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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/1021

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DIOSCURES, s. m. pl. (Myth.) surnom de Castor & de Pollux, qui signifie qu’ils étoient fils de Jupiter. Il vient du grec διὸς, Jupiter, & κοῦροι, enfant de Jupiter, qui selon la fable se déguisa en cygne pour séduire Leda leur mere. Ces deux héros furent du nombre des Argonautes, & rapporterent de la Colchide dans la Laconie la statue de Mars appellée Theritas. On croit qu’ils survécurent à l’enlevement de leur sœur Helene par Paris, & qu’ils ne furent déifiés que plus de trente ans après la prise de Troie. Ils avoient un temple à Athenes, & on les regardoit principalement comme des divinités chargées du soin d’appaiser les tempêtes, & par cette raison on leur donna aussi le surnom de dieux sauveurs. On prétendoit que les feux qui paroissent ordinairement sur la fin des tempêtes, étoient une marque de la présence & de la protection des Dioscures : idée superstitieuse que le Christianisme n’a pas entierement détruite, puisque les matelots regardent encore aujourd’hui ce météore comme quelque chose de divin, & lui rendent une espece de culte. Les uns le nomment saint Nicolas & saint Elme, d’autres corpo santo. En conséquence de cette idée, les sculpteurs & les monétaires ont désigné les Dioscures dans les bas-reliefs & dans les médailles, par une étoile placée au-dessus de leur bonnet. Il y a eu chez les anciens plusieurs autres Dioscures que les fils de Leda & de Jupiter. (G)

DIOXIE, s. f. διοξεία, en Musique, est, au rapport de Nicomaque, un nom que les anciens donnoient quelquefois à la consonnance de la quinte, qu’ils appelloient communément diapente. Voy. Diapente. (S)

DIPHRYGES, (Métallurg.) nom que les anciens ont donné à une espece de crasse qui s’attache aux parois des fourneaux, dans lesquels on a fait fondre le cuivre jaune ou laiton. Elle contient une petite portion de zinc. Voyez Cadmie. (—)

DIPHTHONGUE, s. f. terme de Grammaire ; ce mot par lui-même est adjectif de syllabe ; mais dans l’usage, on le prend substantivement. a est une syllabe monophthongue, μονόφθογγος, c’est-à-dire une syllabe énoncée par un son unique ou simple ; au lieu que la syllade au, prononcée à la latine a-ou, & comme on la prononce encore en Italie, &c. & même dans nos provinces méridionales ; au, dis-je, ou plûtôt a-ou, c’est une diphthongue, c’est-à-dire une syllabe qui fait entendre le son de deux voyelles par une même émission de voix, modifiée par le concours des mouvemens simultanées des organes de la parole. R R. δὶς, bis, & φθόγγος, sonus.

L’essence de la diphthongue consiste donc en deux points.

1°. Qu’il n’y ait pas, du moins sensiblement, deux mouvemens successifs dans les organes de la parole.

2°. Que l’oreille sente distinctement les deux voyelles par la même émission de voix : Dieu, j’entens l’i & la voyelle eu, & ces deux sons se trouvent réunis en une seule syllabe, & énoncés en un seul tems. Cette réunion, qui est l’effet d’une seule émission de voix, fait la diphthongue. C’est l’oreille qui est juge de la diphthongue ; on a beau écrire deux, ou trois, ou quatre voyelles de suite, si l’oreille n’entend qu’un son, il n’y a point de diphthongue : ainsi au, ai, oient, &c. prononcés à la françoise ô, è, ê, ne sont point diphthongues. Le premier est prononcé comme un o long, au-mône, au-ne : les partisans même de l’ancienne orthographe l’écrivent par o en plusieurs mots, malgré l’étymologie or, de aurum, o-reille, de auris : & à l’égard de ai, oit, aient, on les prononce comme un è, qui le plus souvent est ouvert, palais comme succès, ils av-oien-t, ils avê, &c.

