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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/798

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captif : au figuré, on s’affranchit de la tyrannie des grands, on se délivre de l’importunité des sots. Affranchir marque plus d’effort que d’adresse ; délivrer marque au contraire plus d’adresse que d’effort : ils ont rapport tous les deux à une action qui nous tire, ou nous-mêmes, ou les autres, d’une situation pénible ou de corps ou d’esprit.

DÉLIVREUR, s. m. (Manege.) On appelle ainsi un domestique d’écurie, dont la fonction est d’avoir la clé du coffre à avoine, & de la distribuer aux heures marquées. Voyez Coffre. (V)

DELMENHORST, (Géogr. mod.) ville d’Allemagne au cercle de Westphalie, capitale du comté de même nom : elle est au roi de Danemark ; elle est située sur le Delm. Long. 26. 12. lat. 53. 10.

DÉLOGER, v. act. (Art milit.) c’est un terme qui étoit autrefois en usage parmi les militaires, pour dire décamper : M. de Turenne s’en sert dans plusieurs endroits de ses mémoires. Voyez Decamper. (Q)

DÉLONGER ou DÉLONGIR, (Fauconn.) c’est ôter la longe à un oiseau, soit pour le faire voler, soit pour quelqu’autre besoin.

DÉLOS, (Géog. & Hist. anc.) île de la mer Egée, l’une des Cyclades, célebre chez les poëtes par la naissance d’Apollon & de Diane. L’île de Délos appartient aux Turcs, & on l’appelle présentement Sdile. Les meilleurs endroits de cette île sont couverts de ruines & de recoupes de marbre. Tous les maçons des îles voisines y viennent comme à une carriere, choisir les morceaux qui les accommodent. On casse une belle colonne pour faire des marches d’escalier, des appuis de fenêtres, ou des linteaux de portes ; on brise un pié-d’estal pour en tirer un mortier ou une saliere. Les Turcs, les Grecs, les Latins y rompent, renversent, enlevent tout ce qui leur plaît ; & ce qui prouve les révolutions du monde, c’est que les habitans de Myconé ne payent que 30 écus de taille au grand-seigneur, pour posséder une île qui étoit autrefois le plus riche pays de l’Europe, une île si chere aux Athéniens, une île où l’on tenoit le thrésor public de la Grece. Voy. les auteurs grecs, & les relations des voyageurs modernes. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

DELPHES, (Géog. anc. Littér. Hist.) ville de la Grece dans la Béotie, ou plutôt dans la Phocide, autrefois très-célebre par son temple, son oracle, la Pythie, le mont Parnasse, &c. & qui n’est plus aujourd’hui qu’un amas de ruines sur lesquelles on a bâti un petit village appellé Castri, entre Salone & Livadia.

Les Grecs croyoient que Delphes étoit le milieu de toute la terre ; & ce ne sont pas les seuls qui ont cherché un milieu à la terre, quoique ce soit à-peu-près vouloir trouver la droite ou la gauche d’une colonne.

Cette ville comprenoit seize stades dans son circuit, c’est-à-dire 2000 pas géométriques ; elle devoit toutes ses fortifications à la nature, & rien au travail des hommes. Un des sommets du mont Parnasse, dont la pointe suspendue avoit la forme d’un dais, la couvroit du côté du nord : deux vastes rochers l’embrassoient par les côtés, & la rendoient inaccessible : un troisieme rocher que l’on appelloit Cirphis, en défendoit l’abord du côté du midi ; de sorte qu’on n’y pouvoit arriver que par des sentiers étroits qu’on avoit pratiqués pour la commodité des citoyens. Entre la basse-ville & la roche que je viens de nommer Cirphis, couloit le fleuve Plistus. Les rochers qui environnoient la ville, s’abaissoient doucement & comme par degrés, ce qui a fait dire à Strabon qu’elle avoit la figure d’un théatre.

