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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/128

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sion, dureté, comme de vrais furoncles ; on peut les regarder alors comme une sorte d’inflammation de l’anus, & quelquefois d’une bonne partie de l’intestin rectum ; car l’engorgement des veines comprimant dans ce cas les arteres, y gêne le cours du sang, & y établit une véritable disposition inflammatoire, qui rend les parties très-douloureuses, surtout dans les hémorrhoïdes internes, & lorsque la déjection des matieres fécales durcies par la constipation, qui accompagne ordinairement cet état, se fait avec efforts, qui causent quelquefois une irritation si considérable, qu’elle va jusqu’à procurer des défaillances, & quelquefois des mouvemens convulsifs, avec desordre dans toute l’économie animale ; ce qui cesse aussitôt que la déjection est finie.

Les hémorrhoïdes fermées s’enflent quelquefois si considérablement, qu’on en a vû, selon Lindanus, in colleg. super Hartmann. qui formoient des tumeurs grosses comme le poing, qui sortoient hors de l’anus ; mais alors il est rare qu’elles soient douloureuses.

On distingue les tumeurs causées par les hémorrhoïdes, des tumeurs qui viennent à l’anus, par d’autres causes, en ce que les premieres sont noirâtres ordinairement, par l’effet du sang veineux dont elles sont formées, & qu’elles sont compressibles, à moins que la douleur ne l’empêche, qualités que n’ont pas les condylomes, les fics, qui sont de couleur de la peau, comme charnus, & ont par conséquent plus de consistence sans la devoir à l’inflammation, comme les furoncles hémorrhoïdaux.

Les mauvais effets que causent les hémorrhoïdes, proviennent donc principalement de leur inflammation, ou du flux-de sang trop considérable. Les suites de l’inflammation sont la fievre souvent très aiguë, l’insomnie & tous les effets de la douleur ; si les hémorrhoïdes ne s’ouvrent pas pour former une hémorrhagie, ce qui se fait difficilement, dans ce cas il succede quelquefois une simple transudation sanieuse, ichoreuse, fétide, qui ne laisse pas de procurer du soulagement ; c’est comme une espece de résolution de l’humeur qui forme l’embarras inflammatoire, mais souvent au lieu d’une terminaison aussi peu fâcheuse, il suit des symptômes de bien plus grande conséquence, tels que des abscès & ses suites, ainsi qu’il a été dit des dispositions à la gangrene, au sphacele, qui se communiquent aux parties voisines à mesure qu’ils se forment dans la partie affectée, où ils font en peu de tems les progrès les plus rapides. Voyez Inflammation, Absces.

La trop grande perte de sang cause l’abattement des forces, dispose à des défaillances qui peuvent être funestes ; & si cette perte excessive est habituelle, elle peut jetter les malades dans la cachexie, l’hydropisie, &c. Voyez Hémorrhagie.

Les hémorrhoïdes invétérées, qui rendent trop fréquent l’engorgement des vaisseaux qui en sont le siége, changent tellement le tissu de la partie, qu’il en résulte des obstructions dans les vaisseaux lymphatiques, nourriciers, qui disposent les membranes, les tuniques de l’intestin droit, à devenir skirrheuses, calleuses, dans une étendue considérable, ainsi que Riviere, Sanchez, rapportent l’avoir observé ; & s’il s’y forme des abscès en même tems, ils dégénerent en ulceres fistuleux, carcinomateux (Voyez Fistule à l’anus ; ou il s’ensuit des solutions de continuité, des hémorrhagies, que l’on ne peut supprimer que très-difficilement ; ainsi qu’il arrive souvent à l’égard de celles qui sont causées indépendamment du vice de la partie, par une suite des obstructions du foie & des autres visceres du bas ventre, avec lesquels il y a du rapport : ces obstructions forment un si grand embarras pour le retour du sang dans les vaisseaux qui forment la veine-porte, qu’il

s’arrête aisément dans les veines hémorrhoïdales, attendu le plus de disposition qui s’y trouve, les engorge, les dilate, les force à s’ouvrir, & se porte obstinément où il trouve moins de résistance, conséquemment vers les ouvertures de ces veines ; d’où vient que les hypocondriaques, dont la maladie dépend principalement de ces obstructions, sont si sujets aux hémorrhoïdes & à tous leurs inconvéniens.

On a observé que la plûpart des personnes qui sont habituellement affectées des hémorrhoïdes, ont la couleur de la peau, sur-tout du visage, d’un jaune tirant sur le verd ; ce qui n’a lieu vraisemblablement, que lorsque les embarras du foie contribuent aux hémorrhoïdes : ce qui est assez commun.

Mais ce qui a le plus de part à les rendre nuisibles à la santé, c’est l’imprudence d’employer des moyens pour s’en délivrer mal-à-propos, tels que les répercussifs, ou tout autre, qui peut les faire rentrer, comme on dit, & les faire disparoître presque subitement, sur-tout lorsqu’elles sont véritablement critiques ; d’où s’ensuit que, lorsque la répercussion empêche le sang hémorrhoïdal de se faire place dans ses veines, en les dilatant de plus en plus, ou en se faisant une issue par leur rupture, il se porte d’autant plus dans les vaisseaux voisins, qui sont susceptibles de céder & de le recevoir ; il les force, les engorge, y forme des embarras inflammatoires, des distentions douloureuses, qui font des coliques violentes, souvent même convulsives, dans la région hypogastrique, accompagnées de ventosités, effet du spasme qui se fait dans différentes portions des intestins où il se trouve de l’air renfermé : il faut cependant alors bien se garder de confondre ces coliques avec les coliques venteuses proprement dites, & de les traiter en conséquence ; parce que les remedes chauds qui conviennent à celles-ci, ne font qu’augmenter le mal à l’égard des premieres, qui ne demandent que des adoucissans, des émolliens différemment employés, selon l’art, tant extérieurement qu’intérieurement, pour relâcher, étendre les parties irritées, où il seroit avantageux de rappeller le sang détourné dans d’autres, où il ne peut que produire de mauvais effets : les anodins antispasmodiques conviennent aussi très-bien dans ce cas, pour faire cesser le trop grand érétisme dans le genre nerveux.

Et comme, lorsque les hémorrhoïdes ont de la peine à se former, elles sont souvent précédées de douleurs dans les entrailles, & à la région lombaire sur-tout, que l’on prend quelquefois d’abord pour une colique néphrétique, ces symptômes doivent être attribués à la même cause que ceux dont il vient d’être fait mention, qui ont rapport avec la colique venteuse ; ils demandent les mêmes secours, que l’on ne doit cependant pas se presser d’employer jusqu’à ce que l’on se soit assuré, que les efforts pour la formation des hémorrhoïdes ne peuvent pas avoir leur effet, sans que l’on aide la nature.

Si ces efforts ne sont point accompagnés de douleurs, d’irritation, & qu’il ne se forme que des boutons d’hémorrhoïdes dans les cas où le flux-de-sang est nécessaire, les purgatifs âcres, irritans, les aloëtiques particuliérement, & les suppositoires de même qualité, qui peuvent par l’abus qu’on en sait, contribuer à exciter mal-à-propos les hémorrhoides, par le relâchement, l’atonie, qui succedent aux irritations, aux spasmes qui sont l’effet de ces médicamens, peuvent aussi être employés utilement pour rendre les hémorrhoïdes fluentes, lorsqu’il peut être salutaire de faire couler du sang par cette voie ; ce qui ne peut guere avoir lieu que dans les personnes d’un tempérament sanguin, à l’égard desquelles la disposition aux hémorrhoïdes est si naturelle, qu’il