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tura oris, & qui répond à l’action volontaire de tordre la bouche.

Le mot de distorsion est donc un nom générique, par lequel on exprime toutes ces différentes dépravations de la figure du visage.

La distorsion de la bouche, lorsque cette partie en est affectée des deux côtés, est toûjours causée par la convulsion des muscles qui servent à mouvoir les levres dans l’action du rire naturel, & sur-tout des grands zygomatiques & des buccinateurs : la cause de la convulsion de ces muscles en particulier, est la même que la cause des convulsions en général, qui, dans ce cas-ci, n’affecte que les nerfs qui se distribuent aux organes contractés. Voyez Convulsion ou Spasme.

La distorsion de la bouche, qui n’a lieu que d’un côté, peut provenir de deux causes bien différentes, savoir de convulsion ou paralysie : la premiere a lieu lorsqu’un des zygomatiques ou des buccinateurs, ou les deux ensemble sont affectés d’un mouvement spasmodique ; les antagonistes ne pouvant pas contrebalancer l’action des premiers, sont eux-mêmes tiraillés avec toute la bouche du côté opposé. Le même effet arrive par la seconde cause : si un des deux zygomatiques devient paralytique, est coupé ou relaché par quelque cause que ce soit, la force de contractilité naturelle dans l’antagoniste n’étant plus contrebalancée, celui-ci tire la bouche de son côté, pendant que le muscle paralysé se laisse allonger : il n’y a ni contraction volontaire, ni convulsion dans ce cas-ci ; le muscle raccourci n’est point dur, la joue de ce côté est molle, les levres ne retiennent pas la salive ; ce qui le distingue du premier cas, dans lequel les parties en distorsion sont dures, résistantes, & serrent les levres de maniere que la salive ne s’écoule pas au-dehors de la bouche comme dans la distorsion, à cause de paralysie ; dans celle-ci, les parties qui cedent & qui sont tirées vers le côté sain sont presque sans sentiment : le malade en riant ou en prononçant la lettre O, ne remue qu’une partie de la bouche, & le plus souvent la paupiere du côté affecté est comme pendante, parce que toute cette partie du visage est aussi dans le relâchement : ce qui a lieu sur-tout dans l’hémiplégie.

La distorsion de la bouche qui n’est occasionnée par le vice d’aucune autre partie (dit Hippocrate dans son second livre des prédictions) « se guérit promptement ou d’elle-même, ou en ramenant par force les parties dans leur situation naturelle ».

Si la distorsion de la bouche, du nez ou de l’œil, survient dans une siévre continue, c’est un signe de mort prochaine sect. jv. aph. 49. Elle est assez souvent l’avant-coureur des plus fâcheuses maladies, comme l’épilepsie, l’apoplexie.

La curation de cette maladie doit être différente, selon la différente cause qui la produit. Ainsi on doit employer les médicamens antispasmodiques ou antiparalytiques, selon les diverses indications : mais on peut plus particulierement avoir recours à un bandage en forme de chevêtre, pour réduire le visage à sa forme naturelle & l’y retenir, pendant qu’on travaille à corriger le vice dominant, qui a produit la distorsion ; voyez Sennert, qui traite assez au long de cette maladie ; voyez aussi les art. Paralysie, Spasme.

Distorsion de l’œil, spasmus oculi, vulgò strabismus, œil louche ; voyez Œil, Strabisme. (d)

* DISTRACTION, s. f. (Morale.) application de notre esprit à un autre objet que celui dont le moment présent exigeroit que nous continuassions de nous occuper. La distraction a sa source dans une excellente qualité de l’entendement, une extrème fa-

cilité dans les idées de se réveiller les unes les autres. C’est l’opposé de la stupidité qui reste sur une même idée. L’homme distrait les suit toutes indistinctement à mesure qu’elles se montrent ; elles l’entraînent & l’écartent de son but ; celui au contraire qui est maître de son esprit, jette un coup-d’œil sur les idées étrangeres à son objet, & ne s’attache qu’à celles qui lui sont propres. Un bon esprit doit être capable de distractions, mais ne doit point être distrait. La distraction est presque toûjours un manque d’égards pour ceux avec qui nous nous entretenons. Elle leur fait entendre très-clairement que ce qui se passe dans notre ame nous intéresse plus que ce qu’ils nous disent. On peut avec un peu d’attention sur soi-même, se garantir de ce libertinage d’esprit, qui fait tenir tant de discours déplacés, & commettre tant d’actions ridicules. L’homme dans la distraction perd de vûe tout ce qui l’environne ; & quand il revient de son délire, il agit comme si rien n’avoit changé autour de lui ; il cherche des objets où ils ne sont plus ; il s’entretient de choses dont il n’est plus question ; il se croit à tout & il n’est plus à rien ; parce que la distraction est une absence dont souvent on ne s’apperçoit pas, & dont on ne connoît presque jamais exactement la durée. Il n’y a qu’un moyen d’apprétier l’intervalle de la distraction ; c’est d’en pouvoir rapporter le commencement & la fin à deux instans différens d’une action continue, dont la durée nous soit connue par expérience.

Distraction, (Jurisprud.) signifie en général la séparation d’une chose d’avec une autre ; il y a plusieurs sortes de distractions, sçavoir :

Distraction de dépens, est la faculté que le procureur demande de toucher ses frais & salaires sur les dépens adjugés à sa partie, comme les ayant avancés pour elle.

Le procureur est en droit de former cette demande malgré sa partie ; & dès qu’elle est signifiée à la partie qui a succombé, elle tient lieu de saisie ; & lorsque le procureur a obtenu la distraction, elle opere la décharge de sa partie envers lui.

Celui qui a été condamné aux dépens envers un autre, & qui est en état de lui opposer quelque compensation, ne peut pas l’opposer au procureur qui demande la distraction des dépens ; mais si cette partie a fait saisir entre ses mains avant que la demande en distraction sût formée, la saisie prévaudroit sur cette demande. (A)

Distraction de Jurisdiction ; c’est quand on ôte à un juge la connoissance d’une affaire pour la donner à un autre ; ce qui arrive en différentes manieres, comme par des attributions, commissions, évocations, que le roi accorde ou par des renvois en vertu de privileges de committimus, garde gardienne. (A)

Distraction de ressort, c’est lorsque le roi par des lettres patentes distrait un lieu du ressort ordinaire ou d’appel d’une justice, & l’annexe à une autre justice : ces sortes de distractions arrivent lors de l’érection des terres en duchés-pairies, marquisats, comtés, baronies, &c. la distraction de ce ressort ne se fait qu’à la charge d’indemniser les justices dont on démembre quelque portion. (A)

Distraction d’une saisie réelle, c’est ce qui retire d’une saisie réelle quelque héritage qui n’a pas dû y être compris.

Voyez Opposition à fin de distraire. (A)

DISTRAIRE, (Jurisprudence.) c’est retirer quelqu’un ou quelque chose d’un lieu.

Distraire quelqu’un de son juge naturel, c’est l’assigner devant un autre juge que le sien. Voyez ci-devant Distraction.

On forme opposition à fin de distraire à une saisie réelle pour en retirer quelque héritage ou portion