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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/297

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loit, lorsque le tems critique approchoit, c’est-à-dire lorsque la suppuration étoit achevée, d’employer du vin, du vinaigre mêlé avec du poivre, des liqueurs acres en gargarisme, des errhins & autres stimulans propres à vuider l’abcès, & à en chasser la matiere hors des poumons par l’expectoration.

Comme il y a des maladies bien différentes entre elles, qui exigent l’usage des expectorans, les différens médicamens que l’on employe sous ce nom, ont des qualités plus ou moins actives ; on doit par conséquent les choisir d’après les différentes indications. Les maladies aiguës ou chroniques, avec fievre, telles que la peripneumonie, la phthisie, ne comportent que les plus doux, ceux qui produisent leurs effets sans agiter, sans échauffer, comme les décoctions de racine de réglisse, de feuilles de bourache, le suc de celles-ci, les infusions de fleurs de sureau ; les potions huileuses avec les huiles d’amandes douces, de lin, récentes ; les dissolutions de manne, de miel, de sucre dans les décoctions ou infusions précédentes ; de blanc de baleine récent dans les bouillons gras, dans les huiles susdites, &c.

Les forts apéritifs, propres à inciser, à briser la viscosité des humeurs muqueuses, tels que sont les aposemes, les tisannes de racines apéritives, des bois sudorifiques ; les différentes préparations de soufre, d’antimoine ; diaphorétiques, &c. conviennent aux maladies chroniques, sans fievre, comme le catarrhe, l’asthme : on trouvera sous les noms de ces différentes maladies, une énumération plus détaillée des médicamens indiqués pour chacune d’entr’elles, les différentes formes sous lesquelles on les employe, & les précautions qu’exigent leur usage dans les différens cas. On ne peut établir ici aucune regle générale, ainsi voyez Toux, Peripneumonie, Phthisie, Rhûme, Catarrhe, Asthme, & autres maladies qui ont rapport à celles-ci. (d)

EXPECTORATION, s. f. expectoratio (Medec) ; ce terme est composé de la préposition ex, de, & du substantif pectus, poitrine ; ainsi il est employé pour exprimer la fonction par laquelle les matieres excrémentitielles des voies de l’air, dans les poumons, en sont chassées & portées dans la bouche, ou tout d’un trait hors du corps, en traversant cette derniere cavité ; c’est la purgation de la poitrine & des parties qui en dépendent, dans l’état de santé & dans celui de maladie.

Comme cette purgation se fait par le haut, elle a été mise par les anciens au nombre des évacuations du genre de l’anacatharse ; Hippocrate lui a même spécialement donné ce nom (5. aphor. 8.) ἀνακαθαρσις, purgatio per sputa.

L’expectoration est donc une sorte d’expulsion de la matiere des crachats tirés des cavités pulmonaires, dont l’issue est dans le gosier ; c’est une espece de crachement, soit qu’il se fasse volontairement, soit qu’il se fasse involontairement, par l’effet de la toux : mais tout crachement n’est pas une expectoration. Voyez Crachat, Toux.

L’éjection de la salive, qui ne doit point avoir lieu dans l’économie animale bien reglée, ne peut aussi être regardée comme une expectoration ; cette dénomination-ci ne convient absolument qu’à l’évacuation des humeurs muqueuses, destinées à lubrifier toutes les parties de la poitrine exposées au contact de l’air respiré ; lesquelles humeurs étant de nature à perdre la fluidité avec laquelle elles se séparent, & à s’épaissir de maniere qu’elles ne peuvent pas être absorbées & portées dans la masse des fluides, s’accumulent & surabondent au point qu’elles fatiguent les canaux qui les contiennent, ou par leur volume, en empéchant le libre cours de l’air dans ses vaisseaux, ou par leur acrimonie, effet du séjour & de la chaleur animale, en irritant les membranes

qui tapissent les voies de l’air. Ces différentes causes sont autant de stimulus, qui excitent la puissance motrice à mettre en jeu les organes propres à opérer l’expectoration ; de sorte qu’il en est de cette matiere excrémentitielle, comme de la mucosité des narines, de la morve : cette mucosité se séparant continuellement dans les organes secrétoires de la membrane pituitaire, pour la défendre aussi du contact de l’air, est continuellement renouvellée ; par conséquent il y en a de surabondante, qui doit être évacuée par l’éternuement ou par l’action de se moucher. Voyez Morve, Eternuement, Moucher. Il est donc très-naturel qu’il existe dans l’économie animale un moyen de jetter hors du corps les humeurs lubrifiantes, qui surabondent dans les voies de l’air, plus ou moins, selon le tempérament sec ou humide ; ce moyen est l’expectoration : ainsi il n’y a que l’excès ou le défaut qui fassent des lésions dans cette fonction, qui est très-nécessaire par elle-même dans l’état de santé, entant qu’elle s’exerce d’une maniere proportionnée aux besoins établis par la constitution propre à chaque individu : cependant il faut convenir, qu’en général ils se font naturellement très peu sentir : mais il n’en est pas de même dans un grand nombre de maladies, soit qu’elles ayent leur siége dans les poumons, ou que la matiere morbifique y soit portée, déposée de quelqu’autre partie ou de la masse même des humeurs. Il arrive très-souvent que la nature opere des crises très-salutaires par le moyen de l’expectoration : les observations à ce sujet ont fourni au divin Hippocrate la matiere d’un grand nombre de prognostics & de regles dans la pratique médicinale. Voyez ses œuvres passim.

Le méchanisme de l’expectoration s’exerce donc par l’action des organes de la respiration ; la glotte s’étant fermée pour un instant, pendant lequel les muscles abdominaux se contractent, se roidissent, pressent les visceres du bas-ventre vers l’endroit ou ils trouvent moins de résistance ; c’est alors vers la poitrine où le diaphragme, dans son état de relâchement, est poussé dans la cavité du thorax, il y forme une voûte plus convexe, qui presse les poumons vers la partie supérieure de cette cavité, en même tems que les muscles qui servent à l’expiration abbaissent fortement & promptement les côtes ; & par conséquent toutes les parois de la poitrine s’appliquent fortement contre les poumons, les compriment en tout sens, en expriment l’air qui est poussé de toutes les cellules bronchiques, de toutes les bronches mêmes, vers la trachée artere : mais l’orifice de celle-ci se trouvant fermé, la direction de l’air (mû avec force selon l’axe de toutes les voies aériennes) change par la résistance qu’il trouve à sortir ; il se porte obliquement contre les parois ; il leur fait essuyer une sorte de frotement qui ébranle, qui emporte ce qui est appliqué contre ces parois, avec une adhésion susceptible de céder aisément ; qui entraîne par conséquent la mucosité surabondante. Dans le même instant que l’effort a enlevé ainsi quelque portion de cette humeur, la glotte vers laquelle cette matiere est portée, s’ouvre avec promptitude pour la laisser passer, sans interrompre le courant d’air qui l’emporte de la trachée artere dans la bouche, & quelquefois tout d’un trait hors de cette derniere cavité, par conséquent hors du corps : ce dernier effet a lieu, lorsque la matiere dont se fait l’expulsion est d’un petit volume (mais assez pesante par sa densité, d’où elle a plus de mobilité), qu’elle se trouve située par des efforts précédens près de l’ouverture de la trachée-artere, c’est-à-dire dans ce canal même ou dans les troncs des bronches. Dans le cas, au contraire, où la matiere excrémenteuse se trouve située dans les cellules ou dans les plus petites ramifications bronchiques, c’est-à-dire dans le