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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/645

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il n’en répondra que plus promptement aux aides, il n’en aura que plus de finesse ; & lorsqu’elle le déterminera à hâter, sans en être sollicité, ses mouvemens & sa marche, elle ne sera jamais telle qu’elle lui suggere des desordres, & qu’elle l’empêche de reconnoître le pouvoir de la main qui le guide. En un mot, la vivacité ou le feu du cheval peut être tempéré, son ardeur ne peut être amortie. Pourquoi donc a-t-on jusqu’à présent confondu ces expressions ? Il n’est pas étonnant que l’on abuse des termes dans un art où l’on n’a point encore médité sur les choses. (e)

Feu, (Manége.) Accoûtumer le cheval au feu. Si la perte de la vie, & si, dans de certaines circonstances, la perte de l’honneur même du cavalier, peuvent être les suites funestes de l’emportement & de la fougue d’un animal qui, frappé de l’impression subite & fâcheuse de quelqu’objet, méconnoît aussitôt l’empire de toutes les puissances extérieures qui le maîtrisent, il est d’une importance extrème de ne négliger aucune des voies qui sont propres à donner de l’assûrance à des chevaux timides & peureux.

M. de la Porterie, mestre de camp de dragons, dans ses institutions militaires, ouvrage qui n’a paru minutieux qu’à des personnes peut-être plus bornées que les petits détails qu’elles méprisent & qu’elles dédaignent, propose des moyens d’autant plus sûrs d’accoûtumer l’animal au feu, que l’expérience a démontré l’excellence de sa méthode.

Il recommande d’abord d’en user avec beaucoup de sagesse & de patience : le succès dépend en effet de ces deux points. Il ne s’agit pas ici de vaincre & de dominer par la force un tempérament naturellement porté à l’effroi ; une terreur réitérée ne pourroit que donner aux fibres un nouveau degré de propension à celle qu’elles ont déjà ; il ne faut que les obliger insensiblement à céder & à se prêter au pli & aux déterminations qu’il est essentiel de leur suggérer.

La route que tient M. de la Porterie, est entierement conforme à ces vûes. Le bruit qui résulte du jeu des ressorts différens des armes à feu, est le premier auquel il tente d’habituer le cheval. Il fait mouvoir ces ressorts dès le matin à la porte & aux fenêtres de l’écurie, & ensuite dans l’écurie même avant la distribution de l’avoine ou du fourrage, qui est aussi précédée de l’action de flater, de caresser l’animal, & de s’en approcher avec circonspection, de maniere qu’il puisse flairer ou sentir le bassinet. Cette manœuvre répetée & continuée chaque fois qu’on doit lui présenter la ration de grain qui lui est destinée, appaise & familiarise peu-à-peu ceux qui semblent être les plus farouches, sur-tout si l’on a encore, & tandis qu’ils mangent, le soin de laisser les pistolets devant eux & dans l’auge. Alors on brûle des amorces, en observant les mêmes gradations ; & sans oublier qu’il est d’une nécessité indispensable d’accoûtumer le cheval à l’odeur de la poudre, & de le mettre par conséquent à portée de la recevoir. Des amorces on en vient aux coups à poudre ; on n’employe que la demi-charge, & les armes ne sont point bourrées. Enfin M. de la Porterie conseille de frapper de grands coups de bâtons sur les portes, pour suppléer au défaut de la quantité de munition dont les régimens auroient besoin à cet effet ; & la fréquente répetition du mot feu, pour habituer l’animal à ce commandement, qu’il redoute souvent autant que le feu même.

