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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/17

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des eunuques, & ne garderent plus de décence dans leurs ajustemens.

Sous la république, les femmes & les hommes avoient des habits qui les distinguoient ; sous Tibere, les deux sexes avoient déjà revêtu les habits l’un de l’autre. Les femmes commencerent au sortir de leur lit & de leur bain à prendre un habillement qu’elles avoient en commun avec les hommes ; la galanterie ne laissoit point sans dessein & sans goût une robe faite pour se montrer négligemment à ses amis particuliers & aux personnes les plus cheres.

Sous la république, les dames n’avoient des pierreries que pour ressource dans les malheurs, & elles ne les portoient sur elles que dans les fêtes sacrées ; sous les empereurs, elles les prodiguoient sur leurs habits. Dans ces tems-là, les femmes les plus modestes n’osoient non plus aller sans diamans, dit Pline, qu’un consul sans les marques de sa dignité. J’ai vû, ajoûte le même auteur, Lollia Paulina se charger tellement de pierreries, même après sa répudiation, pour faire de simples visites, qu’elle n’avoit aucune partie de son corps, depuis la racine des cheveux jusque sur sa chaussure, qui ne fût ébloüissante. L’état qu’elle affectoit d’en étaler elle-même, se montoit à un million d’or, sans qu’on pût dire que ce fussent des présens du prince ou les pierreries de l’empire ; ce n’étoit que celles de sa maison, & l’un des effets de la succession de Marcus Lollius son oncle.

Ainsi la toge, le voile, le capuchon de grosse laine se changerent en chemises de fin lin, en robes transparentes, en habits de soie d’un prix immense, & en pierreries sans nombre. C’est-là l’histoire de Rome à cet égard, & c’est celle de tous les peuples corrompus ; car ils sont tous les mêmes dans l’origine de leur luxe, & dans ses progrès. (D. J.)

Habit ecclésiastique, habitus religionis, (Hist. ecclésiastiq.) On ne peut pas douter que dans les premiers siecles de l’Eglise, les clercs n’ayent porté les mêmes habits dont les laïcs étoient vêtus ; ils avoient trop de raison de se cacher, pour se déclarer par un habit qui les fît connoître. Il n’est donc pas aisé de découvrir l’époque de la prohibition que l’on fit aux ecclésiastiques de s’habiller comme les laïcs ; mais selon les apparences, cette époque ne remonte pas avant le cinquieme siecle. On trouve seulement dans le canon XX. du concile d’Agde, tenu en 506, que les peres de ce concile défendirent aux clercs de porter des habits qui ne convenoient point à leur état, c’est-à-dire qu’ils commençoient dès-lors à s’écarter des regles de la modestie & de la bienséance.

Le mal empira, & la licence devint si grande dans le même siecle, que le concile de Narbonne tenu en 589, fut obligé de leur défendre de porter des habits rouges ; mais comme de simples défenses n’arrêtoient pas le luxe & la vanité des ecclésiastiques, les conciles suivans introduisirent une peine contre les infracteurs. On ordonna en Occident que ceux qui contreviendroient à la défense, seroient mis en prison au pain & à l’eau pendant trente jours. Un concile tenu à Constantinople ordonna la suspension pendant une semaine contre ceux des ecclésiastiques qui imiteroient les laïcs dans leurs vêtemens. Enfin la punition devint encore plus sévere dans la suite ; car nous apprenons de Socrate, qu’Eustate évêque de Sebaste en Arménie fut réellement déposé, parce qu’il avoit porté un habit peu convenable à un prêtre. Le concile de Trente, sess. xjv. chap. vj. se conformant aux anciens conciles, s’est expliqué suffisamment sur ce sujet, sans qu’il soit besoin d’entrer dans de plus grands détails.