Elle se découvroit dans toutes ses parties ; & à

ne regarder seulement que l’arrangement & l’apparat de ses édifices, elle offroit la plus belle perspective du monde aux yeux des étrangers qui y abordoient. Mais lorsqu’ils considéroient cet amas prodigieux de statues d’or & d’argent, dont le nombre surpassoit de beaucoup celui des habitans, s’imaginoient-ils voir une ville plutôt qu’une assemblée de dieux ? Tel est cependant le spectacle qu’offroient aux yeux les magnificences de Delphes ; & ce fut la vûe de ces magnificences, dit Justin, qui seule put déterminer l’armée gauloise à grimper pour son malheur sur les rochers qui défendoient l’abord de cette ville. Ajoûtez que parmi ces rochers, les cris des hommes & le bruit continuel des trompettes se multiplioient de maniere, que tous ces échos augmentoient dans l’esprit de ceux qui en ignoroient les causes, l’admiration où l’on étoit pour cette ville chérie des dieux, & redoubloient la sainte horreur qu’on avoit conçue pour le dieu de l’oracle.

Nous avons encore des médailles de Delphes, ΔΕΛΦΩΝ. M. Spon (liv. III.) en rapporte une sur laquelle il paroît un temple magnifique avec une tête d’homme sans barbe, & couronnée de laurier. Un autre auteur a fait graver une autre médaille qui a une tête de Jupiter couronnée de laurier, & au revers un foudre.

Pour ne pas entrer dans un plus grand détail, je renvoye le lecteur à Strabon, Pausanias, Pindare, Justin ; parmi les modernes, à Vigenere dans son commentaire sur César ; & à la dissertation de M. Hardion sur l’origine, la situation & les divers noms de cette ville : cependant comme elle dut sa naissance & sa splendeur à son oracle, V. le second des deux articles suiv. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Delphes, (Temple de) Hist. anc. Littér. Il n’y a personne qui n’ait oüi parler du temple de Delphes, de ses richesses, des révolutions qu’il a essuyées, des oracles qui se rendoient dans son sanctuaire, enfin du nombre prodigieux de gens destinés au service de ce temple. Empruntons ici les lumieres des savans, pour rassembler avec ordre sous un point de vûe tous ces faits célébrés par les Poëtes, & trop dispersés dans l’histoire.

Le premier temple d’Apollon à Delphes, si l’on en croit les anciens, fut construit de branches de laurier entrelacées, qu’on apporta de la vallée de Tempé. Ce temple avoit précisément la forme d’une cabane, & le laurier étoit particulierement consacré à Apollon ; il se l’appropria lorsque Daphné, ses premieres amours, fut métamorphosée en cet arbre.

Ce temple rustique ayant été détruit, des abeilles, selon la tradition populaire, en formerent un autre avec leur cire & des plumes d’oiseaux. Quelques-uns aiment mieux supposer que ce second temple avoit été construit d’une plante appellée πτέρις, espece de fougere ; mais je préférerois à cette opinion celle des auteurs qui ont écrit que ce temple avoit été l’ouvrage d’un habitant de Delphes nommé Ptéras ; qu’il avoit porté le nom de son fondateur : & sur l’équivoque du mot ptéra, qui signifie des ailes, on avoit feint que les abeilles l’avoient construit avec des ailes d’oiseaux.

Le troisieme temple se ressent bien encore du récit fabuleux. Il étoit, dit-on, l’ouvrage de Vulcain, qui, pour le rendre plus durable, l’avoit fait d’airain, & avoit placé sur son frontispice un groupe de figures d’or qui charmoient les oreilles par d’agréables concerts. Pausanias se déclare contre cette tradition, & observe que ce ne seroit pas grande merveille qu’Apollon eût eu un temple d’airain, puisqu’Acrisius roi d’Argos fit faire une tour de ce métal pour enfermer sa fille. On ne sait pas trop de quelle maniere ce temple d’airain fut détruit : les uns prétendent qu’il fut abysmé dans un tremblement de