Cette différence entre l’orthographe & la prononciation, a donné lieu à nos Grammairiens de diviser

les diphthongues en vraies ou propres, & en fausses ou impropres. Ils appellent aussi les premieres, diphthongues de l’oreille, & les autres, diphthongues aux yeux : ainsi l’æ & l’œ, qui ne se prononcent plus aujourd’hui que comme un e, ne sont diphthongues qu’aux yeux ; c’est improprement qu’on les appelle diphthongues.

Nos voyelles sont a, é, è, ê, i, o, u, eu, e muet, ou. Nous avons encore nos voyelles nasales, an, en, in, on, un : c’est la combinaison ou l’union de deux de ces voyelles en une seule syllabe, en un seul tems, qui fait la diphthongue.

Les Grecs nomment prépositive la premiere voyelle de la diphthongue, & postpositive la seconde : ce n’est que sur celle-ci que l’on peut faire une tenue, comme nous l’avons remarqué au mot Consonne.

Il seroit à souhaiter que nos Grammairiens fussent d’accord entre eux sur le nombre de nos diphthongues ; mais nous n’en sommes pas encore à ce point-là. Nous avons une grammaire qui commence la liste des diphthongues par eo, dont elle donne pour exemple Géographie, Théologie : cependant il me semble que ces mots sont de cinq syllabes, Gé-o-gra-phi-e, Thé-o-lo-gi-e. Nos Grammairiens & nos dictionnaires me paroissent avoir manqué de justesse & d’exactitude au sujet des diphthongues. Mais sans me croire plus infaillible, voici celles que j’ai remarquées, en suivant l’ordre des voyelles ; les unes se trouvent en plusieurs mots, & les autres seulement en quelques-uns.

Ai, tel qu’on l’entend dans l’interjection de douleur ou d’exclamation ai, ai, ai, & quand l’a entre en composition dans la même syllabe avec le moüillé fort, comme dans m-ail, b-ail, de l’-ail, ati-r-ail, évan-t-ail, por-t-ail, &c. ou qu’il est suivi du moüillé foible, la ville de Bl-aye en Guienne, les îles Luc-ayes en Amérique.

Cette diphthongue ai est fort en usage dans nos provinces d’au-delà de la Loire. Tous les mots qu’on écrit en françois par ai, comme faire, nécessaire, jamais, plaire, palais, &c. y sont prononcés par a-i diphthongue : on entend l’a & l’i. Telle étoit la prononciation de nos peres, & c’est ainsi qu’on prononce cette diphthongue en grec, μoῦσαι, τιμαὶ ; telle est aussi la prononciation des Italiens, des Espagnols, &c. Ce qui fait bien voir avec combien peu de raison quelques personnes s’obstinent à vouloir introduire cette diphthongue oculaire à la place de la diphthongue oculaire oi dans les mots François, croire, &c. comme si ai étoit plus propre que oi à représenter le son de l’è. Si vous avez à réformer oi dans les mots où il se prononce è, mettez è : autrement, c’est réformer un abus par un plus grand, & c’est pécher contre l’analogie. Si l’on écrit François, j’avois, c’est que nos peres prononçoient François, j’avois ; mais on n’a jamais prononcé Français en faisant entendre l’a & l’i. En un mot, si l’on vouloit une réforme, il falloit plûtôt la tirer de procès, succès, très, auprès, dès, &c. que de se regler sur palais, & sur un petit nombre de mots pareils qu’on écrit par ai, par la raison de l’étymologie palatium, & par ce que telle étoit la prononciation de nos peres ; prononciation qui se conserve encore, non-seulement dans les autres langues vulgaires, mais même dans quelques-unes de nos provinces.

Il n’y a pas long-tems que l’on écrivoit nai, natus, il est nai ; mais enfin la prononciation a soûmis l’orthographe en ce mot, & l’on écrit .

Quand les Grecs changeoient ai en η dans la prononciation, ils écrivoient αἴρω, attollo, ἦρον, attollebam.

Observons en passant que les Grecs ont fait usage de cette diphthongue ai, au commencement, au milieu, & à la fin de plusieurs mots, tant dans les noms