Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/179

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sistent. Il faut faire tousser le malade, ou l’agiter de façon que l’hernie puisse reparoître, afin d’en faire l’opération. Si l’on ne peut réussir à faire redescendre les parties, on doit faire une incision sur l’anneau, le dilater, ouvrir le sac herniaire, & débrider l’étranglement de l’intestin. On la fait avec succès ; c’est une opération hardie, mais elle n’est point téméraire. On trouvera des observations de ces cas dans la suite des volumes de l’académie royale de Chirurgie. Il y en a une dans le premier tome, communiquée par M. de la Peyronie, sur l’étranglement intérieur de l’intestin par une bride de l’épiploon.

Lorsque les hernies sont compliquées de la pourriture des parties sorties, tous les symptomes d’étranglement, dont on vient de parler, diminuent, le malade paroît dans une espece de calme, & l’impression du doigt faite sur la tumeur y reste comme dans de la pâte.

On reconnoît que les hernies sont compliquées de différentes maladies dont on a parlé, aux signes de ces maladies joints à ceux de l’hernie simple ou composée.

Les signes prognostics des hernies se tirent de leur volume, de l’âge du malade, du tems que l’hernie a été à se former, des causes qui l’ont produite, du lieu qu’elle occupe, de sa simplicité, de sa composition & de sa complication.

La cure des hernies consiste dans la réduction des parties sorties, & à empêcher qu’elles ne sortent de nouveau. Il est assez facile de réduire les hernies simples & composées. Voyez Réduction.

Dans les hernies compliquées, on doit agir différemment suivant la différence des complications. Lorsque l’hernie est compliquée de l’adhérence des parties, en certains points ; si ce qu’on n’a pu faire rentrer à cause de l’adhérence n’est point considérable, on fait porter au malade un brayer qui ait un enfoncement capable de contenir seulement les parties adhérentes, & dont les rebords puissent empêcher les autres parties de sséchapper ; voyez Brayer. Mais quand ce qui reste au-dehors est fort considérable, on se contente de mettre un bandage suspensoire qui soutient les parties. Voyez Suspensoire.

Quant aux hernies compliquées d’étranglement & des accidens qui les suivent ; les saignées, les cataplasmes & les lavemens anodyns & émolliens, les potions huileuses & la bonne situation dissipent quelquefois l’inflammation, & permettent la réduction des parties. Mais si ces remedes sont inutiles ; si les accidens subsistent toujours, on fait une opération qui consiste à pincer la peau qui recouvre la tumeur ; le chirurgien fait prendre par un aide la portion qu’il pinçoit avec les doigts de la main droite ; il prend un bistouri droit avec lequel il incise ce pli de peau. Il continue l’incision jusqu’à la partie inférieure de la tumeur, en coulant le dos du bistouri dans la cannelure d’une sonde qu’il a glissée auparavant sous la peau dans les cellules graisseuses. La peau ainsi incisée dans toute l’étendue de la tumeur, il s’agit d’ouvrir le sac herniaire (Voyez fig. 6. Pl. VI.) ; ce qui se fait aisément avec le bistouri, dont on porte le tranchant horisontalement, de crainte de blesser les parties contenues dans le sac. Pour faire cette section, on pince le sac latéralement à la partie inférieure de la tumeur, ou on le souleve avec une hérigne : quand le sac est ouvert à sa partie inférieure, on passe la branche boutonnée ou mousse d’une paire de ciseaux droits ou courbes, on coupe le sac jusqu’à l’anneau, & on met par-là les parties à découvert (Voyez fig. 4. Pl. V.). Il n’est pas difficile de les réduire. On le fait souvent sans débrider l’anneau ; si l’on y est obligé, on passe le long des parties une sonde cannelée jusques dans le ventre, on la porte ensuite à droite & à gauche par de petits

mouvemens pour être assuré qu’elle ne pince aucune partie, & l’on coule dans sa cannelure un bistouri courbe tranchant sur la convexité ; c’est le meilleur instrument pour dilater l’anneau, voyez Bistouri herniaire. Quelques praticiens ne se servent point de la sonde, mais d’un bistouri boutonné qu’on fait glisser le long du doigt indicateur gauche, dont l’extrémité est engagée à l’entrée de l’anneau. C’est un des moyens les plus assurés de dilater l’anneau, & de mettre les parties étranglées à l’abri du tranchant du bistouri. La présence de l’épiploon demande des attentions particulieres, dont nous parlerons au mot Ligature.

Après la réduction des parties on met sur l’anneau une pelote de linge remplie de charpie fine ; on remplit la plaie de charpie, on la soutient avec des compresses, on fait une embrocation avec l’huile rosat sur toutes les parties environnantes, & principalement sur le ventre, & on applique le bandage convenable. Le détail de ces sortes de choses est grand, & tous les auteurs de Chirurgie satisfont sur cette matiere.

Ils ont moins bien traité ce qui regarde la cure des hernies avec gangrene. Lorsque l’hernie reste trop long-tems étranglée, les parties tombent en mortification. Mais quelque dangereux que paroisse l’accident de la gangrene dans les hernies, il y a des exemples, & même en assez grand nombre, de personnes qui en ont été guéries très-heureusement. La pratique des anciens étoit très-bornée sur ce point ; il paroît que l’art a été en défaut à cet égard jusqu’au commencement de ce siecle : on attendoit tout des ressources de la nature ; & il est vrai qu’il y a des circonstances si favorables, qu’on pourroit lui abandonner entierement le soin de la cure, mais il y en a d’autres où cette confiance seroit très-dangereuse. La gangrene de l’intestin exige quelquefois les procedés les plus délicats : la vie du malade peut dépendre du discernement du chirurgien dans le choix des différens moyens qui se sont multipliés par les progrès de l’art, & dont l’application, pour être heureuse, doit être faite avec autant d’intelligence que d’habileté.

Le malade peut être en différens cas qu’il est très important de distinguer, parce qu’ils ont chacun leurs indications différentes. Le premier cas, c’est lorsque l’intestin n’est pincé que dans une petite surface. Ce cas ne demande du chirurgien que des attentions qui ne sortent point des regles connues. Les symptomes d’un tel étranglement n’étant pas à beaucoup près si graves ni si violens que dans l’hernie, où tout le diametre de l’intestin est compris, il n’est pas étonnant que les personnes peu délicates, ou celles qu’une fausse honte retient, ne se déterminent pas à demander du secours dans le tems où il seroit possible de prévenir la gangrene. Les malades ne souffrent ordinairement que quelques douleurs de colique, il survient des nausées & des vomissemens ; mais le cours des matieres n’étant pas pour l’ordinaire interrompu, ces symptomes peuvent paroître ne pas mériter une grande attention. La négligence des secours nécessaires donne lieu à l’inflammation de la portion pincée de l’intestin, & elle tombe bientôt en pourriture. L’inflammation & la gangrene gagnent successivement le sac herniaire & les tégumens qui le recouvrent : on voit enfin les matieres stercorales se faire jour à-travers la peau, qui est gangrenée dans une étendue circonscrite plus ou moins grande, suivant que les matieres qui sont sorties du canal intestinal se sont insinuées plus ou moins dans les cellules graisseuses ; ainsi l’on ne doit point juger du desordre intérieur par l’étendue de la pourriture au-dehors. Quoique ce soient les ravages qu’elle a faits extérieurement qui frappent le