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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/1050

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tiens ; il faut seulement que ce sel soit semé par la prudence, & que la politesse & la modération l’adoucissent & le temperent. Mais si dans la société elle peut devenir une source de plaisirs, elle peut devenir dans les sciences une source de lumieres. Dans cette lutte de pensées & de raisons, l’esprit aiguillonné par l’opposition & par le desir de la victoire, puise des forces dont il est surpris quelquefois lui-même : dans cette exacte discussion, l’objet lui est présenté par toutes ses faces, dont la plûpart lui avoient échappé ; & comme il l’envisage tout entier, il se met à portée de le bien connoître. Dans les savantes contentions, chacun en attaquant l’opinion de l’adversaire, & en défendant la sienne, écarte une partie du nuage qui l’enveloppe.

Mais c’est la raison qui écarte ce nuage ; & la raison clairvoyante & active dans le calme, perd dans le trouble & ses lumieres & son activité : étourdie par le tumulte, elle ne voit, elle n’agit plus que foiblement. Pour découvrir la vérité qui se cache, il faudroit examiner, discuter, comparer, peser : la précipitation, fille de l’emportement, laisse-t-elle assez de tems & de flegme pour les opérations difficiles ? dans cet état, saisira-t-on les clartés décisives que la dispute fait éclore ? C’étoient peut-être les seuls guides qui pouvoient conduire à la vérité ; c’étoit la vérité même : elle a paru, mais à des yeux distraits & inappliqués qui l’ont méconnue ; pour s’en venger, elle s’est peut-être éclipsée pour toûjours.

Nous ne le savons que trop, les forces de notre ame sont bornées ; elle ne se livre à une espece d’action, qu’aux dépens d’une autre ; la réflexion attiédit le sentiment, le sentiment absorbe la raison ; une émotion trop vive épuise tous ses mouvemens ; à force de sentir, elle devient peu capable de penser ; l’homme emporté dans la dispute paroît sentir beaucoup, il n’est que trop vraissemblable qu’il pense peu.

D’ailleurs l’emportement né du préjugé, ne lui prete-t-il pas à son tour de nouvelles forces ? Soûtenir une opinion erronée, c’est contracter un engagement avec elle ; la soûtenir avec emportement, c’est redoubler cet engagement, c’est le rendre presque indissoluble : intéressé à justifier son jugement, on l’est beaucoup plus encore à justifier sa vivacité. Pour la justifier auprès des autres, on deviendra inépuisable en mauvaises raisons ; pour se la justifier à soi-même, on s’affermira dans la prévention qui les fait croire bonnes.

Ce n’est qu’à l’aide des preuves & des raisons qu’on découvre la vérité à des yeux fascinés qui la méconnoissent ; mais ces preuves & ces raisons, quelque connues qu’elles nous soient dans le calme, ne nous sont plus présentes dans l’accès de l’emportement. L’agitation & le trouble les voilent à notre esprit ; la chaleur de l’emportement ne nous permet ni de nous appliquer, ni de réfléchir. Prodigues de vivacités, & avares de raisonnemens, nous querellons l’adversaire sans travailler à le convaincre ; nous l’insultons au lieu de l’éclaircir : il porte doublement la peine de notre impatience.

Mais quand même notre emportement ne nous déroberoit point l’usage des preuves & des raisonnemens qui pourroient convaincre, ne nuiroit-il pas à ces preuves ? la raison même dans la bouche de l’homme emporté, n’est-elle pas prise pour la passion ? Le préjugé souvent faux qu’on nous attribue, en fait naître un véritable dans l’esprit de l’adversaire ; il y empoisonne toutes nos paroles ; nos inductions les plus justes sont prises pour des subtilités hasardées, nos preuves les plus solides pour des piéges, nos raisonnemens les plus invincibles pour des sophismes ; renfermé dans un rempart impénétrable, l’esprit de l’adversaire est devenu

inaccessible à notre raison, & notre raison seule pouvoit porter la vérité jusqu’à lui.

Enfin l’emportement dans la dispute est contagieux ; la vivacité engendre la vivacité, l’aigreur naît de l’aigreur, la dangereuse chaleur d’un adversaire se communique & se transmet à l’autre : mais la modération leve tous les obstacles à l’éclaircissement de la vérité ; en même tems elle écarte les nuages qui la voilent, & lui prete des charmes qui la rendent chere. Article de M. Formey.

DISPUTER LE VENT, voyez Vent.

DISQUE, (Hist. anc.) c’est le nom d’une sorte de bouclier rond que l’on consacroit à la mémoire de quelque héros, & que l’on suspendoit dans le temple des dieux pour servir de trophée : il s’en voit un d’argent dans le cabinet des antiques de S. M. & qui a été trouvé dans le Rhône.

On appelloit aussi disque, discus, un palet dont les Grecs & les Romains faisoient usage dans leurs divertissemens, & sur-tout dans leurs jeux publics ; les Astronomes ont pris de-là ce terme si usité parmi eux, le disque du soleil ou de la lune. Voyez Disque (Astronom.) & Disque (Hist. anc.), article qui suit. (G)

Disque, (Hist. anc. & Myth.) discus ; espece de palet ou d’instrument de pierre, de plomb, ou d’autre métal, large d’un pié, dont les anciens se servoient dans leurs exercices. Voyez l’article Gymnastique.

Le disque des anciens étoit plat & rond, & de forme lenticulaire.

Le jeu du disque étoit un de ceux qui se pratiquoient chez les Grecs dans les solennités des jeux publics. Il consistoit à jetter un disque en haut ou en long, & celui qui le jettoit ou plus haut ou plus loin remportoit le prix.

On s’exerçoit à lancer le disque, non-seulement pour le plaisir, mais encore pour la santé. Galien & Aretée le conseillent pour prévenir ou guérir les vertiges, & faciliter la fluidité & la circulation du sang.

Ceux qui s’exerçoient à ce jeu s’appelloient discoboles, discoboli, c’est-à-dire jetteurs, lanceurs de disque ; & ils étoient à demi-nuds selon quelques-uns, & selon d’autres tout nuds, puisqu’ils se faisoient frotter d’huile comme les athletes. Voyez l’art. Discobole.

Hyacinthe favori d’Apollon, joüant au disque avec ce dieu, fut tué d’un coup de disque, que le Zéphire son rival détourna & poussa sur la tête d’Hyacinthe. (G)

Disque, terme d’Astronomie ; c’est le corps du soleil ou de la lune, tel qu’il paroît à nos yeux.

Le disque se divise en douze parties qu’on appelle doigts, & c’est par-là qu’on mesure la grandeur d’une éclipse, qu’on dit être de tant de doigts ou de tant de parties du disque du soleil ou de la lune. Ces doigts au reste ne sont autre chose que les parties du diametre du disque, & non de sa surface.

Dans l’éclipse totale de l’un ou l’autre de ces deux astres, tout le disque est caché ou obscurci ; au lieu que dans une éclipse partiale il n’y en a qu’une partie qui le soit. Voyez Eclipse.

Disque se dit aussi, en termes d’Optique, par quelque auteuis, de la grandeur des verres de lunettes, & de la largeur de leur ouverture, de quelque figure qu’ils soient, plans, convexes, menisques, ou autres. Ce mot n’est plus en usage ; on employe les mots d’ouverture ou de champ, sur-tout dans les ouvrages écrits en françois. (O)

Disque se dit encore, en termes de Botanique, de la partie des fleurs radiées qui en occupe le centre. Voyez l’article Fleur. On l’appelle quelquefois le bassin. Le disque est composé de plusieurs fleurons posés à-plomb.