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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/348

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tion, que sa chaux : ce qui cependant, comme on vient de le voir, est contraire à l’expérience. Nous avons dit en parlant des propriétés du verre, que lorsqu’on ôtoit le contact de l’air d’une de ses surfaces, c’étoit comme si on la touchoit par des corps électriques par communication. Donc, si au lieu d’eau dans la bouteille, on y substituoit le vuide, si cela se peut dire ; ou plûtôt si épuisant la bouteille d’air, on la scelloit hermétiquement, & qu’on électrisât bien son cou pendant qu’on la tiendroit par son ventre, on feroit avec cette bouteille ainsi préparée, l’expérience de Leyde, de même que si l’on y avoit mis de l’eau. Nous devons cette curieuse expérience à M. l’abbé Nolet. Enfin on la feroit encore, si au lieu de vuider la bouteille d’air, on l’emplissoit ou d’eau ou de limaille, &c. & qu’on la scellât hermétiquement, ainsi que je l’ai éprouvé. J’ai dit que les matieres substituées à l’eau dans cette expérience, devoient être des plus électrisables, & cela est ainsi ; car le bois & d’autres substances, qui d’ailleurs ne laissent pas de s’électriser beaucoup par communication, n’y sont pas propres.

Ayant montré que la bouteille ne produisoit le coup foudroyant que par la propriété qu’a le verre, lorsqu’il a été fortement électrisé, de donner de l’électricité par le côté qui en a reçu, & d’en pomper par celui qui en a donné, on voit par rapport à la seconde question, que la forme du vase ou celle sous laquelle vous employez le verre, n’y fait rien ; puisque cela ne peut apporter aucun changement à la propriété dont nous venons de parler : ainsi qu’il soit formé en bouteille, en cylindre, qu’il soit rond ou plat, &c. pourvû que les corps électrisables par communication qui touchent ses deux surfaces, laissent de chaque côté, comme nous l’avons dit, deux especes de rebords ou marges tout-autour pour empêcher l’électricité de passer d’une surface à l’autre le long de ces corps, on fera toûjours l’expérience de Leyde. En effet, on voit que le verre disposé en forme de carreau n’est, à le bien prendre, que la bouteille ou le vase développé & étendu. Cependant, quoique cette idée paroisse aujourd’hui fort simple, nous sommes en général si fort attachés à l’imitation, qu’il s’écoula près de deux ans depuis la premiere découverte de cette expérience jusqu’au tems où l’on pensa à la faire de cette maniere. Le docteur Bevis & M. Jallabert furent les premiers qui s’en aviserent ; mais il seroit difficile de décider lequel de ces deux savans a la date sur l’autre : car dans un mémoire que lut M. Watson à la société royale de Londres, le 21 Janv. (vieux style) 1748 ; il dit avoir tenté l’expérience de Leyde de cette maniere, sur ce que le docteur Bevis lui en avoit dit quelque tems auparavant ; & M. Jallabert nous en parle dans son livre imprimé en Mars 1748, en nous disant qu’il ne sache pas que personne l’ait tentée avant lui de cette façon. Il est plus que vraissemblable que ces deux habiles physiciens se sont rencontrés ; ce qui est arrivé déjà plusieurs fois, & qui arrivera apparemment encore souvent, si la même émulation à cultiver la Physique continue. Quoi qu’il en soit, il faut remarquer que le procédé du docteur Bevis differe en une circonstance essentielle de celui de M. Jallabert : celui-ci n’a fait son expérience qu’avec des glaces de miroir, dont l’étain alloit jusqu’au bord ; celui-là au contraire laisse de chaque côté du verre deux rebords ou marges, semblables à ceux dont j’ai déjà parlé, & qui rendent par-là son procédé plus sûr que celui de M. Jallabert.

