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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/483

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que l’ame choisit les septenaires pour redoubler ses forces contre la matiere morbifique, & qu’elle se détermine de propos délibéré à annoncer ces septenaires par des révolutions qu’elle excite aux quartenaires ? A dire vrai, ces prétentions auroient pû ne pas réussir ; il valut mieux biaiser un peu sur ces matieres, & rester dans une sorte d’indécision. Nichols a pourtant franchi le pas ; mais disons-le puisque l’occasion s’en présente : il seroit à souhaiter pour la mémoire de Stahl, qu’il se fût moins avancé au sujet de l’ame, ou qu’il eût trouvé des disciples moins dociles à cet égard ; c’est-là, il faut l’avoüer, une tache dont le Stahlianisme se lavera difficilement. On pourroit peut-être le prendre sur le pié d’une sorte de retranchement, que Stahl s’étoit ménagé pour fuir les hypotheses, les explications physiques, & les calculs : mais cette ressource sera toûjours regardée comme le rêve de Stahl ; rêve d’un des plus grands génies qu’ait eu la Medecine, il est vrai, mais d’autant plus à craindre, qu’il peut jetter les esprits médiocres dans un labyrinthe de recherches & d’idées purement métaphysiques.

L’école de Montpellier auroit été infailliblement entraînée dans cet écueil, sans la prudence des vrais medecins qui la composoient ; & sans la sagesse de celui-là même qui y soûtint le premier le Stahlianisme publiquement, & qui apprend aujourd’hui à ses disciples à s’arrêter au point qu’il faut.

Hoffman avance dans la dissertation dont j’ai parlé ci-dessus, & que M. James a traduite comme tant d’autres du même auteur, qu’il se fait des crises dans les maladies chroniques ; telles que l’épilepsie, les douleurs, & les fievres intermittentes, ainsi que dans les maladies aiguës. Il répete en un mot ce que bien des auteurs ont dit avant lui ; il a recours, pour ce qui concerne les révolutions septenaires, à la volonté du Créateur, ce que quelques-uns de ses prédécesseurs n’avoient pas manqué de faire : il ajoûte qu’il est impossible que les parties nerveuses ne soient irritées par la matiere morbifique, & par les stases des humeurs, & qu’il arrive par-là de certains mouvemens en de certains tems, certi motus, certis temporibus, & il appelle cela, pour le dire en passant, reddere rationem crisium, expliquer la maniere dont se font les crises. Il donne à son ordinaire un coup de dent à Stahl sur le principe interne, directeur de la vie ; il cite Baglivi ; il parle des crises dans la petite vérole & la rougeole. Il avoue qu’il y a des fievres malignes, dans lesquelles on ne sauroit remarquer l’ordre des jours. Il dit enfin qu’il ne faut pas déranger les crises, dans lesquelles il a observé à-peu-près la marche que les anciens leur ont fixée : en un mot Hoffman se décide formellement en faveur des crises ; cependant il semble laisser son lecteur dans une incertitude d’autant plus grande, que lorsqu’il parle du traitement des maladies, telles que l’angine, la fievre sinoche, &c. il n’observe pas les jours critiques, ou du moins il ne s’explique pas là-dessus. On ne sait donc pas bien clairement s’il faut mettre Hoffman au nombre des partisans des crises, c’est-à-dire de ceux qui les attendent dans les maladies, ou avec les praticiens qui les négligent, scientes & volentes, pour me servir d’une expression de Sidenham, & qui se dirigent dans le traitement des maladies, suivant l’exigeance des symptomes. La plûpart des anciens attendoient les crises, les Chimistes n’en vouloient point entendre parler non plus qu’Asclepiade qui assûroit que non certo aut legitimo tempore morbi solvuntur, ni d’autres qui ont traité les idées des anciens de pures niaiseries ; nugæ, comme disoit Sinapius. Voilà deux partis bien opposés. Il en est un troisieme qui tâche de les concilier. Hoffman est de ce dernier. Les Medecins qui ne parlent des crises, ni en bien, ni en mal, font un quatrieme

parti peut-être plus sage que tous les autres.

