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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/189

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J’avoue qu’il est difficile de bien observer leur conformation intérieure. Leur consistance est si molle, & les parties si peu sensibles dans la plûpart, qu’on a bien de la peine à les fixer & à les distinguer ; mais des observateurs habiles, tels que Swammerdam & Lister, sont déjà parvenus à surmonter ces obstacles, & nous ont frayé la route. La plus grande difficulté seroit par rapport aux especes de coquillages, qui ne se trouvent que dans des pays fort éloignés. Les liqueurs qui pourroient préserver de la corruption les animaux dans leur coquille, les raccourciroient de façon, qu’on ne pourroit plus développer ces parties, que l’animal étend à son gré au-dehors de son corps, & retire successivement au-dedans, comme nous le voyons pour les cornes des limaçons. De plus, la forme du corps de ces animaux varie dans leurs différens mouvemens, à mesure qu’ils s’allongent ou qu’ils se raccourcissent pour ramper. Il seroit donc nécessaire de les voir tous vivans & agissans ; un observateur seul ne peut pas y parvenir : mais tous ceux qui travaillent pour l’avancement des sciences, concourent au même but : chacun doit s’occuper par préférence des productions du pays qu’il habite. On n’a encore décrit que quelques especes de coquillages ; il en reste beaucoup, même dans ce pays-ci, qui sont à peine connus. J’en ai rassemblé en peu de tems jusqu’à trente-cinq especes différentes dans le petit territoire de la banlieuë de Montbard, & je ne desespere pas d’y en trouver un plus grand nombre ; cependant il n’y a que de petits ruisseaux, de petits étangs, & la petite riviere de Brenne : car je compte les coquillages fluviatiles avec les coquillages terrestres. Par tout pays la nature est abondante dans certaines productions, & il y a par-tout beaucoup de recherches & d’observations à faire. Nos côtes fourniroient encore beaucoup pour les coquillages, si on s’appliquoit à rechercher tous ceux qui y sont ; les naturalistes n’épuiseront jamais le fonds de richesses qui se trouvent à toute heure sous leurs pas.

Il s’en faut beaucoup que nous ayons assez de connoissances sur la génération, l’accroissement & la description des coquillages, pour en traiter dans un article général ; c’est pourquoi nous renvoyons aux articles particuliers, où il est fait mention de ce qui a été dit des coquillages que l’on a observés. Voyez Huitres, Limaçons, Moules &c. (I)

* Coquillage, (diete.) c’étoit un mets dont les Grecs & les Romains faisoient grand cas. Ils étoient si délicats sur le choix des coquillages, qu’ils distinguoient, à ce qu’on dit, au premier coup de dent, le rivage où ils avoient été pêchés. Voyez les art. Huitres, Moules, Tortues &c. Le coquillage est plûtôt un irritamentum gulæ, qu’un véritable aliment. On prétend qu’il dispose à l’acte vénérien. Il faut quelqu’habitude d’en manger, pour le digérer en grande quantité ; il n’est cependant pas indigeste, temoins les huitres, dont quelques personnes ont tant de peine à se rassasier.

Coquillage, (Architect.) est un arrangement symmétrique de différentes coquilles dont on fait des compartimens de lambris, voutes, &c. des masques, festons, &c. & dont on décore des grottes, portiques, niches & bassins de fontaines. (P)

COQUILLAN, s. m. (Carrier.) C’est le quatrieme lit que les Carriers rencontrent communément ; il est de quinze pouces ou environ. Il est ainsi appellé des coquillages dont il est parsemé.

COQUILLE, s. f. (Ord. encyclop. Entend. Mémoire. Histoire. Hist. nat. Ichtiolog.) partie dure qui recouvre les animaux testacées. Cette partie a été comparée à un test à cause de sa dureté, & en porte le nom, testa ; nous l’exprimons par celui de coquille : ainsi la coquille est, par rapport au coquil-

lage, ce qu’est le test relativement à l’animal testacée.

Cependant on étend quelquefois la signification du mot coquille, qui n’est qu’une partie du coquillage, au coquillage entier. Voyez Coquillage. Mais c’est improprement, car les Naturalistes ne confondent jamais la coquille avec l’animal qui y est renfermé.

Quoique la coquille ne soit qu’une matiere brute en comparaison de l’animal qu’elle contient, cependant elle a toûjours été plus recherchée & considerée avec plus d’attention que l’animal même, Il est vrai que les animaux de ce genre se refusent pour la plûpart à nos observations, soit par la mollesse & les mouvemens des parties de leur corps, soit par la difficulté de se procurer ceux des pays éloignés ; tandis que l’on peut transporter les coquilles d’un bout du monde à l’autre, sans y causer aucune altération, & que l’on peut les observer à son gré dans tous les tems & dans tous les pays où il s’en trouve des collections. Les coquilles ont de plus un mérite réel, qui n’éclate pas moins par la variété & par l’élégance de leurs formes, que par la beauté & la vivacité de leurs couleurs. On est frappé d’admiration à l’aspect d’une nombreuse collection de différentes especes de coquilles ; on s’étonne que de si belles productions ayent été formées par de vils animaux. Mais le naturaliste, sans se laisser ébloüir par le brillant de ces belles enveloppes, desire de connoître l’organisation de tous les animaux qui s’en revêtissent ; il ne verroit les coquilles qu’avec une sorte de dédain, si elles ne lui fournissoient pas elles-mêmes un sujet de méditation, qui est, pour ainsi dire, indépendant des animaux auxquels elles ont appartenu.

Les coquilles sont une des matieres les plus abondantes que nous appercevions sur la surface de la terre & dans son sein, jusqu’aux plus grandes profondeurs où il a été ouvert. De toutes les parties des animaux qui peuplent la terre, l’air & les eaux, si on en excepte l’émail des dents, les coquilles sont celles qui se conservent le plus long-tems après la mort de l’animal ; lorsqu’elles en sont séparées, elles acquierent souvent un nouveau degré de solidité, en s’alliant avec la pierre ou le caillou, de sorte que leur dureté doit égaler celle des rochers dont elles font partie, & dont les blocs semblent être à l’abri de l’injure des tems. Cependant les montagnes s’abaissent peu-à-peu, & disparoissent dans la suite des siecles ; le roc le plus dur est altéré peu-à-peu, & dispersé au gré des vents. Mais quoique ces masses de pierre paroissent anéanties, les fragmens des coquilles se retrouvent dans leurs débris, & sont encore reconnoissables dans les substances dont ils font partie.

La plûpart des coquilles qui ont existé depuis le commencement du monde, existent encore aujourd’hui à peu-près sous la même forme. Non-seulement cette matiere a la propriété de se maintenir sous la même apparence, sans que les générations des hommes puissent la voir changer de nature, mais elle se multiplie chaque jour, & la quantité des coquilles augmente excessivement, par le nombre prodigieux des individus que produisent la plûpart des especes de coquillages, & par leur accroissement, qui se fait en peu de tems : aussi toutes les mers en sont peuplées ; elles s’y amoncelent par tas énormes, les côtes en sont jonchées. On trouve des coquilles dans tous les pays du monde ; on les voit dispersées dans les plaines, sur la surface de la terre, ou réunies dans plusieurs endroits en assez grande quantité pour former des terreins très-étendus & fort profonds. Ailleurs elles sont mêlées dans les graviers, les craies, les marnes, les argiles, &c. à toutes les profondeurs où ces différentes matieres ont été creusées. On rencontre aussi des coquilles qui