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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/465

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four, dans une fosse faite de sable, pour y être calciné & réduit en émail, & ceux qui font la belle fayence, y mettent aussi leur couverte à calciner. Voici une bonne composition pour la fayence ordinaire, telle que celle de Nevers. Prenez 100 livres de calciné, 150 de sable de Nevers, 25 de salin. Le salin, c’est le sel de verre. Quant au calciné, c’est un mélange de 20 livres d’étain fin, & 100 livres de plomb. On met le tout ensemble dans la fournette : on calcine, & l’on a une poudre blanche jaunâtre. Il ne faut pas que la fournette soit trop chaude ; il faut seulement que la matiere y soit tenue bien liquide : on la remue continuellement avec un rable de fer, jusqu’à ce qu’elle soit réduite en poudre, & d’une couleur tirant sur celle du soufre pâle. La fournette est une espece de petit fourneau de réverbere.

La cuisson de la fayence est très-difficile : elle demande de l’expérience. On commence par allumer un petit feu dans le foyer de la bouche. La bouche est une ouverture profonde, oblongue, antérieure au four à potier, & presque de niveau avec la premiere voûte du four ; c’est proprement le foyer du four. Voyez dans la figure 21. l’endroit où le feu est allumé. L’on fume les marchandises en entretenant le feu modéré pendant 6, 7, 8, 9, 10 heures, selon la qualité de la terre dont la marchandise est faite. On augmente le feu peu-à-peu, en l’avançant vers la premiere voûte du four. Quand on croit pouvoir augmenter le feu, on le fait du degré moyen entre le plus petit & le plus violent, en mettant des buches fendues en deux, en quatre, à-travers la bouche. On entretient ce feu pendant deux ou trois heures, puis on couvre la bouche tout-à-fait. On donne grand feu, jusqu’à ce que les marchandises soient cuites, observant de ne pas conduire le feu irrégulierement, & de ne pas exciter la fougasse.

La fougasse est une grande & forte flamme excitée par un feu irrégulierement conduit & poussé avec trop de violence, qui passe subitement par les trous de la voûte, & qui gâte les marchandises. L’ignorance ou la négligence donne lieu à cet inconvénient ; il ne faut que laisser tomber le bois dans le foyer, avant que d’avoir perdu la plus grande partie de sa flamme.

On quitte le four au bout de trente ou de trente-six heures. Puis on défourne. Il y en a qui défournent en vingt ou vingt-quatre heures : c’est selon que la terre est plus ou moins dure à cuire. Quand on a défourné, on a soin de conserver les tuiles & les piliers, pour en faire encore usage. Quant aux vaisseaux fêlés, ils serviront à mettre secher la terre. Pour la bonne marchandise que l’on appelle biscuit ; on la portera à l’endroit du laboratoire, où elle doit recevoir le blanc ou l’émail.

Après avoir défourné, on descend dans la voûte d’en bas, & l’on en enleve le blanc que la grande chaleur du four en feu a calciné, & réduit en un gâteau ou masse de verre blanc comme du lait, & opaque. On rompt le gâteau avec un marteau, & on l’épluche, c’est-à-dire qu’on ôte le sable qui y est attaché ; puis on l’écrase bien menu, & on le porte au moulin (voyez fig. 22. une coupe du moulin avec son auge, sa meule, & son axe ou sa manivelle), où il y a de l’eau, selon la quantité de blanc qu’il peut contenir. On met le moulin en mouvement, & l’on y verse du blanc peu-à-peu, jusqu’à ce qu’il y en ait assez ; & l’on continue à tourner le moulin, qui est fort rude. Si le moulin est grand, on y employe cinq à six hommes pour engrener : au bout d’une heure de travail, 4 hommes suffiront, puis 3 ; puis au bout de quatre heures, un homme seul suffira. On continue ce travail jusqu’à ce que le blanc soit moulu aussi fin que la farine : pour s’assûrer s’il est assez menu, on

