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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/63

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lue. Le premier mêlange s’exécute d’autant plus facilement & plus sûrement, qu’on employe moins d’esprit de nitre sur la même quantité d’esprit-de-vin, & un acide moins concentré : on a soin donc lorsqu’on n’a en vûe que l’éther même, d’observer ces circonstances. On prend, par exemple, six parties d’esprit-de-vin ordinaire ; on le met dans une très grande bouteille, eu égard à la quantité de mêlange qu’on a dessein d’y renfermer (il n’est point mal de prendre une bouteille de cinq ou six pintes pour un mêlange d’une livre & demie) ; on verse dessus peu-à-peu une partie d’esprit de nitre foible non fumant ; on ferme la bouteille avec un bon bouchon de liége ficelé avec soin, & on la place dans un lieu frais. Au bout de vingt-quatre ou trente-six heures, le mêlange qui jusqu’alors n’aura éprouvé aucune agitation intérieure sensible, subit tout d’un-coup une véritable effervescence, c’est-à-dire un mouvement violent dans ses parties, avec éructation d’air, élévation de vapeurs, &c. & elle est accompagnée de la production de l’éther, qu’on voit, l’effervescence étant cessée, surnager le reste du mélange, & qu’on sépare par les moyens indiqués pour l’éther de Frobenius.

Cette effervescence est d’autant plus prompte & d’autant plus violente, qu’on employe de l’esprit de nitre plus concentré, & de l’esprit-de-vin plus rectifié ; que la quantité de l’esprit de nitre approche davantage de celle de l’esprit-de-vin ; & que ces réactifs sont animés par un plus haut degré de châleur. M. Roüelle a éprouvé par un grand nombre de tentatives, que la plus haute proportion à laquelle on peut porter dans le mêlange l’esprit de nitre très-fumant, sans que l’effervescence eût lieu dans le tems même du mêlange, étoit celle de deux parties d’acide contre trois d’esprit-de-vin ; & cela en se rendant maître, autant qu’il étoit possible, de la troisieme circonstance du degré de chaleur, en mettant d’avance à la glace l’esprit-de-vin & l’acide, & les mêlant dans un vaisseau couvert de glace. Ce vaisseau étoit un matras d’un verre très-épais qu’on avoit cuirassé, en appliquant dessus alternativement plusieurs couches de parchemin ou de vessies collées & bien tendues, & de ficelle goudronnée & dévidée ferme, & près à près ; on bouchoit exactement ce matras, & on l’enterroit sous la glace. Malgré ces précautions, quelques heures après le mélange fait, il est arrivé plus d’une fois que le vaisseau a sauté en éclats avec une explosion aussi violente & un bruit aussi fort que celui de la plus grosse piece d’artillerie.

Tous les chimistes qui ont préparé l’esprit de nitre dulcifié, soit par la digestion seule, soit par la digestion & la distillation, ont fait de l’éther nitreux sans le savoir ; mais ils l’ont tous dissipé ou entierement, ou du moins pour la plus grande partie, comme nous le déduirons ailleurs des faits que nous venons de rapporter ici, & des méthodes ordinaires de procéder à la préparation de l’esprit de nitre dulcifié, que nous exposerons-là. Voyez Acide nitreux à l’article Nitre.

Quoi qu’il ne soit pas clair encore que l’éther nitreux soit toûjours mêlé d’un peu d’acide, cependant comme cela est très-possible, on doit, pour être plus assûré d’avoir l’éther pur, le laver avec une eau chargée d’alkali fixe, selon ce qui est prescrit dans les livres.

Les vertus médicinales de cet éther ne sont pas constatées encore par un grand nombre d’observations ; on est très-fondé à le regarder, en attendant, comme absolument analogue, à cet égard, à l’éther de Frobenius.

