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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/61

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Figure. Nom. Exemples.
Ch, ch, che. Chapeau, chérit, chicane, chose, chûte, chou, chemin, cheval.
gn, gne.
Il ne s’agit pas de ces deux lettres, quand elles gardent leur son propre, comme dans gnomon, magnus, il s’agit du son mouillé qu’on leur donne dans Pays de Coca-gne.
Allema-gne.
Ma-gnanime.
Champa-gne.
Re-gne.
Li-gne.
Insi-gne.
Ma-gnifique.
Avi-gnon.
Oi-gnon.
Les Espagnols marquent ce son par un n surmonté d’une petite ligne, qu’ils appellent tilde, c’est-à-dire titre
Montaña, montagne.
España, Espagne.
ll, lle mouillé fort.

Nous devrions avoir aussi un caractere particulier destiné uniquement à marquer le son de l mouillé. Comme ce caractere nous manque, notre ortographe n’est pas uniforme dans la maniere de désigner ce son ; tantôt nous l’indiquons par un seul l, tantôt par deux ll, quelquefois par lh. On doit seulement observer que l mouillé est presque toûjours précédé d’un i ; mais cet i n’est pas pour cela la marque caractéristique du l mouillé, comme on le voit dans civil, Nil, exil, fil, file, vil, vile, où le l n’est point mouillé, non plus que dans Achille, pupille, tranquille, qu’on feroit mieux de n’écrire qu’avec un seul l.

Il faut observer qu’en plusieurs mots, l’i se fait entendre dans la syllabe avant le son mouillé, comme dans péril, on entend l’i, ensuite le son mouillé pé-ri-l.

Il y a au contraire plusieurs mots où l’i est muet, c’est-à-dire qu’il n’y est pas entendu séparément du son mouillé ; il est confondu avec ce son, ou plûtôt, ou il n’y est point quoiqu’on l’écrive, ou il y est bien foible.

Exemples où l’i est entendu.
Péri-l. Babi-lle.
Avri-l. Veti-lle.
Ba-bil. Fréti-lle.
Du mi-l. Chevi-lle.
Un genti-l-homme. Fami-lle.
Brési-l. Cédi-lle.
Fi-lle. Sévi-lle.
Exemples où l’i est muet & confondu avec le son mouillé.
De l’a-il, de l’ail. Ni sou ni ma-ille.
Qu’il s’en ai-lle. Sans pare-ille.
Bou-ill-on, bouillir. Il ra-ille.
Boute-ille. Le duc de Sulli.
Berca-il. Le seu-il de la porte.
Ema-il. Le somme-il, il somme-ille.
Evanta-il. Sou-iller.
Qu’il fou-ille. Trava-il, trava-iller.
Qu’il fa-ille. Qu’il veu-ille.
Le village de Julli. La ve-ille.
Merve-ille. Rien qui va-ille.
Mou-ille, mou-ill-er.

Le son mouillé du l est aussi marqué dans quelques noms propres par lh. Milhaud ville de Rouergue, M. Silhon, M. de Pardalhac.

On a observé que nous n’avons point de mots qui commencent par le son mouillé.

Du ou mouillé foible. Le peuple de Paris change le mouillé fort en mouillé foible ; il prononce fi-ye au lieu de fille, Versa-yes pour Versailles. Cette prononciation a donné lieu à quelques grammairiens modernes d’observer ce mouillé foible. En effet il y

a bien de la différence dans la prononciation de ien dans mien, tien, &c. & de celle de moy-en, pa-yen, a-yeux, a-yant, Ba-yone, Ma-yance, Bla-ye ville de Guiene, fa-yance, em-plo-yons à l’indicatif, afin que nous emplo-i-yons, que vous a-i-yez, que vous so-i-yez au subjonctif. La ville de No-yon, le duc de Ma-yene, le chevalier Ba-yard, la Ca-yene, ca-yer, fo-yer, bo-yaux.

Ces grammairiens disent que ce son mouillé est une consonne. C’est ce que j’ai entendu soûtenir il y a long-tems par un habile grammairien, M. Faiguet qui nous a donné le mot Citation. M. du Mas qui a inventé le bureau typographique, dit que « dans les mots pa-yer, emplo-yer, &c. est une espece d’i mouillé consonne ou demi-consonne ». Bibliotheque des enfans, III. vol. page 209, Paris 1733.

M. de Launay dit que « cette lettre y est amphibie ; qu’elle est voyelle quand elle a la prononciation de i, mais qu’elle est consonne quand on l’employe avec les voyelles, comme dans les syllabes ya, yé, &c. & qu’alors il la met au rang des consonnes », Méthode de M. de Launay, p. 39 & 40. Paris 1741.

Pour moi, je ne dispute point sur le nom. L’essentiel est de bien distinguer & de bien prononcer cette lettre. Je regarde ce son dans les exemples ci-dessus, comme un son mixte, qui me paroît tenir de la voyelle & de la consonne, & faire une classe à part.

Ainsi, en ajoûtant le che & les deux sons mouillés gn & ll, aux quinze premieres consonnes, cela fait dix-huit consonnes, sans compter le h aspiré, ni le mouillé foible ou son mixte ye.

Je vais finir par une division remarquable entre les consonnes. Depuis M. l’abbé de Dangeau, nos Grammairiens les divisent en foibles & en fortes, c’est-à-dire que le même organe poussé par un mouvement doux produit une consonne foible, & que s’il a un mouvement plus fort & plus appuyé, il fait entendre une consonne forte. Ainsi B est la foible de P, & P est la forte de B. Je vais les opposer ici les unes aux autres.

Consonnes foibles. Consonnes fortes.
B P
Bacha. Pacha, terme d’honneur qu’on donne aux grands officiers chez les Turcs.
Baigner. Peigner.
Bain. Pain.
Bal. Pal, terme de blason.
Balle. Pâle.
Ban. Pan, dieu du paganisme.
Baquet. Pacquet.
Bar, duché en Lorraine. Par.
Bâté. Pâté.
Bâtard. Patard, petite monnoie.
Beau. Peau.
Bécher. Pécher.
Bercer. Percer.
Billard. Pillard.
Blanche. Planche.
Bois. Pois.
D T
Dactyle, terme de Poésie. Tactile, qui peut être touché ou qui concerne le sens du toucher, les qualités tactiles.
Danser. Tanser, réprimander.
Dard. Tard.
Dater. Tâter.
Déiste. Théiste.
Dette. Tete, il tete. Tête, caput.
Doge. Toge.
Doict. Toict.
Donner, il donne. Tonner, il tonne.