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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/255

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res à la saine raison & à la religion ne pouvoient convenir à la pureté de nos mœurs : aussi parmi nous l’homicide de soi même est puni ; on fait le procès au cadavre de celui qui s’est donné la mort. Cette procédure étoit absolument inconnue aux Romains ; ils n’imaginoient pas que l’on dût faire subir une peine à quelqu’un qui n’existoit plus, & à un cadavre qui n’a point de sentiment : mais parmi nous, ces exécutions se font pour l’exemple, & pour inspirer aux vivans de l’horreur de ces sortes d’homicides. Voyez Assassinat, Combat en Champ-clos, Duel, Meurtre, Parricide. (A)

HOMILÉTIQUES, (Droit natur.) On distingue de ce nom les vertus relatives au commerce de la vie ; Aristote dit que ces sortes de vertus ont lieu, ἔν ταῖς ὁμιλίαις ϰαὶ τῷ συζῆν. Ethic. Nicomach. lib. IV. cap. xij.

Je les définis en général avec l’évêque de Peterborough, certaines dispositions à pratiquer une sorte de justice qui fait du bien à autrui, par un usage de signes arbitraires, convenable à ce que demande le bien commun.

Les signes arbitraires que nous entendons ici, sont non seulement la parole qui est le principal, mais encore les gestes du corps, la contenance & tous les mouvemens du visage, qui sont des indices de quelque disposition de l’ame dépendant de notre volonté.

Les vertus homilétiques sont la gravité & la douceur, comitas, qui gardent en toutes leurs démonstrations une juste mesure ; pour ce qui est de la parole en particulier, l’usage & les bornes convenables en sont reglées par le sage silence, taciturnitas, lorsque le bien commun le demande ; par la véracité qui s’appelle fidélité en matiere de promesses, & par l’urbanité. On conçoit déja quels sont les vices ou défauts opposés aux vertus homilétiques, & nous les nommerons en parlant de chacune de ces vertus sous leurs articles respectifs. (D. J.)

HOMINICOLES, s. m. plur. (Théolog.) nom que les Apollinaristes donnoient autrefois aux orthodoxes, pour marquer qu’ils adoroient un homme. Voyez Apollinaristes.

Comme les Catholiques soutenoient que Jesus-Christ étoit Homme-Dieu, les Apollinaristes les accusoient d’adorer un homme, & les appelloient Hominicoles. Dict. de Trévoux. (G)

HOMMAGE, s. m. (Gram. & Jurispr.) seu fides, & dans la basse latinité hommagium ou hominium, est une reconnoissance faite par le vassal en présence de son seigneur qu’il est son homme, c’est-à-dire son sujet, son vassal.

Hommage vient de homme ; faire hommage ou rendre hommage, c’est se reconnoître homme du seigneur : on voit aussi dans les anciennes chartes que baronie & hommage étoient synonymes.

On distinguoit anciennement la foi & le serment de fidélité de l’hommage : la foi étoit dûe par les roturiers, voyez au mot Foi. Le serment de fidélité se prêtoit debout après l’hommage, il se faisoit entre les mains du bailli ou sénéchal du seigneur, quand le vassal ne pouvoit pas venir devers son seigneur ; au lieu que l’hommage n’étoit dû qu’au seigneur même par ses vassaux.

On trouve des exemples d’hommage dès le tems que les fiefs commencerent à se former ; c’est ainsi qu’en 734 Eudes, duc d’Aquitaine, étant mort, Charles-Martel accorda à son fils Hérald la jouissance du domaine qu’avoit eu son pere, à condition de lui en rendre hommage & à ses enfans.

De même en 778, Charlemagne étant allé en Espagne pour rétablir Ibinalarabi dans Sarragosse, reçut dans son passage les hommages de tous les princes

qui commandoient entre les pyrenées & la riviere d’Ebre.

Mais il faut observer que dans ces tems reculés la plûpart des hommages n’étoient souvent que des ligues & alliances entre des souverains ou autres seigneurs, avec un autre souverain ou seigneur plus puissant qu’eux ; c’est ainsi que le comte de Hainault, quoique souverain dans la plûpart de ses terres, fit hommage à Philippe-Auguste en 1290.

Quelques-uns de ces hommages étoient acquis à prix d’argent ; c’est pourquoi ils se perdoient avec le tems comme les autres droits.

La forme de l’hommage étoit que le vassal fût nue tête, à genoux, les mains jointes entre celles de son seigneur, sans ceinture, épée ni éperons ; ce qui s’observe encore présentement ; & les termes de l’hommage étoient : Je deviens votre homme, & vous promets féauté doresnavant comme à mon seigneur envers tous hommes (qui puissent vivre ni mourir) en telle redevance comme le fief la porte, &c. cela fait, le vassal baisoit son seigneur en la joue, & le seigneur le baisoit ensuite en la bouche : ce baiser, appellé osculum fidei, ne se donnoit point aux roturiers qui faisoient la foi, mais seulement aux nobles. En Espagne, le vassal baise la main de son seigneur.

Quand c’étoit une femme qui faisoit l’hommage à son seigneur, elle ne lui disoit pas, je deviens votre femme, cela eût été contre la bienséance ; mais elle lui disoit, je vous fais l’hommage pour tel fief.

Anciennement quand le roi faisoit quelque acquisition dans la mouvance d’un seigneur particulier, ses officiers faisoient l’hommage pour lui. Cela fut ainsi pratiqué, lorsqu’Arpin eut vendu sa vicomté de la ville de Bourges au roi Philippe I. lequel en fit rendre hommage en son nom au comte de Santerre pour la portion des terres qui relevoient de ce comte : mais cet usage fut sagement aboli en 1302 par Philippe le bel, lequel déclara que l’hommage seroit converti en indemnité.

Les regles que l’on observe pour la forme de l’hommage sont expliquées au mot Foi.

Nous ajoûterons seulement ici quelques réflexions, qui nous ont été communiquées par M. de la Feuillie, prevôt du chapitre de S. Pierre de Douay, & conseiller-clerc au parlement de la même ville.

Ce savant ecclésiastique & magistrat observe en parlant de l’hommage lige, qu’un pareil hommage ne pouvoit se rendre d’ecclésiastiques à ecclésiastiques ; il ajoûte néanmoins qu’il entend par-là qu’un ecclésiastique ne pouvoit donner sans simonie des biens d’Eglise à un autre ecclésiastique à charge d’hommage, ou de servitude profane, mais qu’il ne prétend pas faire un crime des hommages qui se rendoient anciennement dans l’ordre hiérarchique, hommages cependant contre lesquels les saints papes se sont recriés.

Personne, dit-il, n’ignore que l’hommage n’est point dû pour tout ce qui fait partie de bénéfice ecclésiastique, & à plus forte raison pour cession de dixmes.

Saint Anselme, archevêque de Cantorbery en 1093, avoit toujours devant les yeux les défenses faites par Gregoire VII. plus de dix ans auparavant, de rendre des vils hommages à aucuns mortels, voyez M. de Marca, de concord. l. VIII. c. xxj. n°. 4. Le saint archevêque a été aussi en grande relation avec Urbain, qui occupa le saint siege deux ans après Gregoire VII. & qui, comme lui, s’est beaucoup recrié contre les hommages que l’on exigeoit des ecclésiastiques pour les biens qu’ils possedoient : les ouvrages de saint Anselme ne sont remplis que des horreurs qu’il avoit de ces sortes d’hommages : Hoc autem scitote, s’écrioît-il, quia voluntas mea est ut adjuvante Deo nullius mortalis homo fiam, nec per sa-