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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 6.djvu/904

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sous Eric II. roi de Danemark, & qui, au rapport de Saxon le grammairien, conduisoit ses auditeurs par degré, jusqu’à la fureur. Il s’agit maintenant d’un siecle d’ignorance & de barbarie, où la Musique extrèmement dégénérée, ne laissoit pas néanmoins, toute imparfaite qu’elle étoit, d’exciter les passions avec la même vivacité que dans le siecle d’Alexandre. Concluons que les effets attribués à la flûte des anciens, ne prouvent point seuls l’extrème supériorité de son jeu, parce que la musique la plus simple, la plus informe, & la plus barbare, comme la plus composée, la plus réguliere & la mieux concertée, peut opérer dans certaines conjonctures, les prétendues merveilles dont il s’agit ici.

C’est assez parler des flûtes anciennes, de leurs dénominations, de la variété de leurs airs, de leurs usages, & de leurs effets : on trouvera cette matiere discutée plus à fond dans les ouvrages de Meursius & de Gaspard Bartholin, de tibiis veterum, & dans le dialogue de Plutarque sur la Musique, traduit en françois avec les savantes remarques de M. Burette, qui ornent les mémoires de l’académie royale des Inscriptions. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Flûte double, (instrum. de Musiq.) La double flûte ou la flûte à deux tiges étoit un instrument domestique en usage chez les anciens, & sur laquelle le musicien seul pouvoit exécuter une sorte de concert.

La double flûte étoit composée de deux flûtes unies, de maniere qu’elles n’avoient ordinairement qu’une embouchure commune pour les deux tuyaux. Ces flûtes étoient ou égales ou inégales, soit pour la longueur, soit pour le diametre ou la grosseur. Les flûtes égales rendoient un même son : les inégales rendoient des sons différens, l’un grave, l’autre aigu. La symphonie qui résultoit de l’union des deux flûtes égales, étoit ou l’unisson, lorsque les deux mains du joüeur touchoient en même tems les mêmes trous sur chaque flûte, ou la tierce, lorsque les deux mains touchoient différens trous. La diversité des sons, produite par l’inégalité des flûtes, ne pouvoit être que de deux especes, suivant que ces flûtes étoient à l’octave, ou seulement à la tierce ; & dans l’un & l’autre cas, les mains du joüeur touchoient en même tems les mêmes trous sur chaque flûte, & formoient par conséquent un concert ou à l’octave ou à la tierce.

Au reste Apulée dans ses florides attribue à Hyagnis l’invention de la double flûte. Cet Hyagnis étoit pere de Marsias, & passe généralement pour l’inventeur de l’harmonie phrygienne. Il florissoit à Célenes ville de Phrygie, la 1242e année de la chronique de Paros, 1506 ans avant J. C. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Flûte des Sacrifices ; il y en avoit une infinité de différentes sortes : on prétend qu’elles étoient de boüis ; au lieu que celles qui servoient aux jeux ou aux spectacles, étoient d’argent, d’ivoire, ou de l’os de la jambe de l’âne. Nous ne savons de ces flûtes, que ce que le coup-d’œil en apprend par l’inspection des monumens anciens. Voyez-en une dans nos Planches de Lutherie.

Flute d’accords, instrument de Musique composé de deux flûtes paralleles, & pratiquées dans le même morceau de bois ; on touche la flûte droite de la main droite, & la gauche de la main gauche. Voyez nos Planches de Lutherie.

Flute Allemande ou Traversiere, instrument de Musique à vent, est un tuyau de bois de quatre pieces, percées & arrondies sur le tour, qui s’assemblent les unes aux autres par le moyen des noix. Voyez Noix des instruments à vent, dans lesquelles les parties menues des autres pieces doivent entrer. Voyez la figure de cet instrument, dans nos Planches de Lutherie.

A la premiere partie ou tête de la flûte qui est comme la flûte-à-bec, percée d’un trou rond dans toute sa longueur AE, comme on peut le voir dans la seconde figure, est un trou rond O, qui est l’embouchure. Ce trou, comme tous les autres de cet instrument, est évasé en-dedans. L’extrémité A de la flûte est fermée avec un tampon de liége a, qui s’ajuste exactement dans le tuyau de la flûte. Ce tampon est recouvert par un bouchon A, qui est de la même matiere que la flûte que l’on fait de bois ou d’ivoire, ou de tout autre bois dur & précieux, comme l’ébene, le bois de violette, & dont on garnit ordinairement les noix avec des frettes d’ivoire. Pour les empêcher de se fendre, on met dessous l’ivoire quelques brins de filasse, que l’on enduit de colle-forte, & par-dessus lesquels on enfile les fretes. Voyez l’article Noix des instruments à vent. Pour perforer & tourner les morceaux qui composent la flûte traversiere, on se sert des mêmes outils & des mêmes moyens que ceux dont on se sert pour travailler ceux qui composent la flûte douce ou à-bec. Voyez Flute douce ou a-bec. On pratique une entaille dans la derniere noix D, pour y loger la clé bc & son ressort de laiton élastique, par le moyen duquel sa palette ou soûpape c qui est garnie de peau de mouton, est tenue appliquée sur le septieme trou auquel le petit doigt ne sauroit atteindre, & qui se trouve fermé par ce moyen. Cette clé est d’argent ou de cuivre.

Pour bien joüer de cet instrument, il faut commencer par bien posséder l’embouchure, ce qui est plus difficile que l’on ne pense. Toutes sortes de personnes font parler les flûtes à-bec ; mais peu peuvent sans l’avoir appris, tirer quelque son de la flûte traversiere ; ainsi nommée, parce que pour en joüer on la met en-travers du visage, ensorte que la longueur de la flûte soit parallele à la longueur de la bouche avec laquelle on souffle, en ajustant les levres sur le trou O, ensorte que la lame d’air qui sort de la bouche, entre en partie dans la flûte par cette ouverture.

Soit que l’on joue debout ou assis, il faut tenir le corps droit, la tête plus haute que basse, un peu tournée vers l’épaule gauche, les mains hautes sans lever les coudes ni les épaules, le poignet gauche ployé en-dehors, & le même bras près du corps. Si on est debout, il faut être bien campé sur ses jambes, le pié gauche avancé, le corps posé sur la hanche droite, le tout sans aucune contrainte. On doit surtout observer de ne faire aucun mouvement du corps ni de la tête, comme plusieurs font, en battant la mesure. Cette attitude étant bien prise, est fort agréable, & ne prévient pas moins les yeux que le son de l’instrument flate agréablement l’oreille.

A l’égard de la position des mains, la gauche doit être au haut de la flûte que l’on tient entre le pouce de cette main & le doigt indicateur qui doit boucher le premier trou marqué 1 dans la figure ; le second trou est bouché par le doigt medium, & le troisieme par le doigt annulaire. La main droite tient la flûte par sa partie inférieure : le pouce de cette main qui est une peu ployée en-dedans, soûtient la flûte par-dessous, & les trois doigts de cette main, savoir, l’indicateur, le moyen & l’annulaire, bouchent les trous 4, 5, 6 ; le petit doigt sert à toucher sur la clé bc faite en bascule, ensorte que lorsque l’on abaisse l’extrémité b, la soûpape ou palette c débouche le septieme trou. Il faut tenir la flûte presque horisontalement.

Pour bien emboucher la flûte traversiere & les instrumens semblables, il faut joindre les levres l’une contre l’autre, ensorte qu’il ne reste qu’une petite ouverture dans le milieu, large environ d’une demi-ligne, & longue de trois ou quatre ; on n’avancera point les levres en-devant, comme lorsque l’on veut