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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/571

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fonde, mais dans la partie occidentale elle est si legere que c’est de pur sable. J’ai oüi dire qu’elle n’étoit susceptible d’aucune amélioration, je n’en sais rien par moi-même : je suis bien assûré seulement que je n’en ai vû aucune où on l’ait tenté en vain ; & j’en connois beaucoup qui ont très-bien répondu aux dépenses, quoiqu’on les eût toûjours regardées comme absolument stériles.

Nous avons une espece de glaise bleuâtre extraordinairement compacte, & en général fort remplie de pierres à chaux ; on dit communément qu’elle n’est bonne à rien parce qu’elle reste en motte, & que ne se brisant jamais, elle ne s’incorpore point avec le sol où elle est déposée. Tant d’honnêtes gens m’ont assuré qu’on avoit en vain essayé de l’employer dans ces terres sabloneuses dont je parle, que je suis obligé de les croire. Ils prétendent qu’à la longue elle s’est enfoncée dans la terre par sa propre pesanteur, sans lui avoir procuré la moindre fécondité. Avec tout cela j’ai peine à me persuader qu’une partie ne se soit pas desséchée & réduite en poussiere. J’en ai bien observé moi-même qui restoit ainsi pendant des années sur la terre sans se diviser, mais je faisois alors cette réflexion dont conviennent unanimement les habiles cultivateurs, que pour améliorer il faut labourer avec art.

La plûpart des glaises employées aux améliorations, excepté les blanches, sont mêlées de petites pierres à chaux, qui échauffent sans doute les terres froides, où j’ai vû ce mêlange opérer les mêmes effets que si les terres eussent été chaudes. Dans ces dernieres elle retient l’humidité, ce qui est très-convenable à nos terres molles ; car autant elles sont fertiles dans les années mouillées, autant elles se comportent mal par les sécheresses. C’est une chose rare en Angleterre que ces années-là ; on en voit au plus une sur dix : mais lorsqu’au printems seulement la saison semble se mettre au sec, le sol de nos cantons s’échauffe d’une maniere étonnante, & déperit plus que d’autres qui ne valent pas la moitié autant.

Le transport de 120 charretées de glaise nous coûte environ 1 liv. 4 s. (28 liv. 14 s. tourn.) La dépense de les bécher, de les charger, & de les répandre, va au même prix. Ainsi 80 charretées par acre nous coûtent 1 liv. 12 s. (38 liv. 12 s. tourn.) Avec les frais de clôture des pieces & autres, il faut compter 2 liv. sterl. (47 liv. tourn.) Nos revenus augmentent, de 4 sols par acre (4 liv. 14 s.) ainsi nos avances nous rentrent sur le pié de 10 pour . Cet intérêt paroîtra peut-être médiocre dans d’autres parties du monde : mais en Angleterre c’est la meilleure méthode de faire valoir son argent ; car les terres s’y vendent très-rarement au denier vingt, & communément fort au-dessus, sans compter les charges & les réparations.

Ce changement est un des plus utiles qui se soient faits dans cette province : mais une chose remarquable, c’est que tandis que l’agriculture nouvelle a enrichi les contrées les plus pauvres & les plus éloignées de la capitale ; ce qu’on appelloit les riches terres d’Angleterre a diminué de valeur, par le moyen des prairies artificielles. Nous cueillons du froment dans des milliers d’acres qu’on croyoit stériles ; à l’aide des turnipes nous engraissons en toute saison une quantité de bétail aussi heureusement que dans les meilleurs pacages ; la luserne, le trefle, le sainfoin, ont doublé la quantité de nos fourrages. Enfin tandis que toutes choses haussent de prix, les rentes seules des prairies naturelles & des terres à froment ont baissé.

C’est une observation très-judicieuse que celle de M. Elliot, lorsqu’il dit dans ses essais, qu’après les guerres civiles rien ne contribua plus au prompt rétablissement de l’Angleterre, que l’usage introduit

alors des prairies artificielles. M. Hartlib vanta & publia le premier cette méthode d’améliorer les terres. Il vécut assez pour en voir de grands succès : mais il est rare que ces sortes d’expériences deviennent générales en peu de tems. Depuis 50 ans l’agriculture est réformée sans doute, mais ce n’est que depuis les vingt dernieres années que nous en ressentons les effets surprenans.

Autrefois nous n’exportions point de froment, & même la Pologne nous approvisionnoit souvent ; nous sommes devenus le grenier de l’Europe le plus abondant.

Les biens, depuis 50 ans, ont augmenté d’un tiers en valeur au moins ; les prairies naturelles seules, & les pâtures, ont baissé d’un tiers, & baissent chaque jour. Le prix du foin est considérablement diminué, quoique la consommation s’en soit fort accrue.

Le prix du pain est diminué, malgré la gratification sur la sortie des grains. Enfin pour juger de la richesse de nos récoltes, il suffit de faire attention qu’en une seule année l’état a payé un million sterling en gratifications [Il pourroit bien y avoir erreur ; car la somme est exorbitante, & je n’ai vû ce fait que dans cet endroit] ; & que pendant plusieurs années de suite, cette dépense n’a pas été beaucoup moins forte.

Nous devons ces succès à la nouvelle agriculture, c’est-à-dire aux prairies artificielles, mais principalement à la luserne & aux turnipes. La luserne est sans contredit la plus avantageuse de ces prairies artificielles ; mais dans des sols particuliers les autres ont mieux réussi, comme le sain-foin dans les terres seches & qui n’ont point de fond. Je ne vois pas qu’on ait eu une confiance aussi générale dans les turnipes, excepté dans la province de Norfolk & dans les cantons adjacens : cependant l’usage en est connu dans tout le royaume, où il est plus ou moins commun selon les endroits. C’est un fourrage excellent pour les troupeaux pendant l’hyver, & une prairie pendant l’été : ils réussissent à merveille dans une terre profonde, quoique legere, & même dans la plus legere si elle est bien entretenue. Enfin depuis que nos champs sont enclos ; que nous faisons succéder régulierement une récolte de froment à une de trefle ou de luserne, & cela dans des endroits qui le plus souvent n’avoient jamais rien produit, nos fermiers tirent de leurs terres cinq fois plus qu’ils n’avoient jamais fait.

Nous avons dans cette province au moins 20 mille acres de terres à froment cultivées depuis quelques années, qui ne l’étoient point du tout auparavant ; sans compter que les autres terres qui l’étoient ne rapportoient pas la moitié autant. Encore nos dépenses sont elles moins grandes que par-tout ailleurs : nous ne labourons & ne hersons qu’une fois. Il faut avoüer que c’est à l’usage de la glaise que nous sommes redevables de la fécondité de nos terres & du succès de notre luserne. Voyez l’article Grains ; voyez aussi les élemens du Commerce. Cet article est de M. V. D. F.

CULVERTAGE, s. m. (Jurisp. & Hist. anc.) culvertagium, nom que l’on donnoit anciennement à une servitude très-ignominieuse, dont l’étymologie & la signification ne sont pas bien connus. On croit que ce terme signifioit la confiscation du fief du vassal. On appelloit cuverts certains serfs de main-morte dont il est parlé dans l’ancienne coûtume d’Anjou glosée ; il y a un titre de homme étrange & cuvert. Il y est dit que si un gentilhomme a cuvert en sa terre ; ce que l’on explique par le terme de serf. On appuie cette explication d’un passage de Mathieu Paris sous l’an 1212, qui porte que le Roi ordonna à tous ceux qui étoient capables de porter les armes, de se trouver avec des chevaux, sous peine de culvertage, sub