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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/872

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la cavité de la matrice, elle devient acre, rongeante ; elle cause des exulcérations dans les voies par où elle passe : d’où s’ensuivent souvent de vrais ulceres de mauvaise qualité, susceptibles de devenir chancreux, & de détruire toute la substance de la matrice, après avoir causé des hémorrhagies des vaisseaux utérins, aussi abondantes que difficiles à arrêter, &c.

Cependant les fleurs blanches sont rarement dangereuses par elles-mêmes, si elles ne dépendent de quelque grande cause morbifique commune à tout le corps : celles qui sont récentes, produites par un vice topique & dans de jeunes sujets bien constitués, cedent aisément aux secours de l’art, placés convenablement aux vraies indications. Dans toutes les personnes d’une mauvaise complexion, sur-tout si elles sont d’un âge avancé, elles sont le plus souvent incurables ; mais on peut empêcher qu’elles ne procurent la mort en peu de tems, pourvû qu’on en suspende les progrès ; qu’on s’oppose à la corruption des humeurs fluentes, & à l’impression qu’elles portent sur les solides qu’elles abreuvent, pour empêcher qu’il ne se fasse des hémorrhagies, des ulceres ; qu’il n’en résulte des chancres, suites funestes auxquelles la matrice a beaucoup de disposition.

Le traitement des fleurs blanches exige, pour être tenté & conduit à-propos, que la cause en soit bien connue ; que le vice dominant soit bien caractérisé : la moindre erreur à cet égard peut être de la plus grande conséquence. Ainsi, lorsque la pléthore seule procure cette maladie, la saignée peut être utile, même sans autre secours, pour faire cesser l’une & l’autre.

Mais ce remede seroit très-contraire dans toute disposition ou affection cachectique, qui donneroit lieu aux fleurs blanches ; ce qui est le cas le plus ordinaire : les purgatifs hydragogues, les eaux minérales ferrugineuses, les diurétiques, les sudorifiques, associes selon l’art avec l’usage des medicamens toniques, corroboratifs, & sur-tout des martiaux ; aussi-bien que les amers, tels que la rhubarbe, le quina, le simarouba, peuvent être tous employés avec succès dans cette derniere circonstance, & selon l’observation de Boerhaave, Element. chimic. proc. lvij. usus. Les teintures de lacque, de mirrhe, y produisent aussi de très-grands effets.

Ces différens remedes placés & administrés avec méthode, sont suffisans pour satisfaire aux principales indications qui se présentent à remplir, entant qu’ils sont propres à évacuer les mauvais levains des premieres voies, qui, en passant dans les secondes, contribueroient à fournir la matiere de l’écoulement contre nature ; entant qu’ils sont en même tems très efficaces pour remettre les digestions en regle, en rendant le ressort aux organes qui concourent à opérer cette importante fonction. pour rétablir celles de la sanguification, de la circulation, & des secrétions, en ranimant aussi & en fortifiant l’action des solides, qui sont les principaux instrumens de ces principales opérations de l’économie animale.

Cependant si le mal ne cede pas à ces différens moyens, la teinture de mouches cantharides, donnée dans une forte décoction de gayac, peut suppléer à leur insuffisance, sur-tout si les fleurs blanches ne sont pas invétérées : dans le cas où elles dureroient depuis long-tems, & où elles auroient éludé l’effet de tous les remedes proposés jusqu’ici, il ne resteroit plus à tenter que les mercuriels, dont on a eu quelquefois de grands succès. Ces deux derniers conseils sont donnés d’après le docteur Morgan, pratique medicinale, cité à ce sujet dans le IV. vol. des observations d’Edimbourg, 1742.

Mais l’usage de ces différens médicamens, pour opérer avantageusement, demande à être secon-

dé par le régime, par la dissipation de l’esprit, &

sur-tout par l’exercice du corps proportionné aux forces, & augmenté peu-à-peu : au surplus, pour un plus grand détail des secours propres à corriger les vices dominans dans cette maladie, considérée comme un symptome de cachexie, voyez Débilité, Fibre.

Mais dans les cas où il n’y a pas lieu de penser que les fleurs blanches dépendent d’aucun vice qui ait rapport à l’espece de celui dont il vient d’être fait mention ; qu’au contraire, le sujet qui en est affecté paroît être d’un tempérament robuste, bilieux, avec un genre nerveux fort sensible, fort irritable, & que la maladie utérine est seulement causée par une foiblesse non pas absolue, mais respective, des vaisseaux de la matrice, qui sont forcés de céder à la contre-nitence excessive de tous les autres solides ; il faut prendre une route bien différente de celle qui vient d’être tracée : les adoucissans, les humectans, les antispasmodiques, remplissent, après les remedes généraux, les principales indications qui se présentent alors. On peut donc faire tirer du sang, pour diminuer le volume des humeurs, la tension des vaisseaux ; employer les vomitifs, les purgatifs, pour nettoyer les premieres voies, empêcher qu’elles ne fournissent au sang une trop grande quantité du recrément alkalescent ; faire diversion aux humeurs qui se portent à la matrice : le petit lait, le lait coupé, peuvent être employés pour corriger l’acrimonie dominante ; les bains domestiques, pour relâcher l’habitude du corps, sans opérer cet effet sur les parties génitales, que l’on en garantit, en les couvrant de fomentations aromatiques, fortifiantes, pour favoriser la transpiration, jetter de la détrempe dans le sang par ce moyen, & par un grand usage de tisanes émulsionnées : il convient aussi d’employer dans ce cas, selon la regle, les différentes préparations de pavot, d’opium, le castoréum, la poudre de gutete, &c. pour diminuer l’érétisme, l’irritabilité des nerfs qui pressent les humeurs de la circonférence au centre, & les déterminent vers la partie foible, vers la matrice : mais il faut sur-tout bien recommander principalement l’abstinence d’alimens crus, acres, de tout ce qui peut échauffer le corps & l’imagination dans différentes circonstances ; sur-tout lorsque le mal est dans son commencement.

Il n’est pas besoin, dans les fleurs blanches, de beaucoup de remedes extérieurs : il est seulement important de tenir propres les parties par où se fait l’écoulement ; d’empêcher que les humeurs épanchées n’y séjournent, n’y croupissent. Lorsqu’on n’a pas prévenu cet effet, & l’acrimonie des humeurs & ce qui s’ensuit, on peut corriger ce vice par des lotions adoucissantes, faites avec le lait tiede, l’eau d’orge, le miel, &c.

Lorsque ces humeurs sortent d’organes fort relâchés, sans irritation, on peut employer pour les lotions, de l’eau tiede aiguisée d’esprit-de-vin, d’eaux spiritueuses parfumées d’eaux thermales comme dessicatives. On peut aussi user de vin blanc avec du miel, comme détersif & tonique, & de tous ces différens médicamens en injection, en fomentation : le vin rouge resserreroit trop ; il ne pourroit convenir que dans le cas d’une chûte de matrice, où il seroit même nécessaire de le rendre astringent.

Mais il ne faut jamais employer de remede qui ait cette derniere propriété, dans la vûe d’arrêter l’écoulement des fleurs blanches ; à moins qu’on ne soit assûré que le vice qui l’entretient n’est que topique, n’est que la débilité des vaisseaux de la partie, & qu’il n’en reste aucun dans les humeurs ; sans quoi on s’expose, en empêchant l’excrétion de celles qui sont corrompues, dont la matrice est abreuvée, à enfermer, comme on dit vulgairement, le loup dans la bergerie :