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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/643

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rougis de maniere qu’ils n’enflamment point le bois sur lequel on les passe, soit pour juger du degré de chaleur, soit pour en enlever la crasse ou les especes de scories que l’on y observe ; & la cautérisation doit être réiterée jusqu’à ce que le fond des raies marquées ait acquis & présente une couleur vive, qui approche de celle que nous nommons couleur de cerise. Une des conditions de cette opération, est d’appuyer sans force, mais également, le cautere dans toute l’étendue qu’il parcourt ; les couteaux dont se servent ordinairement les maréchaux, sont moins commodes & moins propres à cet effet que les couteaux à roulette, avec lesquels je pratique. Ceux-ci sont formés d’une plaque circulaire d’environ un pouce & demi de diametre, & de trois quarts de ligne d’épaisseur, percée dans son centre pour recevoir un clou rond qui l’assemble mobilement dans sa tige refendue par le bout, & en chappe. L’impression de cette plaque rougie & qui roule sur la partie que je cautérise, par le seul mouvement & par la seule action de ma main & de mon poignet, est toûjours plus douce, moins vive & plus égale. Les cicatrices sont encore très-apparentes lorsque l’opérateur n’a pas eu attention à la direction des poils, il ne peut donc se dispenser de la suivre, pour ne pas détruire entierement ceux qui bordent l’endroit cautérisé, & qui peuvent le recouvrir après la réunion de la plaie. J’en ménage les oignons ou les bulbes, au moyen d’une incision que je fais à la superficie de la peau, incision qui précede l’application du cautere, & par laquelle je fais avec le bistouri le chemin que doit décrire l’instrument brûlant que j’insinue dans les ouvertures longitudinales que j’ai pratiquées, & dont l’activité est telle alors, que je suis rarement obligé de cautériser à plusieurs reprises. Cette maniere d’opérer semble exiger plus de soins, vû l’emploi du fer tranchant ; mais les cicatrices qui en résultent, sont à peine sensibles au tact, & ne sont en aucune façon visibles. Leur difformité est moins souvent occasionnée par le feu, que par la négligence des palefreniers ou du maréchal, qui ont abandonné l’animal à lui-même, sans penser aux moyens de l’empêcher de mordre, de lécher, d’écorcher, de déchirer avec les dents les endroits sur lesquels on a mis le cautere, ou de froter avec le pied voisin ces mêmes endroits brûlés ; ils pouvoient facilement y obvier par le secours du chapelet, voyez Farcin, ou par celui des entraves dégagées de leurs entravons, auxquels on substitue alors un bâton d’une longueur proportionnée, qui ne permettant pas l’approche de la jambe saine, met celle qui a été cautérisée à l’abri de tout contact, de toute insulte & de tout frotement pernicieux.

M. de Soleysel fixe à vingt-sept jours la durée de l’effet du feu ; il en compte neuf pour l’augmentation, neuf pour l’état, & neuf pour le déclin. On pourroit demander à ses sectateurs, ou à ceux de ses copistes qui existent encore, ce qu’ils entendent véritablement par ce terme d’effet, & ce à quoi ils le bornent. Le restreignent-ils, comme ils le devroient, à la simple brûlure, c’est-à-dire à la simple production de l’escarre ? l’étendent-ils à tous les accidens qui doivent précéder la suppuration qui occasionne la chûte du sequestre ? comprennent-ils dans ces mêmes effets, l’établissement de cette suppuration loüable qui nous annonce une prompte régénération, & la terminaison de la cure ? Dans les uns ou dans les autres de ces sens, ils ne peuvent raisonnablement rien déterminer de certain. Le feu est appliqué sur des parties malades, tuméfiées, dont l’état differe toûjours ; les dispositions intérieures de chaque cheval sur lequel on opere, varient à l’infini : or comment assigner un terme précis aux changemens qui doivent arriver, & décider positivement du tems

du rétablissement entier de l’animal ? Ce n’est, au reste, que quelques jours après que l’escarre est tombée, qu’on doit le promener au pas & en main, pourvû que la situation actuelle de la plaie prudemment examinée avant de le solliciter à cet exercice, ne nous fournisse aucune indication contraire.

Quant à l’usage des cauteres à bouton, relativement aux tumeurs, nous devons, dans les circonstances où nous le croyons nécessaire, l’appliquer de maniere que nous puissions faire évanoüir toute dureté, tout engorgement, & que rien ne puisse s’opposer à la suppuration régénérante qui part des tuyaux sains, & de laquelle nous attendons de bonnes chairs, & une cicatrice solide & parfaite. Il est essentiel néanmoins de ne pénétrer jusqu’à la base de la tumeur, que lorsque cette même tumeur n’est pas située sur des parties auxquelles on doit redouter de porter atteinte. S’il en étoit autrement, je ne cautériserois point aussi profondément ; & dans le cas, par exemple, d’une tumeur skirrheuse placée sur une partie tendineuse, osseuse, &c. je me contenterois d’introduire le bouton de feu moins avant, sauf, lorsque le séquestre seroit absolument détaché, à détruire le reste des duretés, si j’en apperçevois, par des pansemens méthodiques & avec des cathérétiques convenables, c’est-à-dire avec des médicamens du genre de ceux dont je vais parler.

Feu mort, rétoire, cautere potentiel, caustiques, termes synonymes. Nous appellons en général des uns & des autres de ces noms, toute substance qui appliquée en maniere de topique sur le corps vivant, & fondue par la lymphe dont elle s’imbibe, ronge, brûle, consume, détruit les solides & les fluides, & les change, ainsi que le feu même, en une matiere noirâtre, qui n’est autre chose qu’une véritable escarre.

C’est par les divers degrés d’activité de ces mixtes, que nous en distinguons les especes.

Les uns agissent seulement sur la peau, les autres n’agissent que sur les chairs dépouillées des tégumens ; il en est enfin qui operent sur la peau & sur les chairs ensemble.

Les premiers de ces topiques comprennent les médicamens que nous appellons proprement rétoires, & qui dans la Chirurgie sont particulierement désignés par le terme de vésicatoires. Les seconds renferment les cathéretiques ; & ceux de la troisieme espece, les escarrotiques ou les ruptoires.

Le pouvoir des unes & des autres de ces substances résulte uniquement, quand elles sont simples, des sels acres qu’elles contiennent ; & quand elles sont composées, des particules ignées qui les ont pénétrées, ou de ces particules ignées & de leurs particules salines en même tems.

Les suites de l’application des caustiques naturels & non-préparés, doivent donc se rapporter à l’action stimulante de ces remedes, c’est-à-dire à l’irritation qu’ils suscitent dans les solides, & à la violence des mouvemens oscillatoires qu’ils provoquent ; mouvemens en conséquence desquels les fibres agacées sollicitent & hâtent elles-mêmes leur propre destruction, en heurtant avec force & à coups redoublés contre les angles & les pointes des sels dont ces mixtes sont pourvûs, & qui ont été dissous par l’humidité de la partie vivante.

A l’égard des caustiques composés, c’est-à-dire de ceux qui, par le moyen des préparations galéniques & chimiques, ont subi quelqu’altération, non-seulement ils occasionneront les mêmes dilacérations & les mêmes ruptures ensuite de la dissolution de leurs sels, s’il en est en eux, mais ils consumeront le tissu des corps sur lesquels on leur proposera de s’exercer immédiatement ; leurs particules ignées suffisamment développées, & d’ailleurs raréfiées par la cha-