Boerhaave, que nous plaçons ici à côté de Stahl & d’Hoffman, a dit dans ses instituts (§. 931.) qu’il arrive ordinairement dans les maladies aiguës humorales & en de certains tems, un changement subit de la maladie, suivi de la santé ou de la mort ; changement qu’on nomme crise. Il dit (§. 939.) que la crise salutaire, parfaite, évacuante, séparant le sain du malade, separatio morbosi à sano, est celle qui est entr’autres conditions, précédée de la coction ; il appelle coction (§. 927.) l’état de la maladie, dans lequel la matiere crue (c’est-à-dire celle qui est (§. 922.) disposée à causer ou à augmenter la maladie), est changée de façon qu’elle soit peu éloignée de l’état de santé, & par conséquent moins nuisible, & appellée alors cuite. Il appelle coction parfaite (§. 945.), celle par laquelle, coctio quâ, la matiere crue est parfaitement & très-vîte, perfectissimè & citissimè, rendue semblable à l’humeur naturelle ; matiere résolue (§. 930.), resoluta, celle qui est devenue très-semblable a la matiere saine, salubri ; & résolution, l’action par laquelle cela arrive, action qui sera la guérison parfaite, qui se fait sans aucune évacuation.

D’où il paroît 1°. que par les propres paroles de Boerhaave, la résolution & la coction parfaite sont la même chose, puisqu’elles ne sont l’une & l’autre que l’action par laquelle la matiere morbifique est rendue semblable à l’humeur naturelle ou saine, naturali, salubri ; ce qui est bien, à peu de chose près, l’idée de Sidenham, mais ce qui est fort éloigné de celle que les anciens ont eu de la coction : car ils ont dit que les humeurs étoient cuites, lorsqu’elles sont propres à l’excrétion ; ils prétendoient que toute coction se fait en épaississant ; Hippocrate a dit en termes exprès (Aph. xvj. sect. 2. prognost.), qu’il faut que tout excrément s’épaississe lorsque La maladie approche du jugement : or ni l’épaississement ni la disposition à l’excrétion ne conviennent à la matiere de la résolution lorsqu’elle est résolue, resoluta, surtout si, comme le veut Boerhaave, elle est alors devenue très-semblable à la matiere saine.

2°. Il suit de ce qu’avance Boerhaave, que la résolution guérissant parfaitement une maladie sans aucune évacuation, la coction parfaite qui lui est analogue, pourroit aussi n’être point suivie d’évacuation ; ce qui est encore fort éloigné des dogmes des anciens, & d’Hippocrate lui-même, qui prétend que pour qu’une coction soit parfaite, elle doit être continue & universelle ; continue, en ce qu’elle doit toujours charger les urines de sédiment blanc, uni, & égal ; & universelle, en ce qu’elle doit se montrer dans tous les excrémens : en un mot les anciens n’ont jamais jugé de la coction que par la nature des évacuations, & une coction de la matiere morbifique sans évacuation, ou sans metastase, auroit été pour eux un être imaginaire ; car leur solution supposoit des évacuations.

3°. Boerhaave même paroît être de cet avis, lorsqu’il avance que la crise parfaite, separatio morbosi à sano, crisis evacuans, doit toûjours être précédée de la coction ; preuve que ce qui est cuit n’est point simile salubri, crisis debet sequi coctionem ut bona esse possit (§. 941. Haller, comment.) ; mais cette coction qui doit précéder la crise, selon Boerhaave, ne doit pas être parfaite, car celle-ci ou la coction parfaite est, par la définition qu’il en donne lui-même, celle par laquelle la matiere crue est rendue parfaitement semblable à l’humeur naturelle ; de sorte que la crise parfaite n’est pas précédée d’une coction parfaite : ce qui est aussi fort éloigné des prétentions des anciens, & ce qui, à dire vrai, n’est pas bien clair.

4°. En supposant avec Boerhaave que la coction simple ou non parfaite, différente de la coction parfaite (car il faut en faire de deux especes pour sauver