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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/767

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applatie, selon la disposition & la densité des couches : il prouve que les couches ne doivent pas être semblables, si elles sont fluides ; que les accroissemens de la pesanteur de l’équateur au pole, doivent être proportionnels au quarré des sinus de latitude, comme dans le sphéroide homogene ; proposition très remarquable & très-utile dans la théorie de la Terre : il prouve de plus que la Terre ne sauroit être plus applatie que dans le cas de l’homogénéité, savoir de  ; mais cette proposition n’a lieu qu’en supposant que les couches de la Terre, si elle n’est pas homogene, vont en augmentant de densité de la circonférence vers le centre ; condition qui n’est pas absolument nécessaire, sur-tout si les couches intérieures sont supposées solides ; de plus, en supposant même que les couches les plus denses soient les plus proches du centre, l’applatissement peut être plus grand que , si la Terre a un noyau solide intérieur plus applati que . V. la III. part. de mes Recherches sur le système du monde, p. 187. Enfin M. Clairaut démontre, par un très-beau théoreme, que la diminution de la pesanteur de l’équateur au pole, est égale à deux fois (applatissement de la Terre homogene) moins l’applatissement réel de la Terre. Ce n’est là qu’une très-legere esquisse de ce qui se trouve d’excellent & de remarquable dans cet ouvrage, très-supérieur à tout ce qui avoit été fait jusque-là sur la même matiere. V. Hydrostatique, Tuyaux capillaires, &c.

Après avoir refléchi long-tems sur cet important objet & avoir lû avec attention toutes les recherches qu’il a produites, il m’a paru qu’on pouvoit les pousser encore beaucoup plus loin.

Jusqu’ici on avoit supposé que dans un fluide composé de couches de différentes densités, les couches devoient être toutes de niveau, c’est-à-dire que la pesanteur devoit être perpendiculaire à chacune de ces couches. Dans mes réflexions sur la cause des vents 1746, article 86. j’avois déjà prouvé que cette condition n’étoit point absolument nécessaire à l’équilibre, & depuis je l’ai démontré d’une maniere plus directe & plus générale, dans mon essai sur la résistance des fluides 1752, articles 167. & 168. Dans le même ouvrage, depuis l’art. 161. jusque & compris l’art. 166. j’ai prouvé que les couches concentriques & non semblables de ce même fluide, ne devoient pas non plus être nécessairement de la même densité dans toute leur étendue, pour que le fluide fût en équilibre ; & j’ai présenté, ce me semble, sous un point de vûe plus étendu qu’on ne l’avoit fait encore, & d’une maniere très-simple & très-directe, les équations qui expriment la loi de l’équilibre des fluides. (Voyez à l’article Hydrostatique un plus grand détail sur ces différens objets, & sur quelques autres qui ont rapport aux lois de l’équilibre des fluides, & à d’autres remarques que j’ai faites par rapport à ces lois). Enfin dans l’art. 169. du même ouvrage, j’ai déterminé l’équation des différentes couches du sphéroïde, non-seulement en supposant, comme on l’avoit fait avant moi, que ces couches soient fluides, qu’elles s’attirent, & qu’elles aillent en diminuant ou en augmentant de densité, suivant une loi quelconque, du centre à la circonférence, mais en supposant de plus, ce que personne n’avoit encore fait, que la pesanteur ne soit point perpendiculaire à ces couches, excepté à la couche supérieure ; je trouve dans cette hypothèse une équation générale, dont celles qui avoient été données avant moi, ne sont qu’un cas particulier ; il est à remarquer que dans tous les cas où ces équations limitées & particulieres peuvent être intégrées, les équations beaucoup plus générales que j’ai données, peuvent être intégrées aussi ; c’est ce qui résulte de quelques recherches particulieres sur le calcul intégral, que j’ai publiées dans les mém. de l’Acad. des Sciences de Prusse de 1750.

Néanmoins dans ces formules généralisées, j’avois toûjours supposé la Terre elliptique, ainsi que tous ceux qui m’avoient précédé, n’ayant trouvé jusqu’alors aucun moyen de déterminer l’attraction de la Terre dans d’autres hypothèses ; mais ayant fait de nouveaux efforts sur ce problème, j’ai enfin donné en 1754, à la fin de mes recherches sur le système du monde, une méthode que les Géometres desiroient, ce me semble, depuis long-tems, pour trouver l’attraction du sphéroïde terrestre dans une infinité d’autres suppositions que celle de la figure elliptique. J’ai donc imaginé que l’équation du sphéroïde fût représentée par celle-ci, , &c. r’ étant le rayon de la Terre à un lieu quelconque, le demi-axe de la Terre, le sinus de la latitude, , &c. des coefficiens constans quelconques ; & j’ai trouvé l’attraction d’un pareil sphéroïde. Cette équation est infiniment plus générale que celle qu’on avoit supposée jusqu’alors ; car dans la Terre supposée elliptique, on a seulement .

J’ai tiré de la solution de cet important problème de très-grandes conséquences dans la troisieme partie de mes recherches sur le système du monde, qui est sous presse au moment que j’écris ceci (Mai 1756), & qui probablement aura paru avant la publication de ce sixieme volume de l’Encyclopédie. J’ai fait voir de plus que le problème ne seroit pas plus difficile, mais seulement d’un calcul plus long, dans l’hypothese de l’attraction proportionnelle non-seulement au quarré inverse de la distance, mais à une somme quelconque de puissances quelconques de cette distance ; ce qui peut être très-utile dans la recherche de la figure de la Terre, lorsqu’on a égard à l’action que le soleil & la lune exercent sur elle, ou (ce qui revient au même) dans la recherche de l’élévation des eaux de la mer par l’action de ces deux astres ; voyez Flux & Reflux : j’ai fait voir enfin qu’en supposant le sphéroïde fluide & hétérogene, & les couches de niveau ou non, il pourroit très-bien être en équilibre sans avoir la figure elliptique ; & j’ai donné l’équation qui exprime la figure de ses différentes couches.

Ce n’est pas tout. J’ai supposé que dans ce sphéroïde les méridiens ne fussent pas semblables, que non-seulement chaque couche y différât des autres en densité, mais que tous les points d’une même couche différassent en densité entr’eux ; & j’enseigne la méthode de trouver l’attraction des parties du sphéroïde dans cette hypothèse si générale ; méthode qui pourroit être fort utile dans la suite, si la Terre se trouvoit avoir en effet une figure irréguliere. Il ne nous reste plus qu’à examiner cette derniere opinion, & les raisons qu’on peut avoir pour la soûtenir ou pour la combattre.

M. de Buffon est le premier (que je sache) qui ait avancé que la Terre a vraissemblablement de grandes irrégularités dans sa figure, & que ses méridiens ne sont pas semblables. Voyez hist. nat. tom. I. p. 165 & suiv. M. de la Condamine ne s’est pas éloigné de cette idée dans l’ouvrage même où il rend compte de la mesure du degré à l’équateur, p. 262. M. de Maupertuis qui l’avoit d’abord combattue dans ses élémens de Géographie, semble depuis l’avoir adoptée dans ses Lettres sur le progrès des Sciences ; enfin le P. Boscovich, dans l’ouvrage qu’il a publié l’année derniere sur la mesure du degré en Italie, non-seulement penche à croire que les méridiens de la Terre ne sont pas semblables, mais en paroît même assez fortement convaincu, à cause de la différence qui se trouve entre le degré d’Italie & celui de France à la même latitude.

Il est certain premierement que les observations astronomiques ne prouvent point invinciblement la