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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/835

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internes ou externes. L’inflammation qu’occasionne l’obstruction des hémorrhoïdes, est la cause interne la plus ordinaire : ainsi tout ce qui peut produire des hémorrhoïdes, doit être mis au nombre des causes éloignées de la fistule à l’anus. Voyez Hémorrhoïdes. Les causes externes sont les coups, les chûtes, les contusions de cette partie. Les personnes qui montent souvent à cheval y sont fort sujettes. L’excès des plaisirs vénériens, & enfin tout ce qui peut retarder & gêner le cours de la circulation du sang dans cette partie, y occasionne des inflammations, lesquelles se terminent facilement par suppuration, parce qu’il n’y a pas dans le tissu cellulaire de cette partie assez de ressorts pour resister à l’engorgement des humeurs : au contraire, les mouvemens du diaphragme & des muscles du bas-ventre, si nécessaires pour les principales fonctions naturelles, sont opposés au retour des fluides ; & c’est la cause principale de la dilatation si fréquente des veines hémorrhoïdales. Les fistules à l’anus viennent quelquefois des os ou corps étrangers qu’on a avalés, & qui se sont arrêtés au fondement.

La différence des fistules à l’anus se tire de leur ancienneté, de leur étendue, de leur complication, & de leurs issues : de leur ancienneté, en ce que les unes sont vieilles, & les autres récentes : de leur étendue, en ce que leur trajet est plus ou moins profond : de leur complication, en ce qu’elles peuvent ne former qu’un seul sinus, ou bien qu’elles sont accompagnées de clapiers, de plusieurs sinus, de beaucoup de callosités, d’abcès, & même de carie des es, de pourriture de l’intestin, &c. Les fistules different par leurs issues ; & à raison de cette différence, elles sont completes ou incompletes. La fistule complete a une ouverture dans l’intestin, & une autre extérieurement. Les fistules incompletes ou borgnes, sont internes ou externes : celles-ci n’ont qu’une issue à la marge de l’anus, & ne pénetrent point dans l’intestin rectum : celles là n’ont point d’ouverture extérieure, & la matiere purulente coule par l’orifice fistuleux, ouvert dans l’extrémité du rectum.

Les signes diagnostiques de ces fistules sont faciles à appercevoir. A l’examen de la partie, on connoît par où le pus s’écoule, & l’on voit s’il y a un orifice extérieur. On ne peut juger de la profondeur des fistules qu’en les sondant, si elles sont externes ; encore le contour des sinus fistuleux peut-il empêcher le stilet de pénétrer dans toute la longueur du trajet. La hauteur des fistules internes dans le rectum, se connoît en introduisant dans l’anus une tente de charpie couverte de quelque onguent, & assez longue : on verra dans quelle étendue elle sera tachée de la matiere qui découle du trou fistuleux.

Le prognostic se tire de la cause de la maladie, de ses différences, & de la bonne ou mauvaise disposition du sujet.

La cure exige d’abord un traitement préparatoire, relatif à cette disposition. La maladie locale présente des indications différentes, suivant les diverses circonstances. Un simple sinus qui n’est pas fort ancien, qui n’attaque pas le rectum, n’a besoin que d’être ouvert. Dès qu’on aura changé la disposition de l’ulcere, que son entrée aura été rendue large, & qu’on aura détergé le fond par les remedes convenables, il se fera une cicatrice solide. Si la fistule est complete, il faudra fendre tout ce qui est compris entre les deux orifices, & faire une scarification dans le fond, pour faire une plaie récente d’un sinus ancien : mais s’il y a des duretés & des clapiers, la cure ne peut être radicale qu’en emportant tout ce qu’il y a de calleux, soit par l’instrument tranchant, soit par les caustiques. On réussit par l’une & l’autre méthode. On donne en général la préférence à l’instrument tranchant, parce qu’on fait en une ou deux minutes

ce qu’on n’obtiendroit que par l’application réitérée des caustiques, qui tourmentent cruellement le malade pendant plusieurs heures à chaque fois. Un praticien éclairé peut trouver des raisons de préférence pour le choix de l’une ou de l’autre méthode.

Après que le malade aura été préparé par les remedes généraux, & par des remedes particuliers si son état en exige, il faut avoir la précaution de le purger la veille de l’opération, de lui ôter tout aliment solide, & de lui faire prendre un lavement deux heures avant l’opération, afin de nettoyer l’intestin des matieres fécales que le malade pourroit lâcher au nez du chirurgien dans le tems de l’opération, ce qui seroit capable de l’empêcher de la finir avec la tranquillité nécessaire : ou bien ces matieres pourroient donner au malade des envies d’aller à la selle quelque tems après l’opération, ce qui obligeroit de lever l’appareil, & de laver ensuite la plaie ; inconvéniens qu’il est bon de prévenir.

Pour faire l’opération, on fait mettre le malade sur le bord de son lit, qu’on a eu le soin de faire garnir d’un drap plié en plusieurs doubles, dans la situation où l’on le mettroit pour recevoir un lavement, de façon que la fesse du côté malade soit appuyée sur le lit. Un aide chirurgien à genoux sur le lit, pose un genou contre le malade dans l’angle que celui-ci forme par son corps & ses cuisses, pour qu’il ne puisse s’éloigner de l’opérateur : cet aide soûleve la fesse saine. On doit avoir d’autres aides pour contenir les jambes & les épaules du malade. Tout étant ainsi disposé, & l’appareil convenable pour le pansement préalablement préparé, le chirurgien met un genou à terre, & procede à l’opération.

Si la fistule est complete, il introduit dans le fondement le doigt index gauche, graissé d’huile ou de beurre ; il tient avec la main droite une stilet d’argent flexible, ou l’aiguille ou sonde plate destinée à cet usage, voyez Aiguille ; il pousse doucement cet instrument, jusqu’à ce que sa pointe rencontre le doigt qui est dans l’intestin, ou qu’on y met seulement après avoir introduit le stilet dans le trajet de la fistule ; l’extrémité de ce doigt replie le stilet, & sert à l’amener au-dehors : on forme ainsi une anse qui embrasse la fistule, & la portion du boyau qui lui répond. Voyez Planche XXVII. fig. 1.

Dans la fistule incomplete externe, on recommande de porter l’extrémité du stilet au-dessus des callosités, & en forçant un peu de percer l’intestin pour former l’anse : c’est dans cette occasion qu’il faut se servir par préférence de l’aiguille pointue, le stilet boutonné seroit moins convenable.

Si la fistule est borgne & interne, il faut faire avec la lancette une ouverture extérieure sur un petit point mollet, qui montre le sac du sinus : quand cet endroit n’est pas sensible, on met dans l’anus, pendant douze ou quinze heures, ou plus long-tems, si cela étoit nécessaire, une tente, laquelle en bouchant l’ouverture de la fistule, empêche le pus de s’écouler ; il s’en amasse assez pour former à l’extérieur une tumeur qui indique le lieu où il faut faire l’incision.

Lorsque l’anse est passée dans la fistule, on prend avec les doigts de la main gauche les deux extrémités du stilet ; en les tirant à soi on tend les parties, & avec un bistouri droit qu’on tient de l’autre main, on emporte les parties que le stilet a pénétrées ; ensorte qu’après l’extirpation les callosités se trouvent embrochées. Trois ou quatre coups de bistouri donnés à-propos, suffisent ordinairement pour cette opération. Si l’orifice extérieur de la fistule étoit si éloigné du fondement, qu’en faisant l’opération comme on vient de le décrire, il fallût faire une trop grande déperdition de substance, on pourroit passer une sonde cannelée dans le conduit fistuleux ; on l’ouvri-