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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 3.djvu/95

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Dans les pays de droit écrit, le champart ou agrier se leve sur toutes sortes de fruits ; mais on y distingue l’agrier sur les vins & autres fruits, de ceux qui se perçoivent sur les grains : les noms en sont différens, aussi bien que la quotité ; cela dépend ordinairement de la baillette, ou concession de l’héritage.

La dixme, soit ecclésiastique ou inféodée, se perçoit avant le champart ; & le seigneur ne prend le champart que sur ce qui reste après la dixme prélevée, c’est-à-dire, que pour fixer le champart on ne compte point les gerbes enlevées pour la dixme.

On tient pour maxime en pays coûtumier, que le champart n’est pas vraiment seigneurial, à moins qu’il ne tienne lieu du cens : quelques coûtumes le décident ainsi. Montargis, art. jv.

Le champart seigneurial a les mêmes prérogatives que le cens ; il produit des lods & ventes en cas de mutation par vente ou par contrat équipollent à vente, excepté dans les coûtumes d’Orléans & d’Etampes, qui sont singulieres à cet égard.

Le decret ne purge point le droit de champart seigneurial, quoique le seigneur ne s’y soit pas opposé.

A l’égard des pays de droit écrit, l’usage le plus général est que le champart n’y est réputé seigneurial, que quand il est joint au cens : cela dépend des titres ou reconnoissances. Cependant au parlement de Bordeaux il est réputé seigneurial de sa nature.

Le champart, même seigneurial, n’est pas portable dans les parlemens de droit écrit : il est querable sur le champ, excepté au parlement de Bordeaux ; il tombe en arrérages : mais sur ce point l’usage n’est pas uniforme ; au parlement de Toulouse on n’en peut demander que cinq ans, soit que le droit soit seigneurial ou non ; à Bordeaux on en adjuge vingt-neuf quand il est seigneurial, & cinq lorsqu’il ne l’est pas ; au parlement de Provence on en adjuge trente-neuf années quand il est dû à un seigneur ecclésiastique.

En pays coûtumier il ne tombe point en arrérages, & il est toûjours querable, si le titre & la coûtume ne portent le contraire ; comme les coûtumes de Poitou, Saintes, Amiens, Nevers, Montargis, Blois, & Bourbonnois.

La quotité du champart dépend de l’usage du lieu, & plus encore des titres. Les coûtumes de Montargis, de Berri, & de Vatan, le fixent à la douzieme gerbe, s’il n’y a convention contraire : celle de Dovine le fixe à la dixieme gerbe. Il y a encore des lieux où il est plus fort : quelques seigneurs en Poitou perçoivent de douze gerbes deux, & même trois ; ce qui fait la quatrieme ou la sixieme gerbe. Il y a aussi des endroits où il est moindre : tout cela, encore une fois, dépend de l’usage & des titres.

Dans les provinces de Lyonnois, Forès, Beaujollois, il est ordinairement du quart ou du cinquieme des fruits ; c’est pourquoi on l’appelle droit de quarte ou de cinquain.

En Dauphiné on l’appelle droit de vingtain, parce qu’il est de vingt gerbes une.

On peut intenter complainte pour le terrage. Celui qui possede un héritage sujet au champart ou autre droit équipollent, est obligé de labourer & ensemencer ou planter la terre, de maniere que le droit puisse y être perçû : il ne peut, en fraude du droit, laisser l’héritage en friche, s’il est propre à être cultivé ; & si le titre spécifie la qualité des fruits qui sont dûs, le tenancier ne peut changer la surface du fonds, pour lui faire produire une autre espece de fruits : les coûtumes de Blois & d’Amiens le défendent expressément ; celle de Montargis le permet, en avertissant le seigneur, & l’indemnisant à dire d’experts.

Il faut néanmoins excepter le cas où la nature du terrein demande ce changement ; alors le seigneur

ou propriétaire ne perd pas son droit, il le perçoit sur les fruits que produit l’héritage.

