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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/504

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soient entierement exemptes de quelque portion de ce métal : mais il se trouve sur-tout d’une façon sensible, sans cependant pouvoir en être tiré avec profit, dans l’émeril, la manganese, les mines de fer arsenicales, que les Allemands nomment Schirl, Wolfram, Eisenram ; dans la calamine, les étites ou pierres d’aigle ; dans l’argile des potiers, &c. Il en entre une portion plus ou moins grande dans les différentes pyrites. C’est le fer qui fait la base du vitriol martial, ou de la couperose ; il se trouve dans un grand nombre d’eaux minérales, & il est joint avec presque toutes les mines des autres métaux & demi-métaux, au point que l’on peut regarder la terre martiale comme une matrice de ces substances. Cependant le fer se trouve uni par préférence aux mines de cuivre ; il est très-rare de le voir joint avec les mines de plomb : mais on a observé qu’il se trouve inséparablement uni avec les mines d’or ; & il n’y a point, suivant les plus célebres naturalistes, de mines de fer qui ne contiennent un vestige de ce métal précieux. Fondés sur cette analogie, quelques-uns ont pensé que le fer pouvoit bien contribuer en quelque chose à la formation de l’or ; d’autant plus que Becher, Kunckel, & quelques autres chimistes du premier ordre, ont assûré qu’on pouvoit tirer de l’or du fer : mais c’est dans une quantité si petite, qu’elle ne doit point tenter les adeptes qui voudroient réitérer leurs expériences.

Les mines de fer se trouvent dans la terre, ou par filons, ou par lits & en couches suivies, ou par fragmens détachés que l’on nomme rognons ; on les trouve souvent dès la premiere couche de la terre ; il s’en rencontre aussi au fond de quelques lacs & marais.

On ne donnera point ici la description des travaux, par lesquels on fait passer les mines pour en tirer le fer ; on en trouvera les détails à l’article Forge qui a été fourni par un homme intelligent & expérimenté. On se contentera donc d’observer que ce travail n’est point par-tout le même. En effet quelquefois, lorsque la mine de fer a été tirée de la terre, on peut après l’avoir écrasée & lavée pour en séparer les substances étrangeres, la traiter sur le champ dans la forge, tandis qu’il y en a d’autres qu’il faut commencer par griller préalablement avant que de les laver : la mine de fer blanche d’Alvare du numéro 3 est dans ce cas ; on la fait griller pour que la pierre se gerce ; ensuite on la laisse exposée à l’air pendant quelque tems, & plus elle y reste, plus le fer qu’on en tire est doux. On est encore obligé de griller les mines de fer argilleuses qui portent des empreintes de poissons & de végétaux, comme il s’en trouve en plusieurs endroits de l’Allemagne : mais il faut sur-tout avoir soin de griller suffisamment, avant que de faire fondre les mines de fer qui sont mêlées d’arsenic, parce que l’arsenic a la propriété de s’unir si étroitement avec le fer dans la fusion, qu’il est impossible ensuite de l’en séparer, ce qui rend le fer aigre & cassant : on ne sauroit donc apporter trop d’attention à griller les mines de fer arsénicales. Il en est de même de celles qui sont chargées de soufre. On trouvera à la fin de cet article, la maniere de remédier à ces inconvéniens. Il y a des mines de fer qui pour être traitées dans le fourneau, demandent qu’on leur joigne des additions ou fondans analogues à leur nature, & propres à faciliter leur fusion, ce qui exige beaucoup d’expérience & de connoissances ; & cela varie selon les différentes mines que l’on a à traiter, & selon les différentes substances qui les accompagnent : d’où l’on voit qu’il est impossible de donner là-dessus des regles invariables, & qui puissent s’appliquer à tous les cas. Ceux qui exigeront un plus grand détail, pourront consulter Emanuel Swedenborg, de ferro, ouvrage dans lequel l’auteur a compilé presque toutes les manieres de traiter le fer,

qui se pratiquent dans les différentes parties de l’Europe.

Le fer qui vient de la premiere fonte de la mine, s’appelle fer de gueuse ; il est rarement pur & propre à être traité au marteau : cependant on peut s’en servir à différens usages, comme pour faire des plaques de cheminées, des chaudieres, &c. Mais pour lui donner la ductilité & la pureté qui conviennent, il faut le faire fondre à plusieurs reprises, & le frapper à grands coups de marteau ; c’est ce qu’on nomme affiner. Ce n’est qu’à force de forger le fer, qu’on lui donne de la ductilité, la tenacité & la douceur ; qualités qui lui sont nécessaires pour qu’il passe par les autres opérations de la forge. Voyez Forge, &c.

L’acier n’est autre chose qu’un fer très-pur, & dans lequel, par différens moyens, on a fait entrer le plus de phlogistique qu’il est possible. V. Acier, Trempe, &c. Ainsi pour convertir le fer en acier, il n’est question que d’augmenter le phlogistique qu’il contient déjà, en lui joignant, dans des vaisseaux fermés, des substances qui contiennent beaucoup de matiere grasse ; telles que de la corne, des poils, & d’autres substances animales ou végétales, fort chargées du principe inflammable. Voyez l’article Acier.

On a crû fort long-tems qu’on ne pouvoit employer que du charbon de bois pour l’exploitation des mines de fer, & que le charbon de terre n’y étoit point propre ; mais il n’y a pas long-tems qu’en Angleterre on a trouvé le moyen de se servir avec assez de succès du charbon de terre dans le traitement des mines de fer. Il faut pour cela qu’il ne contienne que très-peu, ou même point de parties sulphureuses, & beaucoup de matiere bitumineuse. Voyez Wright, dissert. de ferro, page 4.

Nous avons dit plus haut que le fer est si abondamment répandu dans le regne minéral, qu’il y a très-peu de terres & de pierres qui n’en contiennent une portion. C’est ici le lieu de rapporter la fameuse expérience de Becher. Ce chimiste prit de l’argille ou terre à potier ordinaire, dont on se sert pour faire les briques. Après l’avoir séchée & pulvérisée, il la mêla avec de l’huile de lin, & en forma des boules qu’il mit dans une cornue ; & ayant donné un degré de feu qui alloit en augmentant pendant quelques heures, l’huile passa à la distillation, & les boules resterent au fond de la cornue : elles étoient devenues noires. Après les avoir pulvérisées, tamisées & lavées, elles déposerent un sédiment noir, dont, après l’avoir séché, il tira du fer en poudre au moyen d’un aimant.

Cette expérience de Becher donna lieu à beaucoup d’autres, & l’on trouva que non-seulement l’argille, mais encore toutes les substances végétales, donnoient, après avoir été réduites en cendres, une certaine quantité d’une matiere attirable par l’aimant. C’est-là ce qui donna lieu à la fameuse question de M. Geoffroy, de l’académie royale des Sciences de Paris : s’il étoit possible de trouver des cendres des plantes sans fer ? sur quoi il s’éleva une dispute très-vive, pour savoir si le fer qu’on trouvoit dans les cendres des végétaux, y existoit réellement avant qu’elles eussent été brûlées ; ou si ce métal n’y avoit été formé que par l’incinération & la combustion du végétal.

M. Lemery le jeune soûtint le premier sentiment contre M. Geoffroy qui maintenoit le dernier, & la dispute dura pendant plusieurs années entre ces deux académiciens, comme on peut le voir dans les mémoires de l’académie royale des Sciences, des années 1704, 1705, 1706, 1707, 1708 & 1709, où l’on trouvera les raisons sur lesquelles chacun des adversaires établissoit son sentiment.

Ces deux avis ont eu chacun leurs partisans. M.