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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/736

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tenues dans les premieres voies, les saignées proportionnées à l’irritation, les émétiques, les purgatifs, les lavemens, & une boisson délayante très-abondante, sont les remedes les plus prompts & les plus sûrs pour enlever la cause de cette maladie : souvent on est obligé de faire vomir & de purger plusieurs fois, pour détacher & évacuer totalement cette matiere, qui, quoiqu’en petite quantité, peut encore causer des irritations douloureuses ; ainsi, ce n’est pas uniquement par la quantité des matieres que les émétiques ou les purgatifs évacuent, qu’on doit juger de la nécessité de répéter les purgations ; c’est encore par l’irritation qui excite le flux de ventre, & qui marque la mauvaise qualité de la matiere irritante ; aussi arrive-t-il souvent, comme le dit Sydenham, que de très-petites évacuations, procurées par l’art, ont été suivies d’un soulagement remarquable.

Les lavemens à demi-dose de liquide, rendus purgatifs, en y doublant ou triplant la dose des purgatifs, à laquelle on prescrit ces purgatifs intérieurement, sont employées avec succès. On doit avoir recours aux narcotiques ou calmans, après chaque purgation ; sur-tout lorsque l’irritation est un peu remarquable : & quand elle fait craindre l’inflammation, on ne doit pas négliger les saignées. Lorsque la matiere irritante réside seulement dans les premieres voies, la méthode que nous venons d’exposer, a un succès plus prompt que dans le cas suivant.

Si c’est la bile retenue dans la vésicule qui est dépravée, & qui entretient le flux de ventre, on ne peut guere enlever cette cause que par le secours des émétiques, qui en excitant le vomissement, compriment la vésicule de la bile, & expulsent cette humeur dans les intestins, d’où elle est évacuée par le vomissement & par la voie des selles. On doit en différens jours répeter les émétiques, soit le tartre stibié, soit l’ipécacuanha, tant que l’on apperçoit dans les évacuations une bile fort jaune, ou verte, ou brune, ou sanguinolente ; car elle est par elle-même un signe manifeste de la véritable cause de l’irritation & de la diarrhée. Si elle est fort irritante, les lubréfians, le petit-lait, la décoction de pruneaux, les aigrelets, sont indiqués pour en corriger l’acrimonie, en attendant que l’on soit parvenu à l’évacuer totalement. On peut aussi. dans la même vûe, ordonner le petit-lait pour boisson ordinaire.

Les farineux & les absorbans qui ne sont pas astringens, telles que les poudres de coquilles d’œufs & d’yeux d’écrevisses, mêlés avec le nitre, peuvent être aussi de quelque utilité ; mais le principal objet de la cure consiste à obtenir, par les vomitifs, l’évacuation complette de la bile irritante, sur-tout de celle qui est dépravée dans la vésicule ; il ne faut pas négliger de prescrire, entre les purgations, l’usage des parégoriques, afin de modérer l’irritation de la cause de la maladie, & de s’opposer au spasme, qui peut être excité par les évacuations. Voyez Fievre bilieuse.

Les mauvaises déjections qu’on observe dans ces diarrhées fébriles, indiquent la nécessité de réitérer les purgations ; mais dans ce cas, il faut prendre garde si la diarrhée n’est point spasmodique, afin d’appaiser le spasme qui en est la cause ; quelquefois encore les inflammations des visceres du bas-ventre produisent de pareilles diarrhées, & il faut convenir que ces différentes causes sont difficiles à démêler sans beaucoup d’attention & de discernement.

Si le flux de ventre dans cette espece de fievre est procuré par une cause irritante, répandue dans la masse des humeurs qui se mêlent avec la bile filtrée par le foie, & avec les sucs qui passent par les couloirs de l’estomac & des intestins, les purgatifs &

les vomitifs sont encore indiqués, parce que la bile de la vésicule du fiel est chargée de l’hétérogene qui entretient le flux de ventre, & que ce réservoir seroit une source intarissable qui perpétueroit la diarrhée fébrile : mais cette source seroit difficile à détruire, si on ne s’appliquoit pas à détourner vers d’autres voies l’hétérogène répandu dans la masse des humeurs : ainsi, outre les émétiques & les purgatifs, les diurétiques & les diaphorétiques peuvent être employés utilement avec les premieres purgations.

L’usage des narcotiques, mêlés aux diaphorétiques, est très-avantageux, parce que les narcotiques facilitent par eux-mêmes la transpiration, & moderent l’irritation des premieres voies ; ainsi ils contribuent beaucoup avec les diaphorétiques, à procurer une diversion favorable.

On redoute les astringens dans les premiers tems de ces diarrhées fébriles ; mais lorsqu’elles trainent en longueur, & qu’on a employé avec discernement les remedes dont nous venons de parler, ils ont souvent un très-bon succès, même dans les dyssenteries opiniâtres : le plus sûr, lorsqu’on a recours à ces remedes, est de prescrire d’abord les astringens absorbans, qui favorisent la transpiration ; tels sont le diaphorétique minéral, la corne de cerf préparée, &c. ces remedes adoucissent dans les premieres voies l’acrimonie des sucs qui y abordent, & y agissent par leur astriction : ainsi ils peuvent, par cette double propriété, modérer & même arrêter le flux de ventre : mais quand ils ne réussissent pas, on peut ensuite recourir à de plus forts astringens, comme à l’acacia nostras, le sumac, & les autres austeres ou acorbes du regne végétal.

Si la fievre diarrhétique persiste après que le flux de ventre est cessé, elle se termine ordinairement par une espece de coction, qui procure la dépuration de la masse des humeurs : cependant il faut être attentif au caractere de la maladie ; car si les symptomes manifestent une malignité ou une acrimonie capable de causer du desordre dans les solides, on doit être circonspect sur l’emploi des astringens ; il y a pour lors beaucoup plus de sûreté après l’usage des purgatifs & des vomitifs, de se fixer aux autres évacuans qui peuvent terminer le flux de ventre par diversion.

Observation de pratique. Les diarrhées fébriles causées par l’inflammation des visceres de l’abdomen, sont accompagnées d’une chaleur fort ardente : le flux de ventre & la puanteur des déjections peuvent se trouver ensemble ; mais un tel flux de ventre cesse ordinairement par l’évacuation des matieres corrompues, pourvû qu’il n’y ait point de colliquation putride : le flux de ventre causé par la bile dépravée, est ordinairement douloureux, & les évacuations moins fétides : ces évacuations sont fort séreuses & peu fétides dans les flux de ventre occasionnés par un hétérogène irritant. La diarrhée produite par une colliquation putride des humours, persiste pour l’ordinaire fort long-tems, malgré les purgations : on comprend donc assez par cette diversité de causes des fievres diarrhétiques, que dans ce genre de maladie, on ne peut juger du danger, ni tirer des indications sûres, qu’autant qu’on peut démêler & distinguer ces différentes causes : ainsi les présages des medecins, qui ne sont établis que sur les qualités des évacuations, doivent être fort incertains ; mais en les réunissant à d’autres signes plus instructifs, on découvre le cas où ils sont conformes aux décisions de ces maîtres. Voyez M. Quesnay dans son traité des fievres.

Fievre chronique, voyez Fievre lente.

Fievre colliquative ; fievre ainsi nommée quand elle est accompagnée de la colliquation des