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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/697

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pas assez éminent pour être dieu du ciel, & l’étant trop pour être simple dieu de la terre.

Mais ce qui rend le choix difficile entre tant d’opinions, c’est que chacun des auteurs qui les soûtiennent, a ses autorités ; & que dans ce grand nombre de diverses leçons, il n’y en a point qui ne soit fondée sur de vieux manuscrits & sur d’anciennes inscriptions.

Au reste, si nous en croyons des critiques dignes de foi, la ressemblance qui se trouve entre les mots semo & simo, fit tomber S. Justin le martyr dans une grande erreur ; ce pere grec, mal instruit de ce qui regardoit la langue & les usages des Romains, s’imagina sur quelques inscriptions de semo-sancus, qu’il s’agissoit de ces sortes de monumens de Simon le magicien : de sorte que dans cette idée il chargea les Romains de n’avoir point de honte d’admettre parmi leurs dieux un imposteur avéré ; & cette méprise de Justin martyr passa dans les écrits de plusieurs autres peres de l’église, dit M. l’abbé Massieu.

Si jamais un dieu mérita des temples, c’est le dieu Fidius ; aussi en avoit-il plusieurs à Rome : l’un dans la treizieme région de la ville ; un autre qui étoit appellé ædes dii Fidii sponsoris, temple du dieu Fidius sponsor, c’est-à-dire garant des promesses ; & un troisieme situé sur le mont Quirinal, où l’on célebroit la fête de ce dieu le 5 Juin de chaque année. Ovide dit au sujet de ce dernier temple, qu’il étoit l’ouvrage des anciens Sabins, Fast. liv. VI. v. 217. Denys d’Halycarnasse assûre au contraire positivement que Tarquin le Superbe l’avoit bâti, & qu’environ quarante ans après la mort de ce roi, Spurius Posthumius étant consul, en fit la dédicace.

Mais sans examiner qui a raison du poëte ou de l’historien, & sans chercher à les concilier, il est toûjours certain que quel que fût le dieu Fidius, ou Jupiter vengeur des faux sermens, ou Hercule son fils, ou tout autre, & de quelque maniere qu’on l’appellât, ce dieu présidoit à la sainteté des engagemens. On lui donnoit par cette raison pour compagnie, l’honneur & la vérité. Un ancien marbre qui existe encore à Rome, en fait foi ; il représente d’un côté sous une espece de pavillon, un homme vêtu à la romaine, près duquel est écrit honor, & de l’autre côté une femme couronnée de laurier, avec cette inscription, veritas ; ces deux figures se touchent dans la main ; au milieu d’elles est représenté un jeune garçon d’une figure charmante, & au-dessus on lit dius fidius. Voilà une idée bien noble & bien juste ! ne seroit-elle gravée que sur le marbre ?

Après ce détail, on sera maître de consulter ou de ne pas consulter Festus & Scaliger sur Denys d’Halycarnasse ; Vossius de idolol. lib. I. cap. xij. lib. VIII. cap. xiij. Struvius antiq. Rom. synt. cap. j. les Dictionnaires de Pitiscus & de Martinius, &c. Au reste la fidélité étoit une divinité différente du dieu Fidius ; ou pour mieux dire, les Romains avoient un dieu & une déesse qui présidoient à la bonne foi, à la sûreté des engagemens & des promesses. Voyez donc Fidélité. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

FIDUCIAIRE, s. m. (Jurisprud.) se dit d’un héritier ou légataire, qui est chargé par le défunt de rendre à quelqu’un la succession ou le legs, en tout ou partie. Voyez Fiducie, Fidéicommis, Héritier fiduciaire, Substitution. (A)

FIDUCIE, s. f. (Jurispr.) fiducia seu pactum fiduciæ, étoit chez les Romains une vente simulée faite à l’acheteur, sous la condition de retrocéder la chose au vendeur au bout d’un certain tems.

Ce terme fiducia, qui est fort commun dans les anciens livres, ne se trouve point dans tout le corps de droit, du moins pour signifier un gage.

