Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/400

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les familles commencent par le mariage, & c’est la nature elle-même qui invite les hommes à cette union ; de-là naissent les enfans, qui en perpétuant les familles, entretiennent la société humaine, & réparent les pertes que la mort y cause chaque jour.

Lorsqu’on prend le mot de famille dans un sens étroit, elle n’est composée, 1°. que du pere de famille : 2°. de la mere de famille, qui suivant l’idée reçue presque par-tout, passe dans la famille du mari : 3°. des enfans qui étant, si l’on peut parler ainsi, formés de la substance de leur pere & mere, appartiennent nécessairement à la famille. Mais lorsqu’on prend le mot de famille dans un sens plus étendu, on y comprend alors tous les parens ; car quoiqu’après la mort du pere de famille, chaque enfant établisse une famille particuliere, cependant tous ceux qui descendent d’une même tige, & qui sont par conséquent issus d’un même sang, sont regardés comme membres d’une même famille.

Comme tous les hommes naissent dans une famille, & tiennent leur état de la nature même, il s’ensuit que cet état, cette qualité ou condition des hommes, non-seulement ne peut leur être ôtée, mais qu’elle les rend participans des avantages, des biens, & des prérogatives attachées à la famille dans laquelle ils sont nés : cependant l’état de famille se perd dans la société par la proscription, en vertu de laquelle un homme est condamné à mort, & déclaré déchû de tous les droits de citoyen.

Il est si vrai que la famille est une sorte de propriété, qu’un homme qui a des enfans du sexe qui ne la perpétue pas, n’est jamais content qu’il n’en ait de celui qui la perpétue : ainsi la loi qui fixe la famille dans une suite de personnes de même sexe, contribue beaucoup, indépendamment des premiers motifs, à la propagation de l’espece humaine ; ajoûtons que les noms qui donnent aux hommes l’idée d’une chose qui semble ne devoir pas périr, sont très-propres à inspirer à chaque famille le desir d’étendre sa durée ; c’est pourquoi nous approuverions davantage l’usage des peuples chez qui les noms même distinguent les familles, que de ceux chez lesquels ils ne distinguent que les personnes.

Au reste, l’état de famille produit diverses relations très-importantes ; celle de mari & de femme, de pere, de mere & d’enfans, de freres & de sœurs, & de tous les autres degrés de parenté, qui sont le premier lien des hommes entr’eux. Nous ne parlerons donc pas de ces diverses relations. Voyez-en les articles dans leur ordre, Mari, Femme, &c. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

* Famille, (Hist. anc.) Le mot latin familia ne répondoit pas toûjours à notre mot famille. Familia étoit fait de famulia, & il embrassoit dans son acception tous les domestiques d’une maison, où il y en avoit au moins quinze. On entendoit encore par familia, un corps d’ouvriers conduits & commandés par le préfet des eaux. Il y avoit deux de ces corps ; l’un public, qu’Agrippa avoit institué ; & l’autre privé, qui fut formé sous Claude. La troupe des gladiateurs, qui faisoient leurs exercices sous un chef commun, s’appelloit aussi familia : ce chef portoit le nom de lanista.

Les familles romaines, familiæ, étoient des divisions de ce qu’on appelloit gens : elles avoient un ayeul commun ; ainsi Cæcilius fut le chef qui donna le nom à la gens Cæcilia, & la gens Cæcilia comprit les familles des Balearici, Calvi, Caprarii, Celeres, Cretici, Dalmatici, Dentrices, Macedonici, Metelli, Nepotes, Numidici, Pii, Scipiones, Flacci, & Vittatores. Il y avoit des familles patriciennes & des plébéïennes, de même qu’il y avoit des gentes patricia & plebeïa : il y en avoit même qui étoient en partie patriciennes & en partie plébéïennes, partim nobiles,

partim novæ, selon qu’elles avoient eu de tout tems le jus imaginum, ou qu’elles l’avoient nouvellement acquis. On pouvoit sortir d’une famille patricienne, & tomber dans une plébéïenne par dégénération ; & monter d’une famille plébéïenne dans une patricienne, sur-tout par adoption. De-là cette confusion qui regne dans les généalogies romaines ; confusion qui est encore augmentée par l’identité des noms dans les patriciennes & dans les plébéïennes : ainsi quand le patricien Q. Cæpio adopta le plébéïen M. Brutus, ce M. Brutus & ses descendans devinrent patriciens, & le reste de la famille des Brutus resta plébéïen. Au contraire, lorsque le plébéïen Q. Metellus adopta le patricien P. Scipio, celui-ci & tous ses descendans devinrent plébéïens, & le reste de la famille des Scipions resta patricien. Les affranchis prirent les noms de leurs maîtres, & resterent plébéïens ; autre source d’obscurités. Ajoûtez à cela que les auteurs ont souvent employé indistinctement les mots gens & familia ; les uns désignant par gens ce que d’autres désignent par familia, & réciproquement : mais ce que nous venons d’observer suffit pour prévenir contre des erreurs dans lesquelles il seroit facile de tomber.

Famille, (Jurispr.) Ce terme a dans cette matiere plusieurs significations différentes.

Famille se prend ordinairement pour l’assemblage de plusieurs personnes unies par les liens du sang ou de l’affinité.

On distinguoit chez les Romains deux sortes de familles ; savoir celle qui l’étoit jure proprio des personnes qui étoient soûmises à la puissance d’un même chef ou pere de famille, soit par la nature, comme les enfans naturels & légitimes ; soit de droit, comme les enfans adoptifs. L’autre sorte de famille comprenoit jure communi tous les agnats, & généralement toute la cognation ; car quoiqu’après la mort du pere de famille chacun des enfans qui étoient en sa puissance, devînt lui-même pere de famille, cependant on les considéroit toûjours comme étant de la même famille, attendu qu’ils procédoient de la même race. Voyez les lois 40. 195. & 196. au ff. de verb. signif.

On entend en Droit par pere de famille, toute personne, soit majeure ou mineure, qui joüit de ses droits, c’est-à-dire qui n’est point en la puissance d’autrui ; & par fils ou fille de famille, on entend pareillement un enfant majeur ou mineur, qui est en la puissance paternelle. Voyez ci-après Fils de Famille, Pere de famille, & Puissance paternelle.

Les enfans suivent la famille du pere, & non celle de la mere ; c’est-à-dire qu’ils portent le nom du pere, & suivent sa condition.

Demeurer dans la famille, c’est rester sous la puissance paternelle.

Un homme est censé avoir son domicile où il a sa famille. ff. 32. tit. j. l. 33.

En matiere de substitution, le terme de famille comprend la lignité collatérale aussi-bien que la directe. Fusarius, de fidei-comm. quest. 351.

Celui qui est chargé par le testateur de rendre sa succession à un de la famille, sans autre désignation, la peut rendre à qui bon lui semble, pourvû que ce soit à quelqu’un de la famille, sans être astraint à suivre l’ordre de proximité. Voyez la Peyrere, lett. F. n. 1. (A)

Famille, dans le Droit romain, se prend quelquefois pour la succession & pour les biens qui la composent, comme quand la loi des douze tables dit, proximus agnatus familiam habeto. L. 195. ff. de verb fignif.

C’est aussi en ce même sens que l’on disoit partage de la famille, familiæ erciscundæ, pour exprimer le