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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/918

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Le privilége du double lien, c’est-à-dire des freres & sœurs germains, dans les coûtumes où il a lieu, est plus fort que le droit de consanguinité proprement dite, au moyen de quoi dans ces coûtumes les freres & sœurs germains excluent les freres & sœurs consanguins.

Lorsqu’on parle des degrés de consanguinité, on entend ordinairement les degrés de parenté en général ; & comme le terme de consanguinité est présentement moins usité en ce sens que celui de parenté qui est plus générique, nous expliquerons au mot Parenté, la maniere d’en compter les degrés de consanguinité ou de parenté ce qui est la même chose. (A)

CONSBACH, (Géog. mod.) ville du royaume de Suede, dans la province de Halland.

CONSCIENCE, subst. f. (Phil. Log. Métaph.) L’opinion ou le sentiment intérieur que nous avons nous-mêmes de ce que nous faisons ; c’est ce que les Anglois expriment par le mot de consciousness, qu’on ne peut rendre en François qu’en le périphrasant.

Puisque, de l’aveu de tout le monde, il y a dans l’ame des perceptions qui n’y sont pas à son insçu ; ce sentiment qui lui en donne la connoissance, & qui l’avertit du moins d’une partie de ce qui se passe en elle, M. l’abbé de Condillac l’appelle avec raison conscience. Si, comme le veut Locke, l’ame n’a point de perceptions, dont elle ne prenne connoissance, ensorte qu’il y ait contradiction qu’une perception ne lui soit pas connue, la perception & la conscience doivent être prises pour une seule & même opération. Si au contraire il y a dans l’ame des perceptions dont elle ne prend jamais connoissance, ainsi que les Cartésiens, les Mallebranchistes & les Leibnitiens le prétendent, la conscience & la perception sont deux opérations très-distinctes. Le sentiment de Locke semble le mieux fondé ; car il ne paroît pas qu’il y ait des perceptions dont l’ame ne prenne quelque connoissance plus ou moins forte, d’où il resulte que la perception & la conscience ne sont réellement qu’une même opération sous deux noms. Entant qu’on ne considere cette opération que comme une impression dans l’ame, on peut lui conserver le nom de perception, & entant qu’elle avertit l’ame de sa présence, on peut lui donner celui de conscience. Article de M. le Chevalier de Jaucourt

Conscience, (Cas de) Voyez Cas de conscience & Casuiste.

Conscience, (Droit. nat. Mor.) acte de l’entendement, qui indique ce qui est bon ou mauvais dans les actions morales, & qui prononce sur les choses qu’on a faites ou omises, d’où il naît en nous-mêmes une douce tranquillité ou une inquiétude importune, la joie & la serenité, ou ces remords cruels si bien figurés par le vautour de la fable, qui déchiroit sans cesse le cœur de Promethée.

Ainsi la conscience, cette regle immédiate de nos actions, ce for-intérieur qui nous juge, a ses diverses modifications suivant les divers états de l’ame. Elle peut être décisive, douteuse, droite, mauvaise, probable, erronnée, irrésolue, scrupuleuse, &c. Définissons exactement tous ces mots d’après M. Barbeyrac. Ce sera remplir les vûes auxquelles cet ouvrage est principalement destiné, je veux dire, de fixer les principes les plus importans sur chaque matiere. Par rapport aux détails des diverses questions qui sont agitées sur ce sujet, le lecteur pourra consulter, s’il le juge à-propos, les écrits de Cumberland, de Pufendorf, de Titius, de Buddæus, & de Thomasius.

La conscience (pour la définir avec exactitude), est le jugement que chacun porte de ses propres ac-

tions, comparées avec les idées qu’il a d’une certaine

regle nommée loi ; ensorte qu’il conclud en lui-même que les premieres sont ou ne sont pas conformes aux dernieres.

Nous disons comparées avec les idées qu’il a de la loi, & non pas avec la loi même, parce que la loi ne sauroit être la regle de nos actions qu’autant qu’on la connoît. Il ne resulte pourtant pas de-là, que chacun puisse se déterminer à faire une chose, du moment qu’il s’imagine qu’elle est permise ou prescrite par la loi, de quelque maniere qu’il se le soit mis dans l’esprit. Mais voici deux regles très-faciles, & que les plus simples peuvent & doivent suivre dans chaque occasion particuliere.

I. Avant que de se déterminer à suivre les mouvemens de la conscience, il faut bien examiner si l’on a les lumieres & les secours nécessaires pour juger de la chose dont il s’agit ; car si l’on manque de ces lumieres & de ces secours (& en ce cas-là il ne faut que la bonne foi & le sens commun pour s’en convaincre), on ne sauroit rien décider, moins encore rien entreprendre, sans une témerité inexcusable & très-dangereuse. On peut appliquer cette regle à tant de gens qui prennent parti sur des disputes de la Religion, ou sur des questions difficiles de Morale, de Politique, sur des matieres de Droit, des procès delicats, des traitemens de maladies compliquées, &c.

II. Supposé qu’en général on ait les lumieres & les secours nécessaires pour juger de la chose dont il s’agit, il faut voir si l’on en a fait usage actuellement, ensorte qu’on puisse se porter sans autre examen à ce que la conscience suggere. Dans le Négoce, par exemple, & dans les autres affaires de la vie civile, on se laisse aller tranquillement à des obliquités & des injustices, dont on verroit aisément la turpitude si l’on faisoit attention à des principes très-clairs, dont on ne peut s’écarter, & que l’on reconnoît d’ailleurs en général.

Comme il est nécessaire de distinguer entre le jugement que l’ame porte avant l’action, & celui qu’elle porte après l’action, on a nommé ces deux choses en termes scholastiques assez commodes, conscience antécedente & conscience subséquente. Il n’y a quelquefois dans les actions que le dernier de ces jugemens, lorsque, par exemple (ce qui est assez ordinaire), on se détermine à agir sans examiner ni penser seulement si l’on fera bien ou mal.

Quand les deux jugemens ont été produits par rapport à une seule & même action, ils sont quelquefois conformes, ce qui arrive lorsque l’on a agi contre ses lumieres ; car alors on se condamne encore plus fortement après l’action : il y a peu de gens qui, ou acquierent en si peu de tems des lumieres capables de leur persuader que ce qu’ils croyent mauvais est légitime, ou révoquent si-tôt leur propre sentence en matiere d’une chose effectivement contraire à la loi. Quelquefois aussi il y a de la diversité dans ces jugemens, ce qui a lieu, ou lorsque l’on s’est déterminé à quelque chose sans une pleine & entiere délibération, soit par passion ou par précipitation, de maniere qu’on n’a pas eu la liberté d’envisager suffisamment la nature & les suites de l’action ; ou lorsque, quoiqu’on ait agi avec une pleine délibération, on s’est déterminé sur un examen très léger ; car l’idée de la chose faite frappe plus vivement que l’idée de la chose à faire, & les réflexions viennent commencer ou achever après coup l’examen.

Voici les divers actes du jugement anticipé, selon les différens états où l’ame se trouve alors.

La conscience est ou décisive ou douteuse, selon le degré de persuasion dans lequel on est, au sujet de la qualité de l’action à faire. Quand on prononce décisivement que telle ou telle chose est conforme ou