L’origine de ce pacte vint de ce qu’on fut long-tems à Rome, sans connoître l’usage des hypotheques ; de

sorte que pour pouvoir engager les immeubles aussi bien que les meubles, on inventa cette maniere de vente simulée appellée fiducia, par laquelle celui qui avoit besoin d’argent, vendoit & livroit, par l’ancienne cérémonie de la mancipation, son héritage à celui qui lui prétoit de l’argent, à condition néanmoins que celui-ci seroit tenu de lui vendre & livrer l’héritage avec la même cérémonie, lorsqu’il lui rendroit ses deniers. Fiducia contrahitur, dit Boëce sur les topiques de Cicéron, cum res alicui mancipatur, ea lege ut eam mancipanti remancipes est quæ remancipatio fiduciaria, cum restituendi fides interponitur.

Le créancier ou acheteur fiduciaire, avoit coûtume de prendre pour lui les fruits de l’héritage.

Ces ventes fiduciaires étoient si communes anciennement chez les Romains, que parmi le petit nombre de formules qu’ils avoient pour les actions, il y en avoit une exprès pour ce pacte, appellée judicium fiduciæ, dont la formule étoit, inter bonos bene agies, & sine fraudatione, dit Cicéron, au troisieme de ses offices. Ce jugement étoit, dit-il, magnæ existimationis, imo étiam famosum. Voyez Orat. pro Ros. com. & pro cœcinnâ.

Mais depuis que les engagemens & même les simples hypotheques conventionnelles des immeubles furent autorisées, on n’eut plus besoin de ces ventes simulées, ni de ces formalités de mancipations & de rémancipations, dans lesquelles il y avoit toûjours du hasard à courir, au cas que l’acheteur fiduciaire fût de mauvaise foi.

Les peres qui vouloient mettre leurs enfans hors de leur puissance, les vendoient aussi autrefois, titulo fiduciæ, à quelqu’un de leurs amis, qui à l’instant leur donnoit la liberté ; ce qui s’appelloit émancipation. Mais Justinien, par une de ses constitutions qui étoit redigée en grec & qui est perdue, ordonna que toutes les émancipations seroient censées faites contractâ fiduciâ. Il en est fait mention dans la loi derniere, au code de emancipat. liber. Voyez Cujas, sur le §. 8. des instit. lib. III. tit. iij. & Loyseau, des offic. liv. II. ch. iij. n. 31. & suiv. (A)

* FIDUCIELLE, (Ligne) Horlog. c’est le point d’un limbe divisé par degrés, par lequel passe une ligne perpendiculaire à l’horison. Ainsi le point fiduciel dans une oscillation de pendule, est le plus bas de sa descente.

FIEF, s. m. (Droit politiq. Hist. littér.) Un fief étoit, dans son origine, un certain district de terrein possédé par un leude, avec des prérogatives inhérentes à ce don, ou à cette possession qui étoit amovible. Mais du tems de Charlemagne & de Lothaire I. il y avoit déjà quelques-uns de ces sortes de biens qui passoient aux héritiers, & se partageoient entre eux : ensuite les fiefs devinrent héréditaires ; & pour lors leur hérédité jointe à l’établissement général des arriere-fiefs, éteignirent le gouvernement politique, & formerent le gouvernement féodal.

Je n’ai pas dessein de traiter ici de nos fiefs modernes ; je me propose d’envisager cette matiere sous une face plus générale, plus noble, & j’ose ajoûter, plus digne de nos regards. Quel spectacle singulier que celui de l’établissement des fiefs ! « Un chêne antique s’éleve, l’œil en voit de loin les feuillages ; il approche, il en voit la tige, mais il n’en apperçoit point les racines, il faut percer la terre pour les fouiller ». C’est la comparaison d’un des beaux génies de notre siecle (Esprit des Lois, tome III.), qui après avoir découvert les racines de ce chêne antique, l’a représenté dans son vrai point de vûe.

L’origine des fiefs vient de l’invasion des peuples du Nord en occident & en orient. Personne n’ignore l’évenement qui est une fois arrivé dans le monde, & qui n’arrivera peut-être jamais ; je veux parler de l’irruption des nations septentrionales, connues sous le