M. Navier a aussi obtenu de l’éther, en substituant une dissolution de fer dans l’acide nitreux, à l’acide nitreux pur, dans une expérience d’ailleurs sembla-

ble par toutes ses circonstances à celle que nous

avons rapportée au commencement de cet article. Cet éther differe de celui qui est produit par l’acide nitreux pur, en ce qu’il acquiert dans l’espace d’environ trois semaines, une couleur rouge qui est dûe à quelques particules de fer, &c. Cette derniere expérience, avec toutes ses circonstances & dépendances, n’apprend rien ; chose très-ordinaire aux expériences tentées sans vûe. (b)

ETHÉRÉ, adj. (Physique.) se dit de ce qui appartient à l’éther, ou qui tient de la nature de l’éther. Espaces éthérés, sont ceux que l’éther occupe ; matiere éthérée, est la matiere de l’éther, &c. (O)

ETHICOPROSCOPTES, Ethicoproscoptæ, (Hist. ecclés.) nom par lequel S. Jean Damascene, dans son traité des hérésies, a désigné certains sectaires qui erroient sur les matieres de Morale, & sur les choses qu’on doit faire ou éviter, blâmant des choses loüables & bonnes en elles-mêmes, & en prescrivant ou pratiquant d’autres mauvaises, ou criminelles. Ce nom au reste convient moins à une secte particuliere, qu’à tous ceux qui alterent la saine Morale, soit par relâchement, soit par rigorisme. (G)

ETHIOPIE, (Géog.) vaste contrée qui fait même la plus grande partie de l’Afrique, & celle qui s’avance davantage, tant vers l’orient que vers le midi principalement.

Les anciens reconnoissoient deux sortes d’Ethiopiens, ceux d’Asie & ceux d’Afrique. Hérodote les distingue en termes formels ; & voilà pourquoi dans les écrits de l’antiquité, le nom d’Ethiopie est commun à divers pays d’Asie & d’Afrique ; voilà pourquoi ils ont donné si souvent le nom d’Indiens aux Ethiopiens, & le nom d’Ethiopiens aux véritables Indiens. Dans Procope, par exemple, l’Ethiopie est appellée Inde. Voyez-en les raisons dans les observations de M. Freret.

Le Chusistan montre peut-être les premieres habitations des Ethiopiens, pendant que l’Inde & l’Afrique nous apprennent leurs divisions : aussi M. Huet soûtient fortement contre Bochart, que dans l’Ecriture l’Ethiopie est désignée par la terre de Chus. Voyez-en les preuves dans son histoire du paradis terrestre.

Les Grecs s’embarrassant peu de la science géographique, nommerent Ethiopiens tous les peuples qui avoient la peau noire ou basanée : c’est pour cela qu’ils appellerent les Colches Ethiopiens, & la Colchide Ethiopie. Mais Ptolomée est bien éloigné d’être tombé dans de pareils écarts : on lui doit au contraire la division la plus exacte & la plus méthodique qu’il y ait de l’ancienne Ethiopie. Voyez sa géographie, liv. IV. ch. vij. viij. & jx.

L’Ethiopie est illustre dans l’antiquité à plusieurs égards ; & comme il ne se trouve guere sous le ciel aucun peuple (ainsi qu’il n’y a presque aucune grande maison) qui ne se fasse gloire à-présent, ou qui ne se soit autrefois vanté d’être plus ancien que ses voisins, les Ethiopiens disputerent aux Egyptiens la primauté de l’ancienneté, & ils étoient fondés à la prétendre suivant M. l’abbé Fourmont. Voyez sa dissertation à ce sujet dans les Mémoires de l’académie des Belles-Lettres, tome VII.

Nos géographes ne s’accordent point sur les pays que l’on doit nommer l’Ethiopie ; il me paroît seulement que l’opinion la plus reçûe, fondée ou non, donne pour bornes à l’Ethiopie moderne la mer rouge, la côte d’Ajan & le Zanguébar à l’orient, le Monoëmugi & la Caffrerie au midi, le Congo à l’occident, la Nubie & l’Egypte au septentrion. Voyez la Méthode géographique de l’abbé Lenglet Dufresnoy.

Malgré la prodigieuse chaleur qui regne dans cette immense contrée, & malgré sa position sous la zone torride, elle est néanmoins par-tout habitée, contre