Telles sont les opérations qui se pratiquent dans l’écurie : celles qu’il prescrit ensuite dans le dehors, concourent au même but, & ne tendent qu’à confirmer le cheval, & à le guérir de toute appréhension. On place & l’on assûre dans un lieu convenable, des especes d’auges volantes, à l’effet d’y dé-

poser différentes portions d’avoine. On monte quelques

chevaux que l’on mene à ces auges, & devant lesquels marchent des hommes à pié qui font joüer & mouvoir les ressorts des armes dont ils sont munis ; & qui arrivés dans l’endroit fixé, les portent aux naseaux de ces animaux. Tandis qu’ils commencent à manger leur avoine, un ou deux de ces hommes à pié tournent autour d’eux, & leur font entendre de nouveau & par intervalle le bruit des ressorts. On les fait reculer encore à dix ou douze pas. Quand ils sont éloignés ainsi de l’auge, les hommes à pié s’en approchent, meuvent les chiens & les platines, pendant qu’on sollicite & qu’on presse les chevaux de se porter en-avant, & de revenir au lieu qu’ils ont abandonné ; après quoi on leur permet de manger : & on les interrompt de même plusieurs fois, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de leur ration. On les reconduit dans l’écurie & à leur place avec le même appareil ; on les y flate, on leur parle, & on leur fait sentir les armes.

C’est avec de semblables précautions & de tels procédés plus ou moins long-tems mis en usage, que l’on parvient à leur ôter entierement la crainte & l’effroi que peuvent leur inspirer les amorces & le bruit des pistolets, mousquetons ou fusils que l’on décharge. Dans la leçon qui suit immédiatement celle que nous venons de détailler, il faut seulement observer qu’aucun grain de poudre & qu’aucun éclat de la pierre n’atteignent le nez du cheval, ce qui le révolteroit, & le rendroit infiniment plus difficile à réduire & à apprivoiser ; & dans la manœuvre qui consiste à tirer des coups à poudre, les armes étant bourrées, on doit faire attention, 1° de ne point les adresser directement sous les auges, afin de ne chasser ni terre ni gravier contre ses jambes ; 2° de tenir en-haut le bout des pistolets lorsqu’on les tirera, les chevaux ayant reculé, pour que les bourres ne les offensent point & ne soient point dirigées vers eux, & à l’effet de les accoûtumer à les voir enflammées, supposé qu’elles tombent sur le chemin qu’ils ont à faire pour se rapprocher de leur avoine.

Dans les exercices, M. de la Porterie ne s’écarte point de cet ordre ; mais soit qu’il fasse tirer des pistolets non-amorcés, soit qu’il fasse brûler des amorces, soit qu’il s’agisse d’une véritable décharge de la part de deux troupes vis-à-vis l’une de l’autre, il faut toûjours faire halte pour tirer, & marcher ensuite en-avant, au lieu de faire demi-tour à droite sur le coup ; mouvement pernicieux, & auquel les chevaux ne sont que trop disposés au moindre objet qui les épouvante.

Du reste nous avons simplement ici rendu ses idées & développé ses principes, nous ne saurions en proposer de meilleurs ; & nous osons assûrer qu’il suffira de les appliquer à-propos, de s’armer de la patience qu’exige la réitération de ces leçons, & de saisir & de suivre exactement l’esprit dans lequel il pratique, pour réussir pleinement dans cette partie essentielle de l’éducation des chevaux. (e)

Feu, (marque de) Manége, Maréchal. Nous appellons de ce nom le roux éclatant quoiqu’obscur, dont est teint & coloré naturellement le poil de certains chevaux bais-brun, à l’endroit des flancs, du bout du nez & des fesses. Ce cheval, disons nous, a des marques de feu ; ces marques sont directement opposées à celle du cheval bai-brun, fessés lavées, qui est nommé ainsi, lorsque ces mêmes parties sont couvertes d’un poil jaune, mais mort, éteint & blanchâtre. (e)

Feu, (mal de feu) Maréchal. Je ne sai pourquoi les auteurs qui ont écrit sur l’Hippiatrique nomment ainsi la fievre ardente dans le cheval ; il me semble que les choses devroient tirer & prendre leur dénomination de ce qu’elles sont en effet. Voyez Fievre. (e)