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d’Avril de cette année, le roi Louis XIII. ôte aux baillis & sénéchaux la jurisdiction du domaine, qui leur avoit été attribuée par l’édit de 1536, pour la donner aux thrésoriers de France, chacun dans l’étendue de leurs généralités, avec faculté de juger jusqu’à 250 livres en principal, & jusqu’à 10 livres de rente en dernier ressort, & le double de ces sommes par provision. Cet édit laisse la chambre du thrésor dans le même état où elle se trouvoit, ne lui ôte rien expressément, & la maintient au contraire en termes formels ; il substitue seulement les bureaux des finances aux bailliages, & conserve à la chambre du thrésor la privative dans l’étendue de dix bailliages, la concurrence & la prévention dans tout le royaume, aux termes des édits de 1536 & 1543.

La chambre du thrésor n’a souffert aucun changement jusqu’en l’année 1698, qui a formé ce qu’on peut appeller son quatrieme & dernier âge. Le roi Louis XIV. par un édit donné au mois de Mars 1693, a fixé la jurisdiction du domaine en l’état où elle se trouve encore aujourd’hui. Cet édit contient deux dispositions différentes. L’édit de 1627 n’avoit pas été précisément exécuté dans la généralité de Paris, dans laquelle les baillis & sénéchaux s’étoient maintenus en possession, contre l’intention du roi, de connoître des contestations domaniales dans les bailliages qui n’étoient pas du ressort privatif de la chambre du thrésor. Cet édit ne pouvoit y être exécuté sans que cette compétence se trouvât partagée entre deux jurisdictions, ce qui pouvoit produire de fréquens abus. Le roi, pour faire cesser les fréquens inconvéniens qui en pouvoient naître, dépouille les baillis & sénéchaux dans l’étendue de la généralité de Paris, de la possession dans laquelle ils s’étoient maintenus, & réunit en un même corps le bureau des finances & la chambre du thrésor, à laquelle on substitua le nom de chambre du domaine. Voulons que la jurisdiction du thrésor demeure unie au corps des thrésoriers de France ; c’est la premiere disposition de l’édit : Avons attribué à nos thrésoriers de France de Paris toute cour & jurisdiction, pour juger les affaires concernant notre domaine, dans l’étendue de notre généralité de Paris : c’est la seconde disposition de l’édit.

Par rapport aux matieres qui forment la compétence de la chambre du domaine, ce sont tous les biens & droits royaux & domaniaux, tels que les seigneuries domaniales & autres héritages dépendans du domaine, les bois de haute-futaie qui sont extans sur ces héritages, les droits de gruerie, tiers & danger, tout ce qui concerne les annoblissemens, amortissemens, francs-fiefs & nouveaux acquêts, les droits d’aubaine, bâtardise, deshérence, biens vacans, épaves, confiscations, amendes, droits de confirmations, dixmes inféodées, greffes, droits féodaux, tels que la foi & hommage, aveux & dénombremens, censives, lods & ventes, champarts, & autres droits de justice, de voiries, de tabellionage, de bannalité, de foires & marchés, de poids & mesures, péages, barrages, travers, & autres, & généralement tout ce qui a rapport au domaine engagé ou non engagé, à l’exception des apanages, & toutes les contestations qui les concernent, soit que le roi soit partie, soit que ce soit entre particuliers.

Le roi adresse à la chambre du domaine toutes les commissions qu’il délivre pour la confection du papier terrier dans la généralité de Paris, pour la recherche des droits domaniaux recelés ou usurpés, pour malversation des officiers du domaine ou de leurs commis.

Les seigneurs possedans des terres & seigneuries mouvantes immédiatement du roi, après avoir fait

la foi & hommage au lieu où elle est dûe, & fait recevoir leur aveu & dénombrement à la chambre des comptes, sont astraints à donner à la chambre du domaine, une déclaration sommaire qu’ils sont détempteurs de telle seigneurie ; faire mention de quels cens, rentes, & autres droits & devoirs seigneuriaux & féodaux elles sont chargées ; fournir des copies collationnées des actes de foi & hommage, aveux & dénombremens, & représenter les quittances des droits seigneuriaux qu’ils ont dû payer.

Les acquéreurs, propriétaires, & possesseurs de biens en roture, situés dans la censive du roi, sont également astraints à fournir de semblables déclarations à la chambre du domaine.

Ceux qui ne satisfont pas à cette formalité, y sont contraints à la requête du procureur du roi de la chambre du domaine ; poursuite & diligence des fermiers, suivant l’ordonnance de Henri III, du 7, Septembre 1582.

Les lettres de naturalité & légitimation doivent être enregistrées au greffe de cette chambre, à peine de nullité ; & jusqu’à ce qu’on y ait satisfait, il est défendu aux impétrans de s’en servir, & à tout juge d’y avoir égard, aux termes de la déclaration du 17 Septembre 1582. On y fait aussi l’enregistrement de tous les brevets de don accordés par le roi, de droits d’aubaine, bâtardise, deshérence, confiscations, droits seigneuriaux, & autre casuel, dépendans du domaine, & des lettres patentes expédiées sur ces brevets.

Le procureur du roi de la chambre du domaine fait procéder à sa requête par voie de saisie sur les biens & effets qui échoient au roi par droit d’aubaine, bâtardise, deshérence, confiscations, & autres semblables : on procede ensuite en ladite chambre aux baux & adjudications des immeubles provenans des successions adjugées au roi pour raison de ces droits.

Le procureur du roi fait aussi saisir féodalement les fiefs mouvans du roi, faute par les vassaux d’avoir fait la foi, & d’avoir fourni leur aveu & dénombrement dans le tems prescrit par la coûtume.

L’appel des jugemens de la chambre du thrésor, a toûjours ressorti nuement au parlement de Paris : il fut établi en 1570 une nouvelle chambre au parlement, qu’on appella la chambre du domaine, pour juger les appellations de la chambre du thrésor ; elle fut composée de deux conseillers de la grand’chambre, & de quatre des conseillers du thrésor : mais depuis, cette chambre a formé la quatrieme des enquêtes, & les appellations de la chambre du thrésor, présentement chambre du domaine, ont ressorti à la grand’chambre du parlement.

On pourroit entrer dans un plus long détail de tous les objets différens qui composent la jurisdiction de la chambre du domaine ; mais la réunion de cette jurisdiction aux autres matieres, dont la connoissance appartient aux thrésoriers de France de Paris, oblige de renvoyer cette partie à l’article Thrésoriers de France, où l’on réunira sous un même point de vûe tout ce qui a rapport à leurs fonctions, soit comme thrésoriers de France pour la direction du domaine, soit comme thrésoriers de France pour la jurisdiction du domaine, soit comme ayant réuni les fonctions de la chambre du thrésor, soit comme généraux des finances, soit comme grands-voyers en la généralité de Paris. On se contentera d’observer, que pour connoître l’origine & la compétence de la chambre du thrésor ou domaine, & de ses officiers, on peut consulter le recueil des ordonnances de la troisieme race ; Chopin, du domaine, liv. II. tit. 15. Fontanon, tom. II. pag. 247. Rebuffe, liv. II. tit. 2. ch. ij. Joli, des offices de France, tom. I. pag. 5. Miraulmont, traité de la chambre