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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/681

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éprouvent par la moindre cause de cette nature, des changemens dans leur longueur, qui augmentent celle-ci plus qu’il n’est convenable, pour l’intégrité de ces parties, tendent à leur causer la solution de continuité, ou réduisent presqu’à rien les effets qui pouvoient résulter de la continuité, tant qu’elle auroit subsisté au degré de force propre à la santé : le même vice qui fait la laxité dans les fibres par le peu de cohésion entre leurs corpuscules intégrans, fait aussi la laxité dans les parties composées des fibres, par le défaut de cohésion entr’elles ; celle-ci ne pouvant pas être connue différemment de celle des parties intégrantes des fibres même : pour la formation de celles-ci, elles sont unies en long ; pour l’union des fibres entr’elles, les parties intégrantes sont mises en large : ces corpuscules élémentaires sont les seuls moyens d’union dans la composition de toutes les parties du corps, quelque variées qu’elles soient pour la forme & pour le volume.

La cause prochaine de la laxité, tant dans les parties simples que composées, est la position trop éloignée des corpuscules intégrans des fibres entr’eux, & des fibres elles-mêmes entr’elles : ensorte que ces différentes parties sont presque hors de la sphere de la puissance qui les retient unies les unes aux autres ; ainsi, sous un volume donné, comparé à l’état naturel, il y a dans ce cas moins de corpuscules pour former les fibres, & moins de fibres pour former la partie composée quelconque ; ainsi la cause de la laxité établit en même tems le défaut de densité, puisqu’il entre moins de matiere sous forme solide dans la composition de la partie d’un volume donné : conséquemment doit-il y avoir aussi défaut de ressort, puisque c’est la multiplicité plus ou moins considérable des points de contact dans les parties intégrantes des corps, qui rend ceux-ci plus ou moins élastiques ; plus le nombre de ces points diminue, moins il y a de force de cohésion pour remettre dans leur premier état ces parties, lorsque la force qui les a écartées les unes des autres, vient à cesser ses effets.

C’est aussi de la laxité des fibres, que provient la débilité, la mollesse des parties qui en sont composées ; en effet, celles-ci sont dites foibles lorsqu’elles ne peuvent ni produire ni soûtenir les efforts nécessaires pour les actions ordinaires de la vie, auxquelles ces parties concourent : mais ces efforts ne pouvant se faire sans alonger, sans distendre les fibres, soit que ce soit des fluides qui dilatent des vaisseaux, qui en écartent les parois, soit que ce soit un muscle tiraillé par la contraction de son antagoniste, ou par sa propre tension ; pour opérer cette contraction, ces efforts tendent à la solution de continuité des fibres ; dans tous ces cas, cet effet sera produit d’autant plus aisément, qu’il y aura moins de résistance de la part de la force cohésive, ou tout au moins la distension lorsqu’elle n’est pas poussée jusqu’à causer la rupture, fait-elle perdre presque toute l’élasticité aux fibres ; parce que la force distendante tend à éloigner de plus en plus les parties intégrantes les unes des autres, à les tirer de la sphere de cohésion.

On appelle mous, les corps solides dont les parties sont aisément déplacées par la pression, sans cesser d’être continues : la laxité ne peut qu’augmenter la flexibilité des fibres, jusqu’à la rendre défectueuse à proportion que ce premier vice est plus considérablement établi ; cela suit de tout ce qui vient d’être dit : par conséquent les parties composées de fibres ainsi trop flexibles, doivent être d’une trop grande mollesse.

Les causes qui disposent à ces différens vices provenant de la laxité des fibres, sont la disposition héréditaire dans certaines familles, qui consiste dans une délicatesse d’organes, dépendante du trop peu de résistance des fibres, à se laisser distendre outre me-

sure ; l’habitude ou l’usage de se nourrir d’alimens de

bon suc, mais de qualité à humecter, pris en grande quantité avec la faculté de les bien digérer, joints à cela sur-tout le défaut d’exercice, la résidence dans un climat chaud & humide, tout ce qui peut avoir rapport à ces circonstances, tout ce qui tend à faire surabonder les fluides dans le corps humain, qui empêche ou ne favorise pas la dissipation de leur superflu, qui fait séjourner les sucs aqueux, huileux, dans les vaisseaux simples, ensorte qu’il s’en introduise des molécules entre les parties intégrantes des fibres & entre les fibres même ; que ces molécules interposées écartent celles-là, en diminuent la cohésion, s’insinuent entre celles-ci, empêchent qu’elles se touchent entr’elles, de maniere que le contact qui se faisoit par des surfaces linéaires, ne se fasse plus que par des points entre ces molécules sphériques & les fibres : d’où il arrive que la solidité des parties qui en sont composées, diminue en raison directe de la diminution du contact, & par conséquent de la cohésion ; c’est ce qu’on observe bien sensiblement a l’égard des cuirs macérés dans l’eau, de l’effet des bains sur la peau, de la putréfaction commençante, qui ne peut jamais se faire qu’à la faveur de l’humidité, &c.

Tout ce qui peut contribuer à diminuer les forces ambiantes qui servent à presser tout le corps en général (comme la chaleur de l’air ou la diminution de son poids, ainsi qu’on l’observe sur les animaux mis dans un four chaud, dans la machine du vuide) ; tout ce qui tend à affoiblir les puissances qui peuvent comprimer les vaisseaux simples, susceptibles de s’oblitérer, d’être convertis en fibre composée ; enfin tout ce qui peut rendre imparfait l’ouvrage de la nutrition, empêcher l’assimilation des parties destinées à réparer les pertes, les abrasions des solides, corrompre la qualité des humeurs plastiques, susceptibles de s’épaissir, de se durcir dans certains petits vaisseaux, & de les convertir par-là d’une autre maniere, en partie plus solide, en fibre composée : telles sont en général les différentes causes qui peuvent établir la laxité, la débilité des fibres ; on peut en tirer aisément toutes les conséquences particulieres qui peuvent avoir rapport à ce sujet ; on peut se rendre facilement raison d’après ces principes, de tous les phénomenes, de tous les effets de ce genre de vice des fibres.

Ces effets sont différens, selon les différentes fonctions des parties qui pechent ; ainsi la laxité dans les fibres musculaires, dans les organes du mouvement volontaire, produit la difficulté de mettre en jeu les membres, de soûtenir les fatigues du corps, de se livrer à l’exercice, au travail, de marcher, de porter des fardeaux, & de faire des efforts de quelque espece que ce soit, rend tout le corps affaissé, les muscles disposés à la paralysie ; & cette disposition est proportionnée au degré du vice, qui l’entretient dans les fibres nerveuses : ce vice produit la foiblesse de l’esprit, la stupidité, l’insensibilité de l’ame, en un mot la diminution & l’abolition même de la faculté que ces fibres ont de procurer le sentiment & le mouvement aux parties auxquelles elles se distribuent. Voyez Paralysie. Dans les membranes, la laxité produit le relâchement, la distensibilité ; d’où peuvent s’ensuivre les hernies de toute espece, les luxations, &c. Dans les fibres vasculeuses, la laxité produit des tumeurs enkistées, anévrysmales ; variqueuses. Dans les fibres osseuses, ce vice produit le défaut de fermeté, de dureté dans les os ; la disposition à ce qu’ils se renflent, deviennent difformes, se courbent, se ramollissent : d’où s’ensuit la difficulté à soûtenir le corps debout, sur son séant, élevé, & même l’immobilité totale.

Passons au second genre des principaux vices qui