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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/518

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Fluide. Les corps fermes sont appellés plus ordinairement corps solides ; cependant ce mot solide ne me paroît pas exprimer aussi précisément la propriété dont il s’agit, pour plusieurs raisons : 1°. parce que le mot solide se prend encore en d’autres acceptions ; soit pour désigner les corps géométriques, c’est-à-dire l’étendue considérée avec ses trois dimensions ; soit pour désigner l’impénétrabilité des corps, & pour les distinguer de l’étendue pure & simple, auquel cas solide peut se dire également des corps fluides : 2°. parce que le mot solide se dit en général de tout corps qui n’est pas fluide ; soit que ce corps soit mou, soit qu’il soit dur ; & en ce sens on peut dire de la cire, de la glaise, qu’elle est corps solide, mais on ne dira pas qu’elle est un corps ferme. Le mot ferme me paroît donc devoir être préféré dans l’acception présente ; cependant l’usage a prévalu.

La fermeté des corps n’est proprement qu’une dureté plus ou moins grande ; & par conséquent la cause en est aussi inconnue que celle de la dureté. Voyez Dureté. Il faut distinguer la fermeté des corps durs proprement dits, de celle des corps élastiques. Les premiers gardent constamment leur figure, quelque choc qu’ils éprouvent ; les seconds la changent par le choc, mais la reprennent aussi-tôt. Voyez Elastique, Ressort, Percussion, &c. (O)

Ferme, s. m. (Jurispr.) dans la basse latinité firma, est un domaine à la campagne, qui est ordinairement composé d’une certaine quantité de terres labourables, & quelquefois aussi de quelques prés, vignes, bois, & autres héritages que l’on donne à ferme ou loyer pour un certain tems, avec un logement pour le fermier, & autres bâtimens nécessaires pour l’exploitation des héritages qui en dépendent.

Quelquefois le terme de ferme est pris pour la location du domaine ; c’est en ce sens que l’on dit donner un bien à ferme, prendre un héritage ou quelque droit à ferme ; car on peut donner & prendre à ferme non-seulement des héritages, mais aussi toutes sortes de droits produisant des fruits, comme dixmes, champarts, & autres droits seigneuriaux, des amendes, un bac, un péage, &c.

Quelquefois aussi par le terme de ferme. on entend seulement l’enclos de bâtimens destinés pour le logement du fermier & l’exploitation des héritages.

Les uns pensent que ce terme ferme vient de firma, qui dans la basse latinité signifie un lieu clos ou fermé : c’est pourquoi M. Ménage observe que dans quelques provinces on appelle enclos, clôture, ou closerie, ce que dans d’autres pays on appelle ferme.

D’autres tiennent que donner à ferme, locare ad firmam, signifioit assûrer au locataire la joüissance d’un domaine pendant quelque tems, à la différence d’un simple possesseur précaire, qui n’en joüit qu’autant qu’il plaît au propriétaire. On disoit aussi donner à main-ferme, dare ad manum firmam ; parce que le pacte firmabatur manu donatorum, c’est-à-dire des bailleurs : mais la main ferme attribuoit aux preneurs un droit plus étendu que la simple ferme, ou ferme muable. La main-ferme étoit à-peu-près la même chose que le bail à cens, ou bail emphitéotique. Voyez Main-Ferme & Fief-Ferme.

Spelman & Skinner dérivent le mot ferme du saxon fearme ou feorme, c’est-à-dire victus ou provisions ; parce que les fermiers & autres habitans de la campagne payoient anciennement leurs redevances en vivres & autres denrées ou provisions. Ce ne fut que par la suite qu’elles furent converties en argent ; d’où est venue la distinction qui est encore usitée en Normandie, des simples fermes d’avec les fermes blanches. Les premieres sont celles dont la redevance se paye en denrées : les autres, celles qui se payent en monnoie blanche ou argent.

Spelman fait voir que le mot fitma signifioit autrefois non-seulement ce que nous appellons ferme, mais aussi un repas ou entretien de bouche que le fermier fournissoit à son seigneur ou propriétaire pendant un certain tems & à un certain prix, en considération des terres & autres héritages qu’il tenoit de lui.

Ainsi M. Lambard traduit le mot fearm qui se trouve dans les lois du roi Canut par victus, & ces expressions reddere firmam unius noctis, & reddebat unum diem de firma, signifient des provisions pour un jour & une nuit. Dans le tems de la conquête de l’Angleterre par le roi Guillaume, toutes les redevances qu’on se reservoit étoient des provisions. On prétend que ce fut sous le regne d’Henri premier que cette coûtume commença à changer.

Une ferme peut être loüée verbalement ou par écrit, soit sous seing privé, ou devant notaire. Il y a aussi certaines fermes qui s’adjugent en justice, comme les baux judiciaires & les fermes du roi.

L’acte par lequel une ferme est donnée à loüage, s’appelle communément bail à ferme. Ce bail ne peut être fait pour plus de neuf années ; mais on peut le renouveller quelque tems avant l’expiration d’icelui. Voyez Bail.

Celui qui loue sa ferme s’appelle bailleur, propriétaire, ou maître ; & celui qui la prend à loyer, le preneur ou fermier. La redevance que paye le fermier s’appelle fermage, pour la distinguer des loyers qui se payent pour les autres biens.

Les gentilshommes laïcs peuvent sans déroger se rendre adjudicataires ou cautions des fermes du roi. Voyez ci-après Fermes du Roi. Ils peuvent aussi tenir à ferme les terres & seigneuries appartenantes aux princes & princesses du sang.

Mais il est défendu aux gentilshommes & à ceux qui servent dans les troupes du roi, de tenir aucune ferme, à peine de dérogeance pour ceux qui sont nobles, & d’être imposés à la taille.

Les ecclésiastiques ne peuvent aussi sans déroger à leurs priviléges, tenir aucune ferme, si ce n’est celle des dixmes, lorsqu’ils ont déjà quelque droit aux dixmes, parce qu’en ce cas on présume qu’ils n’ont pris la ferme du surplus des dixmes, que pour prévenir les difficultés qui arrivent souvent entre les co-décimateurs & leurs fermiers. Voyez Dixmes.

En Droit, le propriétaire des fermes des champs n’a point de privilége sur les meubles de son fermier appellés invecta & illata, à cause que les fruits lui servent de gage.

Mais la coûtume de Paris, article 171, & quelques autres coûtumes semblables, donnent au propriétaire un privilége sur les meubles pour les fermes comme pour les maisons.

Le privilége du propriétaire sur les fruits provenant de sa ferme, a lieu non-seulement pour l’année courante, mais aussi pour les arrérages précédens : néanmoins il n’est préféré aux collecteurs que pour une année.

L’héritier du propriétaire ou autre successeur à titre universel, est obligé d’entretenir le bail à ferme passé par son auteur ; le fermier, son héritier ou légataire universel, la veuve du fermier comme commune, sont aussi obligés d’entretenir le bail de leur part : ainsi le vieux proverbe françois qui dit que mort & mariage rompent tout loüage, est absolument faux.

La vente de l’héritage affermé rompt le bail à ferme, à moins que l’acquéreur ne se soit obligé de laisser joüir le fermier, ou qu’il n’ait approuvé tacitement le bail ; mais en cas de dépossession du fermier, il a son recours contre le propriétaire pour ses dommages & intérêts.

La contrainte par corps peut être stipulée pour