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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/743

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dans la tête, l’altération dans la voix, l’inégalité de la fréquence du pouls, la sécheresse d’une peau brûlante, l’abattement des esprits, les tremblemens de mains, souvent des taches pétéchiales, quelquefois des sueurs froides & des diarrhées non critiques.

Enfin l’insomnie, le coma vigil arrivent, le visage devient blême, le regard sombre, les yeux sont enflammés & boüeux, le délire s’allume, l’oüie se perd, la langue tremble, les tendons sont attaqués de soubresauts, subsultibus, la vûe se trouble, les déjections sont colliquatives & d’une odeur cadavéreuse, le froid s’empare des extrémités, les convulsions emportent le malade.

La durée de cette scène est fort incertaine, car elle finit quelquefois en 5 ou 6 jours, d’autres fois en 14 ou 21 ; quelquefois cette fievre se transforme en hectique, & d’autres fois elle se termine en suppuration des parotides.

Prognostics. Ceux qui ont été affoiblis par des maladies précédentes, ou qui ont été guéris par la salivation, sont plus susceptibles d’infection que d’autres. Les femmes y sont moins exposées que les hommes, & en échappent plus aisément, mais la guérison ne préserve personne de la rechûte. Les plus mauvais signes sont ceux du troisieme période de cette maladie, ils annoncent presque toûjours la mort.

Cure. La cure demande d’être variée suivant l’état & les périodes de la fievre. On peut employer dans le commencement avec succès les atténuans, les sudorifiques & les anti-putrides ; la saignée devient seulement nécessaire si le malade est pléthorique. La transpiration veut être toûjours entretenue. Dans le second état, la saignée est pernicieuse, & les vomitifs inutiles. Les diaphorétiques legers sont toûjours convenables ; les tisanes doivent être acidulées d’esprit-de-soufre ou de vitriol ; le vin de Canarie mêlé dans du petit-lait, fournit une des meilleures boissons, & des plus propres à procurer une heureuse crise.

Dans le troisieme état, la medecine n’offre presque d’autre secours, que de tâcher de ranimer & de soûtenir les forces de la nature, ce qu’on peut essayer par des liquides visqueux, aromatiques ; l’esprit-de-corne de cerf donné de tems en tems, & par la poudre de contrayerva, réunie à une legere teinture de l’écorce du Pérou ; la diarrhée doit être modérée & non supprimée. Le délire demande l’application des vésicatoires & des sinapismes. Dans la suppuration des parotides, on ouvrira l’abcès aussi-tôt qu’il sera formé. En cas du rétablissement du malade, après avoir nettoyé les premieres voies, on employera les corroborans, les stomachiques, le quinquina, l’exercice, & sur-tout le changement d’air.

La partie fondamentale de la méthode curative, est d’éloigner le malade du mauvais air. Quand cela n’est pas possible, il faut purifier l’air qu’il respire par le feu, la fumée de vinaigre, les bayes de genievre, & autres semblables, ensuite renouveller cet air très souvent jour & nuit, tenir les rideaux des lits ouverts, & séparer les malades ; sans ces moyens préliminaires, il y a peu d’espérance de parvenir à leur rétablissement. Voyez l’excellent chapitre que M. Pringle a fait de cette fievre maligne, dans ses observations sur les maladies d’armées.

Fievre horrifique, phricodes febris, fievre accompagnée de frissons & de tremblemens plus ou moins longs, lesquels frissons & tremblemens sont une affection morbifique rarement séparée de la fievre.

Leur cause prochaine. Les frissons montrent qu’il y a une stagnation des fluides dans les extrémités, avec une moindre contraction du cœur ; le tremblement marque une alternative de tension & de relâchement dans les muscles en peu de tems & involontairement,

de sorte que la circulation du liquide artériel & du suc nerveux est tantôt continuée & tantôt interrompue. Quelquefois ces deux symptomes sont causes par l’engorgement spasmodique du cerveau, qui porte le desordre dans tout le genre nerveux. Si le froid & le tremblement sont violens & de longue durée, ils forment des obstacles à la circulation des humeurs, & produisent les vices qui en sont les suites.

Cure. La méthode curative consiste à rétablir l’égalité de la circulation & celle de la pression du sang artériel & des esprits, de l’un contre les parois des arteres, & des autres sur les fibres motrices : c’est ce qu’on peut faire au commencement de la fievre dans laquelle ces deux symptomes de frissons & de tremblement se trouvent trop violens, en employant les remedes qui dissipent la lenteur, tels que sont des boissons d’eau chaude nitrée, avec un peu de miel & de vin, les lotions des liqueurs spiritueuses & nervines, les fomentations faites avec ces mêmes liqueurs, & les legeres frictions par tout le corps, On y joindra les corroborans & les fortifians.

Observations de pratique. On doit regarder en général les frissons, les horripulations, les tremblemens souvent répétés, comme des états convulsifs fort desavantageux dans le cours des fievres continues, parce qu’ils affectent beaucoup l’action du cœur & des arteres, & dérangent le méchanisme de la coction, comme on le remarque aisément par le changement qui arrive alors dans les urines. Les frissons & les tremblemens qui succedent à la sueur, sont d’autant plus dangereux, qu’ils marquent que la sueur elle-même n’est qu’un mauvais symptome de la maladie. Enfin les tremblemens convulsifs sont de mauvais présage dans le tems du frisson critique des fievres continues, lorsqu’ils sont suivis de chaleurs passageres qui s’entre-succedent alternativement. Voyez Hippocrate.

Fievre humorale, fievre causée & entretenue par une matiere hétérogene quelconque, dispersée dans la masse des humeurs circulantes.

On est porté à admettre ces sortes de fievres, si l’on considere qu’une matiere acre introduite dans nos humeurs, & qui circule avec elles dans les arteres, peut irriter immédiatement les membranes de ces vaisseaux, & y produire la fréquence de vibrations que nous nommons fievre.

La cause des fievres humorales est évidente par les effets mêmes des matieres irritantes qui passent dans les voies de la circulation. Les inspections anatomiques de cadavres où l’on ne découvre aucun vice des parties, donnent lieu de croire que la fievre & autres accidens qui pouvoient l’accompagner, ne survenoient pas d’une irritation locale ; d’où l’on juge qu’il faut les attribuer à une cause errante, dispersée dans la masse des humeurs. Le déletere de la petite vérole, ce principe de la fievre dans cette maladie, & souvent de beaucoup de desordres avant l’éruption, est certainement errant & dispersé ; l’éruption qui en résulte par tout le corps, & qui apporte ensuite le calme, en est une preuve manifeste.

Cet exemple, & plusieurs autres qu’il seroit inutile d’alléguer, ne permettent pas de douter de l’existence des causes humorales, qui, livrées au torrent de la circulation, peuvent susciter la fievre. C’est aussi ce qu’on voit arriver tous les jours dans les fievres qui commencent par des frissons & des tremblemens considérables, car alors le premier effet de l’hétérogene errant est d’exciter avec la fievre, un spasme qui domine sur elle, & qui en suspend presque tous les phénomenes.

Ce spasme mérite notre attention, 1°. parce qu’il dénote un caractere irritant ; 2°. parce qu’il s’oppose souvent aux opérations salutaires de la fievre, qui tend à la guérison du malade ; 3°. parce qu’il arrête