Les conciles particuliers & les synodes qui ont été tenus depuis celui de Trente, ont confirmé l’o-

bligation imposée aux ecclésiastiques de porter l’habit clérical ; mais aucun concile n’a jamais rien déterminé

sur la couleur & sur la forme de cet habit. M. de Sainte-Beuve consulté, si un clerc pouvoit porter le deuil de la maniere dont les laïcs le portent, répond qu’il n’y avoit aucun canon qui le défendît aux ecclésiastiques.

Socrate raconte dans son histoire de l’Eglise, liv. VI. c. xxij. que quelqu’un ayant demandé à Sisinnius pourquoi il portoit des habits blancs, quoiqu’il fût évêque, celui-ci lui répondit qu’il seroit bien-aise d’apprendre en quel endroit il étoit écrit, que les prêtres doivent être vêtus de noir, puisque l’on voit au contraire dans l’Ecriture que Salomon recommande aux prêtres d’avoir des habits blancs. C’est en effet celui que S. Clément d’Alexandrie & S. Jérôme leur conseillent par préférence.

Le cardinal Baronius prétend que le brun & le violet ont été les premieres couleurs dont les ecclésiastiques se sont servis pour se distinguer des laïcs. Je n’entrerai point dans cette recherche ; c’est assez de dire qu’à-présent le noir est la seule couleur que l’on souffre aux ecclésiastiques ; & quant à la forme de leur habit, il suffit qu’il soit long & descende sur les souliers.

Quelques-uns se contentent d’une demi-soutane ; mais c’est une tolérance de l’évêque qui pourroit défendre ce retranchement de l’habit ecclésiastique, que les canons appellent vestis talaris. Enfin, quoiqu’un docteur de Sorbonne ait tâché de prouver par un traité imprimé à Amsterdam en 1704, sous le titre de re vestiariâ hominis sacri, que l’habit ecclésiastique consiste plûtôt dans la simplicité que dans la longueur & dans la largeur, il faut convenir que l’habit long a plus de majesté que celui qui ne l’est pas, & qu’en même tems l’abbé Boileau a raison dans le principe qu’il établit. (D. J.)

Habits sacrés, (Hist. ecclésiastiq.) nom qu’on a donné parmi les Chrétiens aux habits ou ornemens que portent les ecclésiastiques pendant le service divin, & sur-tout durant la célébration de la Liturgie.

Dès les premiers tems de l’Eglise, dit M. Fleury, l’évêque étoit revêtu d’une robe éclatante, aussi bien que les prêtres & les autres ministres ; car dès-lors on avoit des habits particuliers pour l’office. Ce n’est pas, ajoûte le même auteur, que ces habits fussent d’une figure extraordinaire. La chasuble étoit l’habit vulgaire du tems de saint Augustin. La dalmatique étoit en usage dès le tems de l’empereur Valérien. L’étole étoit un manteau commun même aux femmes. Enfin le manipule, en latin mappula, n’étoit qu’une serviette que les ministres de l’autel portoient sur le bras pour servir à la sainte table. L’aube même, c’est-à-dire la robe blanche de laine ou de lin, n’étoit pas du commencement un habit particulier aux clercs, puisque l’empereur Aurélien fit au peuple romain des largesses de ces sortes de tuniques. Vopisc. in aurelian.

Mais depuis que les clercs se furent accoûtumés à porter l’aube continuellement, on recommanda aux prêtres d’en avoir qui ne servissent qu’à l’autel, afin qu’elles fussent plus blanches. Ainsi il est à croire que du tems qu’ils portoient toûjours la chasuble & la dalmatique, ils en avoient de particulieres pour l’autel de même figure que les communes, mais d’étoffes plus riches & de couleurs plus éclatantes. Mœurs des Chrét. tit. xlj.

Saint Jérôme n’a pas voulu signifier autre chose, lorsqu’il a dit : Religio divina alterum habitum habet in ministerio, alterum in usu vitâque communi. Car toute l’antiquité atteste que ces habits étoient les mêmes pour la forme ; mais elle a bien changé depuis, & celle qu’on leur a donnée est plus pour