La coûtume de Poitou, art. cjv. veut que celui qui tient des terres à terrage ou champart, en pays de bocage, c’est-a-dire entouré de bois, emblave au moins le tiers des terres ; & si c’est en plaine, qu’il en emblave la moitié. L’art. lxj. porte qu’à l’égard des vignes, faute de les façonner, le seigneur les peut reprendre, & les donner à d’autres.

Les coûtumes de la Marche, Clermont, Berri, Amiens, ne permettent au seigneur de reprendre les terres qu’au bout de trois ans de cessation de culture ; celle d’Amiens permet au tenancier de les reprendre ; la coûtume de Blois veut qu’il y ait neuf ans de cessation.

Le champart se prend chaque année dans le champ, soit pour l’emporter s’il est querable, soit pour le compter & le faire porter par le tenancier s’il est portable. Dans tous les cas il faut que le seigneur ou propriétaire, ou leurs préposés, soient avertis avant que l’on puisse enlever la dépouille du champ. La coûtume de Soesme est la seule qui permette au tenancier d’enlever sa récolte sans appeller le seigneur, en laissant le terrage debout, c’est-à-dire sans le couper ; & vice versâ, au seigneur avant le tenancier.

Quant à la maniere d’avertir le seigneur ou propriétaire qui a droit de champart, la coûtume de Boulenois dit qu’on doit le sommer : celles de Berri & Blois veulent qu’on lui signifie : mais dans l’usage le tenancier n’est point obligé de faire aucun acte judiciaire ; un avertissement verbal en présence de témoins suffit, comme la coûtume de Blois le dit en un autre endroit.

Lorsque ce droit est commun à plusieurs seigneurs, il suffit d’en avertir un, ou de faire cet avertissement au lieu où le champart doit être porté, comme la coûtume de Blois le donne à entendre, art. cxxxiij.

La coûtume de Mantes veut que le seigneur appellé pour la levée du terrage, comparoisse du soir au matin, & du matin à l’après-dînée. Les coûtumes de Poitou & de Berri veulent qu’on l’attende vingt-quatre heures : celle de Montargis, qu’on l’attende compétemment : cela dépend de l’usage & des titres, & même des circonstances qui peuvent obliger d’enlever la moisson plus promptement ; par exemple, lorsque l’on craint un orage.

Le champart seigneurial, & qui tient lieu du cens, est de sa nature imprescriptible, & par une suite du même principe, le décret ne le purge pas.

En Dauphiné le champart, qu’on y appelle vingtain, se prescrit par cent ans, lorsqu’il est seigneurial ; & par trente ou quarante, lorsqu’il ne l’est pas. Sur le droit de champart ou terrage, voyez le glossaire de Ducange, au mot campi pars ; & celui de Lauriere, aux mots champart & terrage. La Rocheflavin, tr. des droits seigneuriaux. Despeisses, tit. du champart. Loysel, instit. liv. IV. tit. 2. Loüet & Brodeau, lett. C, n. 19. & 21. Coquille, tome II. quest. 76. Maynard, liv. X. arrêt iij. Dumoulin sur Paris, ch. ij. tit. prem. Chopin sur la même coûtume, liv. I. tit. iij. n. 20. Bretonnier sur Henrys, tome I. liv. I. ch. iij. quest. 34. Dolive, liv. II. ch. xxjv. Basnage sur la coûtume de Normandie, tit. de jurisdiction. art. iij. Guyot, tr. des fiefs, tome IV. ch. du champart. Tr. du champart par Brunet, qui est à la suite du tr. des dixmes de Drapier. Voyez aussi ci-devant au mot Agrier, & ci-après aux mots Champartage, Complant, Neume, Tasque, Teneau, Terrage, Quart, Cinquain, Vingtain.

CHAMPARTAGE, s. m. (Jurisp.) appellé dans la basse latinité & dans les anciens titres, campartagium, est un second droit de champart que quelques seigneurs, dans la coûtume de Mantes, sont fondés à