Pour répondre à la troisieme question, nous dirons que si l’on suppose le globe ou les globes que l’on employe capables de fournir une assez grande quantité d’électricité, plus le vase ou plûtôt le morceau de verre dont vous vous servirez pour faire

l’expérience sera grand, plus l’expérience sera forte, ou plus les effets en seront considérables. En voici la raison. On ne peut enlever au verre son électricité, comme nous l’avons fait voir, qu’en le touchant tout-à-la-fois dans un grand nombre de parties, parce qu’alors vous enlevez, & dans un instant, l’électricité de chacune de ses parties : il s’ensuit donc que plus il y aura de parties du verre qui seront électrisées en même tems, plus vous enleverez d’électricité tout-à-la-fois, & par conséquent plus vous aurez d’effet. Il résulte deux choses de cette considération, non-seulement qu’il faut que le verre soit grand, mais encore que le métal, &c. qui le couvre le touche dans le plus grand nombre de points possibles, en supposant toûjours qu’on reserve les marges dont nous avons parlé. C’est M. Watson qui a découvert le premier que quand on augmentoit ainsi la quantité des points de la surface du verre touchée par le corps électrisable par communication, on augmentoit la force de l’expérience. Par ce que nous venons de dire, on conçoit que si l’on enleve dans un instant l’électricité d’une surface de 12 pouces en quarré, on aura un effet beaucoup plus grand que si l’on enlevoit celle d’une surface de 6 pouces, quoiqu’il fût fort difficile de déterminer dans quel rapport. Cependant, selon l’expérience ordinaire, il paroît que l’effet ne suit pas ici la loi des surfaces ; car s’il la suivoit, il devroit être quadruple, & c’est ce qui ne paroît pas être : mais, comme nous venons de le dire, il est fort difficile de s’assûrer de ce qui en est. En effet, il faudroit pour cela être certain que la force du globe augmente comme la résistance du verre à s’électriser par communication, ce verre paroissant, comme nous l’avons dit, opposer dans cette opération une véritable résistance à l’action de l’électricité qui vient du globe. M. Watson a, je crois, poussé ces expériences plus loin que personne ; ayant fait faire des jarres ou vases cylindriques de verre de 16 pouces de haut & de 18 pouces de circonférence, & de 22 pouces de haut sur 41 de circonférence, qu’il faisoit argenter avec des feuilles depuis le haut jusque en-bas, à la reserve d’une marge au-haut d’un pouce. Selon ce physicien, lorsqu’on les déchargeoit d’un seul coup, les effets en étoient très-considérables ; mais il ne nous dit rien là-dessus qui nous montre dans quel rapport cette grande surface augmentoit la force. On augmentera encore la force du coup foudroyant, si l’on combine ensemble plusieurs bouteilles ou plusieurs carreaux, que l’on déchargera tout-à-la-fois, pourvû cependant que ces bouteilles ou ces carreaux ne soient pas tellement arrangés que l’un reçoive le fluide électrique qui sort de la surface non électrisée de l’autre ; car alors on auroit tout au plus l’effet ordinaire d’une seule bouteille. Enfin voici une circonstance qui est en quelque sorte étrangere, mais cependant qui peut beaucoup augmenter ou diminuer la force du coup foudroyant ; c’est que le corps électrisable par communication avec lequel vous tirez l’étincelle du conducteur pour décharger la bouteille, ne soit pas pointu, qu’au contraire il soit rond, & d’une certaine grosseur. On verra à l’article Électricité, que les étincelles augmentent de force jusqu’à un certain degré, à mesure que les corps dont on les tire, & qui les tire, ont plus de volume & plus de rondeur. Or il en est de même dans cette expérience ; car on peut décharger la bouteille la plus électrisée ou la plus chargée sans crainte, lorsqu’en la tenant d’une main au lieu de tirer de l’autre avec la jointure du doigt ou un corps obtus, l’étincelle du conducteur, on en approche une pointe de métal, cette pointe tirant successivement l’électricité de la bouteille, & par-là la déchargeant insensiblement.

Après avoir fait voir que d’après les propriétés