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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/153

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bailli d’Auvergne, de faire assigner le prélat pour lever l’interdit, n’étant permis à personne, dit-il dans ces lettres, d’interdire aucune terre de son domaine.

Les canons défendent aux évêques d’être long-tems hors de leur diocèse, & ne leur permettent pas de faire leur résidence ordinaire hors de la ville épiscopale ; c’est pourquoi Philippe le Long ordonna en 1319 qu’il n’y auroit dorénavant nuls prélats au parlement, ce prince faisant, dit-il, conscience de les empêcher de vaquer au gouvernement de leur spiritualité.

Dans la primitive église les évêques n’ordonnoient rien d’important sans consulter le clergé de leur diocèse, presbyterium, & même quelquefois le peuple. Il étoit facile alors d’assembler tous les clercs du diocèse, vû qu’ils étoient presque toûjours dans la ville épiscopale.

Lorsque l’on eut établi des prêtres à la campagne, ce qui arriva vers l’an 400, on n’assembla plus tout le clergé du diocèse que dans des cas importans, comme on fait aujourd’hui pour les synodes diocésains ; mais les évêques continuerent à prendre l’avis de tous les ecclésiastiques qui faisoient leur résidence dans la ville épiscopale, ce qui paroît établi par plusieurs conciles des v. & vj. siecles, qui veulent que l’évêque prenne l’avis de tous les abbés, prêtres, & autres clercs.

Dans la suite le clergé de la cathédrale vêcut en commun avec l’évêque, & forma une espece de monastere ou de séminaire dont l’évêque étoit toûjours le supérieur ; le chapitre fut regardé comme le conseil ordinaire & nécessaire de l’évêque ; tel étoit encore l’ordre observé du tems d’Alexandre III. mais depuis, les chanoines ont insensiblement perdu le droit d’être le conseil nécessaire de l’évêque, si ce n’est pour ce qui concerne le service de l’église cathédrale ; pour ce qui est du gouvernement du diocèse, l’évêque prend l’avis de ceux que bon lui semble.

La jurisdiction qui appartient aux évêques de droit divin, ne consiste que dans le pouvoir d’enseigner, de remettre les péchés, d’administrer aux fideles les sacremens, & de punir par des peines purement spirituelles ceux qui violent les lois de l’Eglise.

Suivant les lois romaines les évêques n’avoient aucune jurisdiction contentieuse, même entre clercs ; mais les empereurs établirent les évêques arbitres nécessaires des causes d’entre les clercs & les laïcs ; cette voie d’arbitrage fut insensiblement convertie en jurisdiction : les princes séculiers, par considération pour les évêques, ont beaucoup augmenté les droits de leur jurisdiction, en leur attribuant un tribunal contentieux pour donner plus d’autorité à leurs décisions sur les affaires ; ils leur ont aussi accordé, par grace spéciale, la connoissance des affaires personnelles intentées contre les clercs, tant au civil qu’au criminel.

A l’égard des affaires entre laïcs pour choses temporelles, Constantin le Grand ordonna que quand une partie voudroit se soûmettre à l’avis de l’évêque, l’autre partie seroit obligée d’y déférer, & que les jugemens de l’évêque seroient irréformables, ce qui rendoit les évêques juges souverains ; cette loi fut insérée au code théodosien, liv. XVI. tit. x. de episcopali aud. Justinien ne la mit pas dans son code, mais le crédit des évêques sous les deux premieres races de nos rois, la part qu’ils eurent à l’élection de Pepin, la grande considération que Charlemagne avoit pour eux, firent que nos rois renouvellerent le privilége accordé aux évêques par Constantin : on en fit une loi qui se trouve dans les capitulaires, tom. I. liv. VI. cap. occlxvj.

L’ignorance des x. xj. & xij. siecles donna lieu aux évêques d’accroitre beaucoup leur jurisdiction con-

tentieuse ; ils étoient devenus les juges ordinaires

des pupilles, des mineurs, des veuves, des étrangers, des prisonniers, & autres semblables personnes ; ils connoissoient de l’exécution de tous les contrats où l’on s’étoit obligé sous la religion du serment, de l’exécution des testamens, enfin de presque toutes les affaires.

Mais à mesure que l’on est devenu plus éclairé, les choses sont rentrées dans l’ordre ; la jurisdiction contentieuse des évêques a été réduite, à l’égard des laïcs, aux matieres purement spirituelles, & à l’égard des clercs, aux affaires personnelles.

Les évêques ont divers officiers pour exercer leur jurisdiction contentieuse ; savoir, un official, un vice-gérent, un promoteur, un vice-promoteur, & autres officiers nécessaires. Jusqu’au xij. siecle, les évêques exerçoient eux-mêmes leur jurisdiction sans officiaux ; présentement ils se reposent ordinairement de ce soin sur leur official, ce qui n’empêche pas que quelques-uns n’aillent une fois, à leur avenement, tenir l’audience de l’officialité ; il y en a nombre d’exemples, & entr’autres à Paris celui de M. de Bellefonds archevêque, lequel fut installé le 2 Juin 1746 à l’officialité, & y jugea deux causes avec l’avis du doyen & chapitre de N.D. Voyez Jurisdiction ecclésiastique, Official, Vice-gérent, Promoteur

Les conciles & les ordonnances imposent aux évêques l’obligation de visiter en personne leur diocèse, & de faire visiter par leurs archidiacres les endroits où ils ne pourront aller en personne. Voyez Visite.

L’évêque fait par lui ou par ses grands-vicaires tous les actes qui sont de jurisdiction volontaire & gracieuse, tels que les dimissoires, la collation des bénéfices, les unions, l’approbation des confesseurs, vicaires, prédicateurs, maîtres d’école ; la permission de célebrer pour les prêtres étrangers, la permission de faire des quêtes dans le diocèse ; la bénédiction des églises, chapelles, cimetieres & leur reconciliation ; la visite des églises paroissiales & autres lieux saints, celle des choses qui y sont contenues & qui sont requises pour le service divin ; la visite des personnes & celle des monasteres de religieuses ; les dispenses touchant l’ordination des clercs ; les dispenses des vœux, des irrégularités, des bans de mariage, enfin ce qui concerne les censures & les absolutions. Voyez Jurisdiction volontaire.

Il y a certaines fonctions que les évêques doivent remplir par eux-mêmes, comme de donner la confirmation & les ordres, bénir le saint chrême & les saintes huiles, consacrer les évêques, &c.

Lorsqu’un évêque se trouve hors d’état de remplir les devoirs de l’épiscopat à cause de ses infirmités, ou pour quelqu’autre raison, on lui donne un coadjuteur avec future succession. Le co-adjuteur doit travailler avec lui au gouvernement du diocèse. Le pape en accordant des bulles au co-adjuteur sur la nomination du roi, fait le co-adjuteur évêque in partibus infidelium, afin qu’il puisse être sacré & conférer les ordres. Voyez Co-adjuteur.

Les évêques sont soûmis, comme les autres sujets du roi, à la jurisdiction séculiere en matiere civile ; à l’égard des matieres criminelles, un évêque ne peut être jugé pour le délit commun que par le concile de la province, composé de douze évêques, & auquel doit présider le métropolitain ; mais pour le cas privilégié, les évêques sont comme les autres ecclésiastiques sujets à la jurisdiction royale ; & s’il arrive qu’un évêque cause quelque trouble dans l’état par ses actions, par ses paroles ou par ses écrits, le parlement, & même les juges royaux inférieurs, peuvent arrêter le trouble & en empêcher les suites, tant par saisie du temporel que par des amendes,