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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/374

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peuvent apporter dans la communication de ces mouvemens. Mais ces différentes lumieres sont bornées presque toutes à des perceptions sensibles, & aux facultés animales.

Au reste la connoissance des facultés de l’homme, fait une partie des plus importantes de la Physiologie ; parce que les dérangemens des facultés de l’ame qui agissent sur le corps, causent diverses maladies, & que le dérangement des facultés du corps trouble toutes les fonctions de l’ame. Il est donc absolument nécessaire que les Medecins & les Chirurgiens soient instruits de ces vérités, pour parvenir à la connoissance des causes des maladies qui en dépendent, & pour en regler la cure. D’ailleurs ils sont chargés de faire des rapports en justice sur des personnes dont les fonctions de l’esprit sont troublées ; il faut donc qu’ils soient éclairés sur la physique de ces fonctions pour déterminer l’état de ces personnes, & pour juger s’il est guérissable ou non.

Nous n’entrerons pas dans de plus grands détails sur cette matiere, ils nous conduiroient trop loin. Le lecteur peut consulter la physiologie de Boerhaave, & sur-tout le traité des facultés, que M. Quesnay a donné dans son économie animale. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Faculté appétitive, (Physiol. Medec.) c’est une faculté par laquelle l’ame se porte, soit nécessairement, soit volontairement, vers tout ce qui peut conserver le corps auquel elle est unie, & même vers ce qui peut concourir à la conservation de l’espece, & par laquelle l’ame excite dans le corps des mouvemens ou volontaires ou involontaires, pour obtenir ce qu’elle appete. Cette faculté qui est active, en suppose une autre qui est passive, & qu’on appelle sensitive, parce que ce n’est qu’en conséquence d’une sensation agréable ou desagréable, que l’ame est excitée à agir pour joüir de la sensation agréable, ou pour se délivrer de la sensation desagréable. Et comme la faculté appétitive a été donnée à l’ame pour l’entretien du corps & pour la conservation de l’espece, le Créateur lui a donné aussi des sensations relatives à cette faculté. Voyez Sensation.

Communément on ne fait mention que de trois appétits, connus sous les noms de faim, de soif, & d’appétit commun aux deux sexes pour la propagation de l’espece. Voyez Faim, Soif, & Sexe. Mais il me paroît que mal-à-propos on a omis l’appétit vital, par lequel l’ame est nécessairement déterminée à mouvoir nos organes vitaux, & à en entretenir les mouvemens. Nous parlerons de l’appétit vital en traitant de la faculté vitale. Voyez l’article suiv.

C’est à ce double état de patient & d’agent, dont notre ame est capable, que Dieu a confié la conservation de l’individu & de l’espece. En qualité de principe passif, notre ame reçoit des impressions de nos sens qui l’avertissent des besoins du corps qu’elle anime, & qui la déterminent pour les moyens propres à satisfaire à ces besoins : en qualité de principe actif, elle met en mouvement les instrumens corporels qui lui sont soûmis. Lorsque ce principe est guidé par la volonté, il embrasse l’amour & la haine, ou le desir & la répugnance, & il fait mouvoir le corps pour attirer à soi les objets favorables, & pour éloigner ceux qui pourroient lui être contraires ; mais lorsqu’il agit nécessairement, il est borné au seul desir & aux mouvemens propres à satisfaire ce desir : alors cet appétit n’embrasse rien de connu, & il prouve à cet égard la fausseté du proverbe latin, ignoti nulla cupido. En effet, si par le moyen des sens extérieurs, nous n’avions pas acquis la connoissance des choses qui peuvent appaiser notre faim & notre soif, les impressions, qui de l’estomac & du gosier, seroient transmises jusqu’à notre ame, nous feroient sentir un besoin, & exciteroient en nous un

desir de quelque chose inconnue, ou ce qui est le même, un desir qui ne se porteroit vers aucun objet connu. Mais lorsque par le goût, l’odorat, & les autres sens extérieurs, nous avons reconnu les objets qui peuvent contenter notre desir, & que nous en avons fait l’épreuve ; alors ce n’est plus un appétit vague & indéterminé, c’est un appétit qui a pour objet des choses connues. Voyez Faim & Soif.

Il faut donc, en Medecine comme en Morale, distinguer deux sortes d’appétits ; l’un aveugle ou purement sensitif ; & l’autre éclairé ou raisonnable. L’appétit aveugle n’est qu’une suite de quelque sensation excitée par le mouvement de nos organes intérieurs, qui ne nous représente aucun objet connu : l’appétit éclairé est la détermination de l’ame vers un objet représenté par les sens extérieurs, comme une chose qui nous est avantageuse, ou son éloignement pour un objet, que ces mêmes sens nous représentent comme une chose qui nous est contraire.

Du reste tout appétit suppose une sensation, & la sensation suppose quelque mouvement dans nos organes extérieurs ou intérieurs. Tout appétit suppose aussi une action dans l’ame, par laquelle elle tâche de se procurer les moyens de joüir des sensations agréables, & de se délivrer des sensations desagréables : une action supérieure à celle des causes qui lui ont donné lieu, & qui n’est point soûmise aux lois méchaniques ordinaires. Ces moyens ne sont jamais primitivement indiqués par l’appétit ; c’est aux sens extérieurs, à l’expérience & à l’usage à nous les faire connoître, à quoi le raisonnement peut aussi servir ; mais lorsque ces moyens nous sont une fois connus, l’ame se porte, pour ainsi dire, machinalement à les employer, s’ils sont avantageux, ou à les éviter, s’ils ont été reconnus nuisibles. Si ces moyens sont des instrumens corporels, cachés dans l’intérieur de notre machine, l’ame est nécessairement déterminée à s’en servir, même sans les connoître, d’autant que la volonté n’a aucun pouvoir sur eux, & que le Créateur ne les a soûmis qu’à un appétit aveugle ; tels sont nos organes vitaux, dont les mouvemens ne dépendent pas de la volonté. Voy. Faculté vitale. Mais si ces marques sont des objets extérieurs, & que les mouvemens nécessaires pour en user soient soûmis à la volonté, l’ame n’est point nécessairement déterminée ; elle peut reprimer son appetit, & elle le doit toutes les fois qu’il tend vers les choses défendues par les lois divines ou humaines, ou vers des choses contraires à la santé. Article de M. Bouillet le pere.

Faculté vitale. C’est une certaine force qui, dès le premier instant de notre existence, met en jeu nos organes vitaux, & en entretient les mouvemens pendant toute la vie. Ce que nous savons de certain de cette force, c’est qu’elle réside en nous, qui sommes composés d’ame & de corps ; qu’elle agit en nous, soit que nous le voulions ou que nous ne le voulions pas, & qu’elle s’irrite quelquefois par les obstacles qu’elle rencontre. Mais à laquelle des deux substances, dont nous sommes composés, appartient-elle ? Est-ce uniquement au corps qu’il faut la rapporter ? ou bien n’appartient-elle qu’à l’ame ? Voilà ce qu’on ne sait point, ou du moins ce qu’on n’apperçoit pas aisément.

Ceux qui ne reconnoissent dans l’ame humaine d’autres facultés actives que la volonté & la liberté, & qui sont d’ailleurs persuadés que toutes les modifications & les actions de cet être simple, indivisible & spirituel qui nous anime, sont accompagnées d’un sentiment intérieur, croyent avec Descartes, que la faculté vitale, dont ils ne se rendent aucun témoignage à eux-mêmes, appartient uniquement au corps humain duement organisé, ou pourvû de tout ce qui est nécessaire pour exercer les actions ou les fonc-