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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/676

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pas en être fait ici mention d’une maniere détaillée. Voyez Irritabilité.

Composés des fibres. Après avoir traité de la fibre, de sa nature & de ses propriétés, en tant qu’elle est simple & considérée séparément des organes qui ne sont qu’un composé de fibres ; il reste à rechercher comment on peut concevoir que se forme ce composé, puisque c’est des fibres premieres, que sont construites toutes les parties consistantes du corps humain disposées à contenir, à transférer, à distribuer, à préparer, à séparer, à évacuer les différens fluides qui sont nécessaires, utiles ou inutiles à l’économie animale. Destinées à des actions purement méchaniques, les fibres par leur union différemment combinée, composent des solides, des machines & des instrumens de toute espece ; on trouve en effet dans l’inspection des parties, des filets, des cordons, des cordes, des poulies, des leviers, des colonnes, des solives, des soufflets, des canaux, des reservoirs, des sacs, des soupapes, des filtres, & plusieurs autres choses diversement figurées, qui entrent dans la construction du corps humain, & qui concourent à l’exercice de ses fonctions, à leur perfection & à son ornement.

C’est sous la forme de tuyau principalement, que les fibres unies sont employées à contenir les fluides, qui est l’usage le plus général, commun à tous les organes, à quelques fonctions qu’ils soient destinés. Les tuyaux, qui sont aussi communément appellés conduits, canaux, sont spécialement désignés par les Anatomistes sous le nom de vaisseaux ; ils les distinguent ensuite sous quatre genres principaux, savoir, d’arteres, de veines, de secrétoires & d’excrétoires, qui comprennent les vaisseaux de toutes les especes connues ; voyez Vaisseaux. De tous ces différens vaisseaux, les uns sont facilement apperçûs par les sens, les autres le sont difficilement, ou ne le peuvent être que par les secours de l’art, ou ne le peuvent pas être du tout, à cause de leur extrème petitesse ; ensorte qu’il n’en est qu’un certain nombre de ceux qui échappent à la vûe, même aidée des microscopes, qui ont pû être démontrés par les travaux singuliers & les soins industrieux de quelques célebres anatomistes, & entr’autres, par l’art admirable des injections du grand Ruysch ; on juge par analogie de ceux qui ne sont pas susceptibles d’être rendus sensibles. Il est par conséquent reçû à présent assez généralement, que toutes les parties solides du corps sont chacune formées d’un tissu de vaisseaux, depuis sur-tout qu’il a été démontré que toutes les substances des parties qui n’avoient été que grossierement anatomisées par les anciens, & que l’on avoit crû en conséquence spongieuses, parenchymateuses, ou de telle autre structure aussi éloignée de la véritable, sont réellement un composé de vaisseaux, & pour la plûpart de toutes les especes.

Cette multiplicité de vaisseaux extrèmement subtils, a donné lieu à quelques auteurs de penser, que l’on n’est pas encore parvenu à connoître tous les différens vaisseaux qui entrent dans la composition des parties du corps humain, & ensuite, que le décroissement des vaisseaux va à l’infini : mais quoique l’on accorde la premiere proposition, parce qu’il paroît en effet, que la science de l’anatomie n’est pas portée à sa perfection, & qu’il est probable qu’elle n’y atteindra jamais, bien qu’elle puisse acquérir de plus en plus de nouvelles connoissances ; on ne peut pas, sur une simple conjecture, se déterminer à admettre que la petitesse des vaisseaux n’ait point de bornes ; pendant que la raison indique au contraire qu’il y a des derniers vaisseaux, des vaisseaux au-delà desquels il n’y a pas de division ultérieure en plus petites parties contenantes : ce qui suit peut servir de démonstration pour cette assertion.

Les forces méchaniques, dans quelque machine que ce soit, & par conséquent dans le corps humain, ne sont pas infinies ; l’expérience prouve toûjours qu’elles ont un terme : la division des parties, dont sont composés les fluides, doit aussi conséquemment avoir des bornes : il y a donc des molécules de ces fluides, qui toutes petites qu’elles sont, doivent cependant être conçues d’un volume déterminé, & non pas diminué à l’infini : elles retiennent aussi un certain degré de cohésion entr’elles ; ensorte que le vaisseau destiné à les recevoir doit avoir une capacité déterminée, proportionnée à chacune de ces molécules, & non pas d’un diametre infiniment petit : d’après cette idée, on est fondé à conclure, avec juste raison ; donc il existe un dernier vaisseau d’une petitesse indéfinie, mais bornée.

Mais, puisque l’existence de ce dernier vaisseau est établie, on ne peut se le représenter que très simple ; donc la tunique ou membrane qui le compose, de la maniere qui sera bien-tôt décrite, ne doit pas être faite d’autres vaisseaux : on doit donc la concevoir construite de filamens simples, c’est-à-dire de fibres premieres, telles que l’idée en a été donnée dans cet article : il existe donc une fibre, qui n’est point vasculeuse, qui n’a point de cavité ; par conséquent ce n’est qu’un filet, sans largeur ni épaisseur divisibles, mais étendu en longueur par une suite des parties élementaires, unies les unes aux autres, selon cette derniere dimension ; c’est ce qu’il falloit établir, pour ne laisser aucun doute sur l’éxistence de la fibre élementaire ; avant de considérer comment elle est la base de la structure du corps humain.

Ce n’est que par les yeux de la raison, que l’on peut suivre la composition de cet ouvrage admirable, comme il vient d’être pratiqué pour en faire l’analyse physique : on peut donc se représenter ainsi cette composition des parties, qui résulte de l’union différemment combinée des fibres simples.

Un certain nombre de ces fibres similaires appliquées les unes à côté des autres par leurs surfaces longitudinaires, selon toute leur étendue, adhérentes les unes aux autres par le contact auquel est attachée la force de cohésion, & par quelque sorte de colle qu’on a dit avoir raison de croire de nature glutineuse, forme ainsi une espece d’étoffe sans qu’il soit besoin d’entrelacement pour ses filamens : & la preuve que cet entrelacement n’existe pas dans l’assemblage des fibres, se trouve dans la différence que l’on observe à l’égard des effets de l’humidité sur les-tissus de filets simples ou de fil de quelque nature que ce soit, comme les toiles, les cordes, & sur les organes composés de fibres animales : elle donne une sorte de rigidité à ceux-là, tandis qu’elle ramollit ceux-ci : les anatomistes donnent à ce composé ainsi conçu le nom de membrane ; nom qu’ils donnent à toute substance fibreuse ou vasculeuse, très-mince, à proportion de son étendue en longueur & en largeur. Celle dont on vient de dire qu’elle est formée de fibres élementaires, est elle-même la membrane la plus simple. Si on se la représente figurée en parallelogramme ou approchant, repliée sur elle-même, & soudée par les deux bords longitudinaux ; elle a sous cette forme le nom de tunique, & elle est dès-lors tournée en canal fermé de tous côtés, par des parois, excepté par ses deux extrémités : c’est un véritable vaisseau, propre à contenir un fluide ; mais c’est un vaisseau très simple, dont la tunique n’est formée que de parties élementaires, unies entr’elles, sous la forme de fibres & de membranes. Si l’on se représente après cela plusieurs vaisseaux de cette espece unis ensemble, selon leur longueur, pour ne former qu’un