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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/174

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maintenues & conservées en la libre & entiere fonction de leurs charges, & en l’autorité de jurisdiction qui leur a été donnée par les rois nos prédécesseurs.

La déclaration du dernier Juillet 1648 porte, art. 1, que les réglemens sur le fait de la justice portés par les ordonnances d’Orléans, Moulins & Blois, seront exactement exécutées & observées suivant les vérifications qui en ont été faites en nos compagnies souveraines, avec défenses, tant aux cours de parlement qu’autres juges, d’y contrevenir : elle ordonne au chancelier de France de ne sceller aucunes lettres d’évocation que dans les termes de droit, & après qu’elles auront été résolues sur le rapport qui en sera fait au conseil du roi par les maitres des requêtes qui seront en quartier ; parties oüies, en connoissance de cause.

La déclaration du 22 Octobre suivant porte, art. 14, que pour faire connoître à la postérité l’estime que le roi fait de ses parlemens, & afin que la justice y soit administrée avec l’honneur & l’intégrité requise, le roi veut qu’à l’avenir les articles 91, 92, 97, 98 & 99 de l’ordonnance de Blois, soient inviolablement exécutés ; ce faisant, que toutes affaires qui gissent en matiere contentieuse, dont les instances sont de-présent ou pourront être ci-après pendantes, indécises & introduites au conseil, tant par évocation qu’autrement, soient renvoyées comme le roi les renvoye par-devant les juges qui en doivent naturellement connoître, sans que le conseil prenne connoissance de telles & semblables matieres ; lesquelles sa majesté veut être traitées par-devant les juges ordinaires, & par appel ès cours souveraines, suivant les édits & ordonnances, &c.

Le même article veut aussi qu’il ne soit délivré aucunes lettres d’évocation générale ou particuliere, du propre mouvement de sa majesté ; ains que les requêtes de ceux qui poursuivront lesdites évocations soient rapportées au conseil par les maîtres des requêtes qui seront en quartier, pour y être jugées suivant les édits, & octroyées, parties oüies, & avec connoisance de cause & non autrement.

Il est encore ordonné que lesdites évocations seront signées par un secrétaire d’état ou des finances qui aura reçû les expéditions, lorsque les évocations auront été délibérées ; que les évocations qui seront ci-après obtenues contre les formes susdites, sont déclarées nulles & de nul effet & valeur, & que nonobstant icelles, il sera passé outre à l’instruction & jugement des procès par les juges dont ils auront été évoqués : & pour faire cesser les plaintes faites au roi à l’occasion des commissions extraordinaires par lui ci-devant décernées, il révoque toutes ces commissions, & veut que la poursuite de chaque matiere soit faite devant les juges auxquels la connoissance en appartient.

Les lettres patentes du 11 Janvier 1657, annexées à l’arrêt du conseil du même jour, portent que le roi ayant fait examiner en son conseil, en sa présence, les mémoires que son procureur général lui avoit présentés de la part de son parlement, concernant les plaintes sur les arrêts du conseil que l’on prétendoit avoir été rendus contre les termes des ordonnances touchant les évocations, & sur des matieres dont la connoissance appartient au parlement : sa majesté ayant toûjours entendu que la justice fût rendue à ses sujets par les juges auxquels la connoissance doit appartenir suivant la disposition des ordonnances, & voulant même témoigner que les remontrances qui lui avoient été faites sur ce sujet, par une compagnie qu’elle a en une particuliere considération, ne lui ont pas moins été agréables que le zele qu’elle a pour son service lui donne de satisfaction ; en conséquence, le roi ordonne que les

ordonnances faites au sujet des évocations seront exactement gardées & observées, fait très-expresses inhibitions & défenses à tous qu’il appartiendra d’y contrevenir, n’y de traduire ses sujets par-devant d’autres juges que ceux auxquels la connoissance en appartient suivant les édits & ordonnances, à peine de nullité des jugemens & arrêts qui seront rendus au conseil, & de tous dépens, dommages & intérêts contre ceux qui les auront poursuivis & obtenus ; en conséquence, le roi renvoye à son parlement de Paris les procès spécifiés audit arrêt. &c.

On ne doit pas non plus omettre que sous ce regne, ces évocations s’étant aussi multipliées, le Roi par des arrêts des 23 Avril, & 12 & 26 Octobre 1737, & 21 Avril 1738, a renvoyé d’office aux siéges ordinaires, un très-grand nombre d’affaires évoquées au conseil, ou devant des commissaires du conseil ; & ensuite il fut expédié des lettres patentes qui furent enregistrées, par lesquelles la connoissance en fut attribuée, soit à des chambres des enquêtes du parlement de Paris, soit à la cour des aydes ou au grand-conseil, suivant la nature de chaque affaire.

On distingue deux sortes d’évocations ; celles de grace, & celles de justice.

On appelle évocations de grace, celles qui ont été ou sont accordées par les rois à certaines personnes, ou à certains corps ou communautés, comme une marque de leur protection, ou pour d’autres considérations telles que les committimus, les lettres de garde-gardienne, les attributions faites au grand-conseil des affaires de plusieurs ordres religieux, & de quelques autres personnes.

Les évocations de grace sont ou particulieres, c’est-à-dire bornées à une seule affaire ; ou générales, c’est-à-dire accordées pour toutes les affaires d’une même personne ou d’un même corps.

L’ordonnance de 1669, art. 1, du titre des évocations, & l’ordonnance du mois d’Août 1737, art. l, portent qu’aucune évocation générale ne sera accordée, si ce n’est pour de très-grandes & importantes considération, qui auront été jugées telles par le roi en son conseil ; ce qui est conforme à l’esprit & à la lettre des anciennes ordonnances, qui a toûjours été de conserver l’ordre commun dans l’administration de la justice.

Il y a quelques provinces où les committimus & autres évocations générales n’ont point lieu ; ce sont celles de Franche-Comté, Alsace, Roussillon, Flandre & Artois.

Il y a aussi quelques pays qui ont des titres particuliers pour empêcher l’effet de ces évocations, ou pour les rendre plus difficiles à obtenir, tels que ceux pour lesquels on a ordonné qu’elles ne pourront être accordées qu’après avoir pris l’avis du procureur général ou d’autres officiers.

Dans d’autres pays, les évocations ne peuvent avoir lieu pour un certain genre d’affaires, comme en Normandie & en Bourgogne, où l’on ne peut évoquer les decrets d’immeubles hors de la province.

On nomme évocation de justice, celle qui est fondée sur la disposition même des ordonnances, comme l’évocation sur les parentés & alliances qu’une des parties se trouve avoir dans le tribunal où son affaire est portée.

C’est une regle générale, que les exceptions que les lois ont faites aux évocations mêmes de justice, s’appliquent à plus forte raison aux évocations qui ne sont que de grace ; ensorte qu’une affaire qui par sa nature ne peut pas être évoquée sur parentés & alliances, ne peut l’être en vertu d’un committimus ou autre privilége personnel.

Quant à la forme dans laquelle l’évocation peut être obtenue, on trouve des lettres de Charles V. du mois de Juillet 1366, où il est énoncé que le roi