctions adversatives : mais, quoique, bien que, cependant, pourtant, néanmoins, toutefois.

Il y a des conjonctions que M. l’abbé Girard appelle extensives, parce qu’elles lient par extension de sens ; telles sont jusques, encore, aussi, même, tant que, non, plus, enfin.

Il y a des adverbes de tems que l’on peut aussi regarder comme de véritables conjonctions ; par exemple, lorsque, quand, dès que, tandisque. Le lien que ces mots expriment, consiste dans une correspondance de tems.

6°. D’autres marquent un motif, un but, une raison, afin que, parce que, puisque, car, comme, aussi, attendu que, d’autant que ; M. l’abbé Girard prétend (t. II. p. 280.) qu’il faut bien distinguer dautant que, conjonction qu’on écrit sans apostrophe, & d’autant ad-

verbe, qui est toûjours séparé de que par plus, mieux ou moins, d’autant plus que, & qu’on écrit avec l’apostrophe. Le P. Joubert, dans son dictionnaire, dit aussi dautant que, conjonction ; on l’écrit, dit-il, sans apostrophe, quia, quoniam. Mais M. l’abbé Regnier, dans sa Grammaire, écrit d’autant que, conjonction, avec l’apostrophe, & observe que ce mot, qui autrefois étoit fort en usage, est renfermé aujourd’hui au style de chancellerie & de pratique ; pour moi je crois que d’autant que & d’autant mieux que sont le même adverbe, qui de plus fait l’office de conjonction dans cet exemple, que M. l’abbé Girard cite pour faire voir que d’autant que est conjonction sans apostrophe ; on ne devoit pas si fort le louer, d’autant qu’il ne le méritoit pas ; n’est-il pas évident que d’autant que répond à ex eo quod, ex eo momento secundum quod, ex eâ ratione secundum quam, & que l’on pourroit aussi dire, d’autant mieux qu’il ne le méritoit pas. Dans les premieres éditions de Danet on avoit écrit dautant que sans apostrophe, mais on a corrigé cette faute dans l’édition de 1721 ; la même faute est aussi dans Richelet. Nicot, dictionnaire 1606, écrit toûjours d’autant que avec l’apostrophe.

7°. On compte quatre conjonctions conclusives, c’est-à-dire qui servent à déduire une conséquence, donc, par conséquent, ainsi, partant : mais ce dernier n’est guere d’usage que dans les comptes où il marque un résultat.

8°. Il y a des conjonctions explicatives, comme lorsqu’il se présente une similitude ou une conformité, en tant que, savoir, sur-tout.

Auxquelles on joint les cinq expressions suivantes qui sont des conjonctions composées, de sorte que, ainsi que, de façon que, c’est-à-dire, si bien que.

On observe des conjonctions transitives, qui marquent un passage ou une transition d’une chose à une autre, or, au reste, quant à, pour, c’est-à-dire à l’égard de ; comme quand on dit ; l’un est venu : pour l’autre, il est demeuré.

9°. La conjonction que : ce mot est d’un grand usage en François, M. l’abbé Girard l’appelle conjonction conductive, parce qu’elle sert à conduire le sens à son complément : elle est toûjours placée entre deux idées, dont celle qui précede en fait toûjours attendre une autre pour former un sens, de maniere que l’union des deux est nécessaire pour former une continuité de sens : par exemple, il est important que l’on soit instruit de ses devoirs : cette conjonction est d’un grand usage dans les comparaisons ; elle conduit du terme comparé au terme qu’on prend pour modele ou pour exemple : les femmes ont autant d’intelligence que les hommes, alors elle est comparative. Enfin la conjonction que sert encore à marquer une restriction dans les propositions négatives ; par exemple, il n’est fait mention que d’un tel prédicateur, sur quoi il faut observer que l’on présente d’abord une négation, d’où l’on tire la chose pour la présenter dans un sens affirmatif exclusivement à tout autre : Il n’y avoit dans cette assemblée que tel qui eût de l’esprit ; nous n’avons que peu de tems à vivre, & nous ne cherchons qu’à le perdre. M. l’abbé Girard appelle alors cette conjonction restrictive.

Au fond cette conjonction que n’est souvent autre chose que le quod des Latins, pris dans le sens de hoc. Je dis que vous êtes sage, dico quod, c’est-à-dire dico hoc, nempè, vous êtes sage. Que vient aussi quelquefois de quam ou de quantum ou enfin de quot.

Au reste on peut se dispenser de charger sa mémoire des divers noms de chaque sorte de conjonction, parce qu’indépendament de quelqu’autre fonction qu’il peut avoir, il lie un mot à un autre mot ou un sens à un autre sens, de la maniere que nous l’avons expliqué d’abord : ainsi il y a des adverbes & des prépositions qui sont aussi des conjonctions com-