en prend une goutte tandis que le moulin est en mouvement ; on la laisse tomber sur l’ongle du pouce gauche, on frote avec le pouce droit ; & si l’on ne sent rien de rude, c’est signe qu’il est assez broyé. Quand on quitte le moulin ou le soir ou à dîner, on tourne la meule trois ou quatre tours avec toute la vîtesse possible, & on l’arrête tout-court : alors personne ne la touche que celui qui doit la faire aller, sans quoi on exposeroit, en tournant la roue, la matiere à se prendre & à se durcir ; on auroit ensuite beaucoup de peine à faire aller le moulin ; on seroit même quelquefois obligé d’enlever la plus grande partie de la matiere, ce qui deviendroit dispendieux par la perte du tems. On auroit de la peine à concevoir pourquoi en tournant trois ou quatre tours avec vîtesse, on empêche le blanc de se prendre. J’avois crû d’abord qu’en tournant ainsi très-rapidement, on forçoit les parties les plus fluides à se séparer des grossieres, & à monter au-dessus d’elles ; d’où cherchant ensuite à descendre, elles arrosoient continuellement ces parties grossieres, se remêloient avec elles, & entretenoient la fluidité, qui auroit cessé bien promptement, si on n’avoit pris cette précaution de les séparer & de les faire monter par un mouvement rapide. Je pensois que, si on les eût laissé mêlées, elles se seroient séparées d’elles-mêmes ; & qu’au lieu de se trouver sur les parties grossieres, elles seroient descendues au-dessous, & que les parties grossieres se seroient prises. Un homme intelligent à qui je proposai ce phénomene à expliquer, m’en donna une autre raison qui peut être meilleure. Il me dit que dans les tours rapides qu’on faisoit faire à la roue avant que d’enrayer, les matieres montoient en abondance entre la meule & l’auge ; que c’étoit cette seule abondance de matiere dont la dessication étoit lente, qui les empêchoit de prendre & de se durcir ; & que le même phénomene arrivoit à ceux qui porphyrisent les couleurs, ces ouvriers ayant d’autant plus de peine à séparer la molette du marbre, qu’il y a moins de couleur sur le marbre.

Il faut que le blanc soit fort fin, parce qu’il en sera plus beau sur la marchandise ; & que les surfaces en étant plus multipliées, il en couvrira d’autant plus de pieces. Le blanc étant bien broyé, on le vuidera du moulin dans une cuve plus grande ou plus petite, selon la quantité qu’on en aura, & le nombre des pieces à tremper : on le remuera, pour le rendre également liquide, tant au fond qu’à la surface ; s’il étoit trop épais, on le rendra fluide en y ajoûtant de l’eau. On prend ensuite une piece de biscuit, on la plonge dans le blanc, on l’en retire promptement, laissant égoutter le superflu du blanc dans la cuve : la piece trempée se sechera sur le champ, on gratera un peu le blanc avec l’ongle ; si on le trouvoit trop épais, on ajoûteroit encore de l’eau au blanc dans la cuve, & l’on remueroit comme auparavant. On feroit ensuite un nouvel essai, en trempant un autre vaisseau. On continuera de tremper les vaisseaux les uns après les autres, & on les arrangera sur la planche. Dans le cas où le blanc fût trop clair, on le laisseroit reposer, & on ôteroit ensuite le superflu de l’eau. Une observation qu’il faut faire, c’est que quand le biscuit est déjà blanc, & qu’il est bien cuit, il ne demande pas que le blanc soit si épais ; c’est le contraire si le biscuit est rouge, on se regle là-dessus. Une autre observation non moins importante, & qui peut avoir lieu dans la porcelaine, c’est que quand le biscuit est d’une extrème dureté, on prend de la terre ; on en prépare un lait d’argile, en la détrempant claire, & en donnant lieu au sable dont elle est mêlée, de tomber au fond de l’eau ; on sépare la partie la plus tendre & la plus fine, & on en donne une couche aux pieces, soit par immersion, soit à la brosse ; ce qui forme une assiette excellente à l’é-