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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/256

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a fait une dépense suffisante de forces ; & le quatrieme, que le superflu des humeurs se dissipe, & qu’ainsi l’objet de l’exercice à cet égard est rempli.

On ne peut pas finir de traiter ce qui regarde l’exercice, sans dire un mot sur les lieux où il convient de le faire préférablement, lorsqu’on a le choix. Celse conseille fort que la promenade se fasse en plein air, à découvert, & au soleil plûtôt qu’à l’ombre, si on n’est pas sujet à en prendre mal à la tête, attendu que les rayons solaires contribuent à déboucher les pores, à faciliter l’insensible perspiration ; mais si on ne peut pas s’exposer sans danger au soleil, on doit se mettre à couvert par le moyen des arbres ou des murailles, plûtôt que sous un toît, pour que l’on soit toûjours dans un lieu où l’air puisse être aisément renouvellé, & les mauvaises exhalaisons emportées, &c.

Il resteroit encore bien des choses à détailler sur le sujet qui fait la matiere de cet article ; mais les bornes de l’ouvrage auquel il est destiné, ne permettent pas de lui donner plus d’étendue. On le termine donc en indiquant les ouvrages qui peuvent fournir plus d’instruction sur tout ce qui a rapport à ce vaste sujet ; ainsi voyez Galien, qui en traite fort au long dans ses écrits ; Celse, dans le premier livre de ses œuvres ; Lommius, qui a fait le commentaire de ce livre ; Cheyne, dans son ouvrage de sanitate infirmorum tuendâ ; Hoffman en plusieurs endroits de ses œuvres, & particulierement dans sa dissertation sur les sept lois médicinales, qu’il propose comme regles absolument nécessaires à observer pour conserver la santé. Voyez aussi le commentaire des aphorismes de Boerhaave, par l’illustre Wanswieten, passim. Tous les institutionnistes, tels que Sennert, Riviere, &c. peuvent être utilement consultés sur le même sujet, dans la partie de l’Hygiène où il en est traité. (d)

Exercices, (Manége.) s’applique particulierement ou principalement aux choses que la noblesse apprend dans les académies.

Ce mot comprend par conséquent l’exercice du cheval, la danse, l’action de tirer des armes & de voltiger, tous les exercices militaires, les connoissances nécessaires pour tracer & pour construire des fortifications, le dessein, & généralement tout ce que l’on enseigne & tout ce que l’on devroit enseigner dans ces écoles.

On dit : ce gentilhomme a fait tous ses exercices avec beaucoup d’applaudissement.

On ne voit aucune époque certaine d’où l’on puisse partir pour fixer avec quelque précision le tems de l’établissement de ces colléges militaires qui sont sous la protection du roi, & sous les ordres de M. le grand écuyer, de qui tous les chefs d’Académie tiennent leurs brevets.

Ce qu’il y a de plus constant & de plus avéré est l’ignorance dans laquelle nous avons ignominieusement langui pendant les siecles qui ont précédé les regnes de Henri III. & de Henri IV. Jusque-là notre nation ne peut se flater d’avoir produit un seul homme de cheval & un seul maître. Cette partie essentielle de l’éducation de la noblesse n’étoit, à notre honte, confiée qu’à des étrangers qui accouroient en foule pour nous communiquer de très-foibles lumieres sur un art que nous n’avions point encore envisagé comme un art, & que François I. le pere & le restaurateur des Sciences & des Lettres avoit laissé dans le néant, d’où il s’étoit efforcé de tirer tous les autres. D’une autre part ceux des gentilshommes auxquels un certain degré d’opulence permettoit de recourir aux véritables sources, s’acheminoient à grands frais vers l’Italie, & y portoient assez inutilement des sommes considérables, soit qu’ils bornassent leurs travaux & leur application à de legeres notions qu’ils croyoient leur être

personnellement & indispensablement nécessaires, soit qu’ils ne fussent pas exempts de cet amour propre & de cette présomption si commune de nos jours, & qui ferment tous les chemins qui conduisent au savoir ; nul d’entre eux ne revenoit en état d’éclairer la patrie. Elle seroit plongée dans les mêmes ténebres, & nous aurions peut-être encore besoin des secours de nos voisins, si une noble émulation n’eût inspiré les S. Antoine, les la Broüe, & les Pluvinel. Ces hommes célebres, dont le souvenir doit nous être cher, après avoir tout sacrifié pour s’instruire sous le fameux Jean-Baptiste Pignatelli, aux talens duquel l’école de Naples dut la supériorité qu’elle eut constamment sur l’académie de Rome, nous firent enfin part des richesses qu’ils avoient acquises, & par eux la France fut peuplée d’écuyers François, qui l’emporterent bien-tôt sur les Italiens mêmes.

L’état ne se ressentit pas néanmoins des avantages réels qui auroient dû suivre & accompagner ces succès. On en peut juger par le projet qui termine les instructions que donne Pluvinel à Louis XIII. dans un ouvrage que René de Menou de Charnisay, écuyer du roi, & gouverneur du duc de Mayenne, crut devoir publier après sa mort. Pluvinel y dévoile avec une fermeté digne de lui, les raisons qui s’opposent invinciblement à la splendeur des académies & à l’avancement des éleves ; & l’on peut dire que ses expressions caractérisent d’une maniere non équivoque cette sincérité philosophique, également ennemie de l’artifice & de l’adulation, qui lui mérita l’honneur d’être le sous-gouverneur, l’écuyer, le chambellan ordinaire, & un des favoris de son roi ; sincérité qui déplairoit & révolteroit moins, si la gloire d’aimer la vérité ne cédoit pas dans presque tous les hommes à la satisfaction de ne la jamais entendre.

Ceux qui sont à la tête de ces établissemens n’ont, selon lui, d’autre but que leur profit particulier. Il est conséquemment impossible qu’ils allient exactement leurs devoirs avec de semblables motifs. La crainte d’être obligés de soûtenir leurs équipages sans secours, & aux dépens de leurs propres biens, les engage à tolérer les vices des gentilshommes pour les retenir dans leurs écoles, & pour y en attirer d’autres. Il s’agiroit donc à la vûe des dépenses immenses auxquelles les chefs d’académie sont assujettis, de les désintéresser à cet égard, en leur fournissant des fonds qui leur procureroient & les moyens d’y subvenir, & la facilité de recevoir & d’agréer de pauvres gentilshommes que des pensions trop fortes en éloignent. Pluvinel propose ensuite la fondation d’une académie dans quatre des principales villes du royaume, c’est-à-dire, à Paris, à Lyon, à Tours, & à Bordeaux. Il détaille les parties que l’on doit y professer ; il indique en quelque façon les reglemens qui doivent y être observés soit pour les heures, soit pour le genre des exercices. Il s’étend sur les devoirs des maîtres & sur les excellens effets que produiroit infailliblement une entreprise qu’il avoit suggerée à Henri IV. & dont ce grand monarque étoit prêt à ordonner l’exécution, lorsqu’une main meurtriere nous le ravit. Enfin toutes les sommes qu’il demande au roi se réduisent à celle de 30000 liv. par année prélevée sur les pensions qu’il fait à la noblesse, ou affectée sur les bénéfices ; & si les gentilshommes, continue-t-il, élevés dans ces écoles venoient à transgresser les ordonnances, leurs biens seroient confisqués au profit de ces colléges d’armes, afin que peu-à-peu leurs revenus augmentant, la noblesse qui gémit dans la pauvreté, y fût gratuitement nourrie & enseignée.

On ne peut qu’applaudir à des vûes aussi sages ; elles auroient été sans doute remplies, si la mort eût