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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/777

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faveur des connoissances qu’il leur a transmises, les diverses manieres dont les maladies doivent se terminer, lorsque les mêmes cas qu’il a observés se présentent dans la pratique.

Il se dépose naturellement dans les intestins une grande quantité d’humeurs différentes, qui par conséquent peut-être aussi évacuée par cette voie ; savoir la salive, la mucosité de la bouche, du gosier, des narines, de l’œsophage, du ventricule ; le suc gastrique, intestinal ; la lymphe pancréatique, les deux biles, & la mucosité de tous les boyaux : outre la matiere séreuse, atrabilaire du sang, & des visceres des hypocondres ; comme aussi toute matiere purulente des abcès, qui se forme dans les premieres voies, ou qui y est portée d’ailleurs, soit critique, soit symptomatique : il ne peut rien être mêlé dans la masse des humeurs, qui soit contre nature, sans causer du trouble dans l’œconomie animale ; le chyle même, sans être vicié, dès qu’il est seulement trop abondant, y cause des dérangemens indiqués par l’inquiétude, l’agitation, la chaleur, &c. qui succedent : à plus forte raison survient-il du desordre lorsqu’il a quelque vice essentiel, ou qu’il entre dans le sang toute autre matiere nuisible. La nature ou le méchanisme du corps humain est disposé de maniere qu’il ne peut souffrir rien d’étranger, ou qui acquiert des qualités étrangeres, sans qu’il s’y fasse des mouvemens extraordinaires qui tendent à le chasser dehors. Si c’est une humeur morbifique, elle est poussée par l’action des vaisseaux, selon la différence de sa consistence & de sa mobilité, vers quelqu’un des émonctoires généraux ; ou bien elle est déposée en quelqu’endroit particulier où elle ne puisse plus léser les fonctions principales. Voy. Coction, Crise. Dans le premier cas, elle peut acquérir un degré de densité & de ténacité, tel qu’avec un degré de mouvement proportionné à la résistance des couloirs des intestins, elle les pénetre, & se porte, en parcourant les conduits secrétoires & excrétoires, jusque dans la cavité des boyaux : elle peut être également adaptée aux couloirs du foie, & se jetter dans la même cavité par les conduits qui portent la bile dans le canal intestinal ; ainsi des autres voies, par lesquelles il peut se faire qu’elle y soit portée par la suite d’une opération assez semblable à celle des secrétions dans l’état naturel. Voy. Secretion. Cette matiere viciée ne peut pas être laissée dans les boyaux, elle y est aussi étrangere que dans le reste du corps ; elle excite par conséquent la contraction des fibres musculaires des boyaux, qui la porte hors du corps par le même méchanisme que les excrémens ordinaires, à proportion de sa consistance. Elle sort avec différentes qualités, selon sa différente nature : de-là les différens prognostics qu’elle fournit. Il n’en sera présenté ici que quelques-uns pour exemple ; c’est Hippocrate qui les fournira, ils ne pourroient pas venir de meilleure main.

« Dans tous les mouvemens extraordinaires du ventre, qui s’excitent d’eux-mêmes, si la matiere qui est évacuée est telle qu’elle doit être pour le bien des malades, ils en sont soulagés, & soûtiennent sans peine l’évacuation : c’est le contraire, si l’évacuation n’est pas salutaire. Il faut avoir égard au climat, à la saison, à l’âge & à l’espece de maladie, pour juger si l’évacuation convient ou non ». Aphor. ij. sect. 1.

Cet axiome est d’un grand usage dans la pratique, il apprend comment on peut connoître que le corps humain s’évacue avec avantage des mauvaises humeurs qui y étoient ramassées, & même de la trop grande abondance des bonnes : mais quand il est purgé de ces matieres nuisibles ou superflues, si l’évacuation continue, elle cesse d’être utile, elle

nuit ; c’est ce que déclare Hippocrate dans ses Prorrhetiques, liv. II. chap. jv. Il regarde comme très-pernicieux les longs cours de ventre, soit bilieux, soit pituiteux ou indigestes : il recommande de ne pas le laisser durer plus de sept jours sans y apporter remede.

Il y a lieu d’espérer que les déjections sont salutaires, lorsqu’elles surviennent après la coction de la matiere morbifique, lorsque la nature a commencé à se rendre supérieure à la cause de la maladie : celles au contraire qui se font pendant l’augment, sont plûtôt symptomatiques que critiques, & nuisent aussi plus qu’elles ne sont utiles.

Si la maladie tourne à bien, les déjections prennent aussi de meilleures qualités en général. C’est à ce propos qu’Hippocrate a dit : « Les déjections sont moins fluides, prennent de la consistance, quand la maladie tend à une terminaison salutaire ».

Voilà pour les évacuations du ventre en général. Pour ce qui regarde les différentes qualités des déjections, qui sont toutes mauvaises, par des raisons qu’il seroit trop long de détailler ici, on se bornera à en exposer quelques-unes de chaque espece de déjection viciée.

Prosper Alpin, lib. VII. cap. xj. de præsag. vitâ & morte, les décrit ainsi : « Par rapport à leur substance, elles peuvent être très-différentes ; il y en a dont la matiere est trop dure, rude, liquide, visqueuse, aqueuse, grasse, écumeuse, inégale, mêlangée, pure & colliquative. Par rapport à leurs couleurs, il y en a dont la matiere est blanche, bilieuse, jaune, safranée, rousse, verte, poracée, livide, sanglante, noire, & de différente couleur. Par rapport à l’odeur, il y en a de très-puantes, d’autres qui le sont peu, d’autres qui ne le sont point du tout. Par rapport à la quantité, il y a des déjections très-abondantes, très-fréquentes ; d’autres peu copieuses, & qui ne se répetent pas souvent ; d’autres qui sont supprimées. Par rapport au tems de l’excrétion, les unes ont lieu au commencement de la maladie, d’autres dans l’augment. Ces dernieres sont le plus souvent mauvaises, parce qu’elles précedent la coction ; elles indiquent l’abondance des crudités ». L’auteur des prorrhétiques, lib. I. parle ainsi des déjections de matiere dure :

« Si le ventre étant resserré, rend par nécessité des excrémens en petite quantité, qui soient durs, noirs & tortillés, & qu’il survienne en même tems un flux de sang par les narines, c’est mauvais signe ».

Selon Galien, cela arrive parce qu’ils ont été trop retenus, & à cause de la chaleur brûlante des entrailles. S’il se joint à cela de violens symptomes, & qu’il y ait quelqu’autre mauvais signe, l’excrétion de ces matieres fécales en devient un mortel.

Entre les excrémens liquides, Hippocrate regarde comme mauvais ceux qui sont d’une consistance aqueuse. Dans les prognostics, suivant ce que dit Galien, c’est un signe de crudité : ils sont mortels dans les maladies bilieuses, & dans celles qui sont accompagnées de violens symptomes.

« Si la matiere des excrémens est gluante, blanche, un peu safranée, en petite quantité, & légere, elle est mauvaise,» dit Hippocrate dans son liv. II. des Prognostics.

Une telle matiere ne peut qu’être toûjours de très-mauvais signe, parce qu’il est toûjours très nuisible que la substance du corps se consume & que la graisse se dissipe ; ce qui est une preuve d’une grande chaleur dans les maladies aigues, & d’une fin prochaine, s’il se joint à cela quelqu’autre mauvais signe. Dans une maladie plus bénigne, c’est un signe que la maladie sera de durée.