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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/175

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semblance. Mais dès que M. Fourmont eut été dans les églises & dans les maisons, qu’il y eut trouvé beaucoup d’inscriptions qui parlent des Hermionéens, & qu’il eut apperçu des restes de murs de la structure extraordinaire desquels Pausanias n’a pas dédaigné de nous instruire ; M. Fourmont, dis-je, ne douta plus que ce ne fût là cette Hermioné, où il y avoit autrefois tant de temples, entr’autres celui de Cerès, surnommée Chtonia ; enfin cette même Hermioné dont les habitans ne croyoient pas qu’ils dussent rien payer à Caron, pour passer dans sa barque fatale, parce qu’ils étoient trop près de l’enfer, & que ce voisinage devoit les exempter du tribut ordinaire.

La pourpre de cette ville passoit pour la plus précieuse qu’il y eût au monde. Alexandre s’étant rendu maître de Soze, trouva dans Hermissée, dit Plutarque, entr’autres richesses cinq mille quintaux de pourpre, qu’on y avoit amassé pendant près de deux siecles, & cette pourpre conservoit encore toute sa fleur & son éclat. On comprendra de quelle immense richesse étoit ce magasin de pourpre, quand on se rappellera qu’elle se vendoit jusqu’à cent écus de France la livre, monnoie de nos jours ; en la supposant seulement à cent francs la livre, c’étoit un objet de cinquante millions. (D. J.)

HERMIONS, s. m. (Géog. anc.) peuples de l’ancienne Germanie. Pline donne ce mot comme un nom collectif, qui étoit commun à quatre grandes nations ; savoir, les Sueves, les Hermundures, les Cattes & les Chérusques ; ils occupoient, selon Cluvier, les pays où sont maintenant la Silésie, la Moravie, la Boheme, les parties septentrionales de l’Autriche & de la Baviere, le Nortgow, une partie de la Franconie, la Hesse & la Thuringe ; mais Cluvier s’est ici donné bien des peines inutiles ; les noms d’Hermions & de Germains ne sont que différentes prononciations de noms du même peuple. (D. J.)

HERMITAGE, s. m. (Gram.) lieu solitaire où demeure un hermite ou anachorete qui est retiré, pour mener une vie religieuse.

Anciennement les hermitages étoient dans un desert, ou au fond de quelque forêt inhabitée, loin du commerce des hommes ; l’histoire ecclésiastique n’est que trop pleine d’exemples, de gens que l’amour de la singularité ou de l’abnégation de soi-même entraînoient dans de telles solitudes ; l’odeur de leur sainteté ne manquoit pas d’attirer auprès d’eux des disciples dont ils formoient un monastere, qui souvent étoit cause que la forêt se défrichoit, & qu’il se bâtissoit aux environs un bourg ou une ville. Il se trouve en Europe quantité de lieux qui doivent leur origine à un hermitage. devenu célebre par la réputation de l’hermite qui y demeuroit.

Ἔρημος signifie une solitude, un desert ; de ce mot on a fait Eremitæ, pour désigner ceux qui s’y retiroient, comme du verbe Ἀναχωρεῖν, qui veut dire s’éloigner, on a fait le mot anachorete : à présent les hermitages sont devenus rares, excepté en Espagne, où le seul évêque de Jaën a soixante-dix-huit hermitages dans son diocese.

Les hermitages consistent d’ordinaire en un petit bâtiment, comprenant une chapelle & une habitation pour l’hermite, avec un jardin qui fournit sa nourriture, outre les aumônes qu’il recueille. Il y a encore en Dauphiné, vis-à-vis de Tournon sur la côte, un petit hermitage autrefois fameux, qui donne son nom au territoire & à l’excellent vin qu’on y recueille. (D. J.)

HERMITE, s. m. (Hist. eclés.) Homme dévot, qui s’est retiré dans la solitude, pour mieux vaquer à la priere & à la contemplation, & vivre éloigné

des soins & des affaires du monde. Voyez Anachorete.

Un Hermite n’est point censé religieux, s’il n’a point fait de vœux. Voyez Moine, Vœu.

Saint Paul, surnommé l’Hermite, passe communément pour le premier qui ait embrassé ce genre de vie ; quoique saint Jérôme dise au commencement de la vie de ce saint, que l’on ignore quel est celui qui a été le premier Hermite. Quelques-uns remontent à saint Jean-Baptiste, d’autres à Elie.

Les uns assûrent que saint Antoine est l’instituteur de la vie hérémitique ; mais d’autres veulent qu’il n’ait fait qu’augmenter l’ardeur de cet état ; & que des disciples de ce saint disoient que c’étoit Paul de Thebes qui l’avoit le premier embrassée. On croit que ce fut la persécution de Dece & de Valerien qui donna lieu à ce genre de vie.

Quoique les anciens Hermites, comme saint Antoine, vécussent dans le desert, ils ne laissoient pas d’avoir plusieurs religieux avec eux. Voyez Solitaire.

On les nommoit aussi Cénobites, parce qu’ils ne possedoient rien en propre : Claustraux, parce qu’ils étoient renfermés dans une étroite clôture, & séparés du reste du monde : Asectes, parce qu’ils s’exerçoient dans la pratique de la piété : Clercs, parce qu’ils étoient considérés comme l’héritage du Seigneur ; & Philosophes, parce qu’ils s’appliquoient à acquérir la vraie sagesse qui est la science du salut. Les femmes, à l’imitation des hommes, s’enfoncerent dans les deserts, & prirent, comme eux, la résolution de vivre en commun, & de s’enfermer dans des cloîtres ou dans leurs maisons. On les nomma Moniales, à cause de leur vie solitaire ; & Sanctimoniales, à cause de la sainteté de leur vie, qui étoit d’ailleurs extremement austere.

Hermites de saint Augustin, nom d’un ordre de religieux, qu’on appelle plus communément Augustins. Voyez Augustin.

On croit communément que saint Augustin, évêque d’Hyppone & docteur de l’Église, a été l’instituteur de cet ordre ; mais ce sentiment n’a aucune solidité. Il est vrai qu’il jetta les fondemens d’un ordre monastique vers l’an 388, qu’il se retira dans sa maison de campagne près de Tagaste avec quelques-uns de ses compagnons, pour y mener une vie religieuse ; mais il ne paroît pas que cet ordre ait toujours subsisté, & que les hermites de saint Augustin en descendent sans interruption.

Cet ordre ne commença proprement que sous Alexandre IV. dans le milieu du xiij. siecle, & fut formé par la réunion de plusieurs congrégations d’hermites, qui n’avoient point de régle ou qui n’avoient point celle de saint Augustin. Ces congrégations ont celle de Jean Bonifas, la plus ancienne de toutes, celle des hermites de Toscane, celle des Sachets ou freres du Sac, celle de Vallerfusa, de saint Blaise, de saint Benoît de Monte-Tabalo, de la Tour des Calmes, de sainte Marie de Murcette, de saint Jacques de Molinio, & de Loupsavo près de Lucques.

Ce n’est point Innocent IV. qui fit cette union, comme la plûpart des historiens de cet ordre le prétendent ; il avoit seulement uni ensemble quelques hermites en Toscane, auxquels il avoit donné la regle de saint Augustin, qui faisoient une congrégation séparée de celles dont nous venons de parler. Ce fut Alexandre IV. qui fit cette union, comme il paroît par sa bulle rapportée dans le Mare magnum des Augustins.

Ce pontife travailla à cette union dès la premiere année de son pontificat, c’est-à-dire l’an 1254. Les supérieurs de toutes les congrégations nommées ci-dessus, ne purent s’assembler qu’en