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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/381

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ques cas, comme partagé, étant fort relevé d’un côté & de l’autre fort affaissé ; ce qui arrive, lorsque l’hydropisie est renfermée dans un sac ; mais lorsqu’elle est étendue dans toute la capacité, l’enflure rend tout l’abdomen également saillant dans toute sa surface, avec un sentiment de pesanteur dans la région des aînes, lorsque le corps est droit ; & souvent cette enflure augmente si fort, devient si prominente par le volume excessif des humeurs qui la forment, que les malades ne peuvent pas voir leurs piés, & qu’ils craignent de plus en plus que la distension extrème de leur ventre ne les fasse crever, en forçant ses parois à se rompre.

En général pendant que les parties inférieures du corps augmentent de volume par la formation de l’enflure, les supérieures diminuent de plus en plus, sur-tout le cou & le haut de la poitrine, par la maigreur, le desséchement de toutes les parties charnues qui ont lieu dans tout le corps, mais dont les effets sont cachés sous l’enflure, dans les parties qui en sont affectées : quelquefois cependant les mains & le visage, le tour des yeux sur-tout deviennent bouffis, lorsque le mal a fait de grands progrès ; ce qui arrive principalement le matin, après le sommeil : les malades éprouvent quelquefois de grandes demangeaisons par tout le corps, & deviennent même sujets à la gale ; ce qui doit être attribué aux parties acres les plus grossieres de l’excrétion cutanée, qui s’embarrassent & sont, pour ainsi dire, laissées à sec dans les vaisseaux de la peau. Voyez Prurit, Gale.

Dans l’ascite, les malades rendent très-peu d’urine, & elle est ordinairement fort rouge & fort épaisse, parce que la sérosité du sang se portant ailleurs en grande abondance, les parties lixivielles restent privées de leur véhicule ; & par la même raison, il ne se fait presque point de transpiration, encore moins de sueur ; le ventre est le plus souvent aussi très paresseux, sur-tout lorsqu’il y a obstruction au foie & défaut de flux de la bile dans les intestins.

Mais un des symptomes des plus importans de l’hydropisie, c’est la fiévre ordinairement continue, lente, hectique, qui augmente sur le soir, mais de sorte que le pouls est en général toûjours petit, très-fréquent, assez dur & tendu ; ce qu’on ne peut attribuer qu’à la dégénération des humeurs, qui excite l’irritabilité des vaisseaux plus que dans l’état naturel. Voyez Irritabilité.

L’enflure de la grossesse, sur tout lorsqu’elle est accompagnée de celle des jambes, peut faire naître quelque difficulté à distinguer cet état de celui de l’hydropisie ascite ; mais cette difficulté ne subsiste pas long-tems, si l’on fait attention à ce que la suppression des menstrues n’a pas lieu ordinairement dans l’hydropisie ; que les mamelles qui s’enflent dans la grossesse, diminuent au contraire beaucoup dans cette maladie ; que la femme grosse ne sent point de balotement, de fluctuation dans son ventre, selon les divers mouvemens qu’elle fait, surtout lorsqu’elle est couchée, comme on les sent dans l’hydropisie, qui d’ailleurs ne peut pas être confondue avec la grossesse, lorsque celle ci est un peu avancée, parce qu’elle a son signe caractéristique, qui est le mouvement de l’enfant par parties successives ; ce qui n’a point lieu dans le mouvement des eaux qui se fait toûjours en masse. C’est l’hydropisie de la matrice (dont la cavité se remplit outre mesure de sérosités, sans qu’on puisse dire pourquoi son orifice ne s’ouvre pas pour leur donner issue), qui est le cas le plus difficile à distinguer de la grossesse. Voyez Matrice.

Pour ce qui est des signes qui établissent la différence entre l’hydropisie ascite, la tympanité, la leucophlegmatie. Voyez Tympanite, Leucophlegmatie.

A l’égard du prognostic de l’hydropisie en général,

on peut dire qu’elle est toûjours difficile à guérir, & même dangereuse, à proportion qu’elle est plus considérable & plus invéterée, & lorsqu’elle succede à une maladie aiguë. Cependant si les personnes affectées de cette maladie ont été naturellement robustes ; que les visceres fassent encore assez bien leurs fonctions ; que les forces ne soient pas beaucoup diminuées, que l’appétit subsiste passablement ; que les digestions ne soient pas laborieuses ; que la respiration se fasse librement, sans toux, que la soif ne soit pas fort pressante, & que la langue soit rarement seche, sur-tout après le sommeil ; que le ventre soit libre, sans que les déjections soient trop fréquentes ; qu’elles deviennent faciles par l’effet des purgatifs, sans rester relâché après leur opération ; que l’urine change de qualité, selon la différence des boissons dont use le malade ; qu’il ne se sente pas de lassitude, & qu’il ait de la facilité à s’exercer : si toutes ces conditions se rencontrent dans le même sujet, c’est de très-bon augure ; s’il ne s’en présente que quelques-unes, c’est toûjours une raison d’avoir de l’espérance pour la guérison de la maladie ; mais s’il ne paroît aucune ou très-peu de ces dispositions avantageuses, l’état est desespéré.

Entre les especes d’hydropisie, l’anasarque est celle qui est le moins à craindre ; l’ascite est toûjoûrs dangereuse, sur-tout s’il est joint à la tympanite, voyez Tympanite, & d’autant plus que les causes qui y donnent lieu, sont plus importantes ; ainsi il est plus difficile à guérir, lorsqu’il est une suite de l’obstruction du foie, que lorsqu’il provient seulement d’une trop grande boisson d’eau, ou de toute autre cause aussi peu considérable : il est bon qu’il n’y ait pas d’autre enflure qui l’accompagne, ou que, s’il y en a aux extrémités inférieures, elle ne soit pas bien considérable, & qu’elle ne s’étende pas à d’autres parties : l’hydropisie enkistée est moins funeste que l’ascite ; parce que dans celle-là il se fait encore un peu de circulation de la sérosité renfermée dans le sac, au lieu qu’elle est absolument extravasée & sans aucun cours dans l’ascite.

Le flux-de-ventre qui arrive au commencement de l’hydropisie, sans être causé par des indigestions, est le plus souvent très-salutaire, selon l’observation d’Hippocrate : il n’en est pas de même lorsque la maladie est fort avancée, & qu’il y a un grand abattement de forces, alors la diarrhée accélere souvent la mort, parce que ce symptome n’est que le mauvais effet de la foiblesse des visceres : c’est aussi pourquoi l’hydropisie, lorsqu’elle est une suite de l’abus des purgatifs, comme des saignées, est la plus incurable.

Les urines peu abondantes, troubles, avec la fiévre, sont un très-mauvais signe dans l’hydropisie, d’autant plus que la quantité en est moindre ; parce que c’est une preuve que la plus grande partie de la sérosité est détournée ailleurs pour former la collection d’humeurs : c’est pourquoi il est convenable, selon le conseil de Celse, de comparer chaque jour la quantité de la boisson du malade avec celle de l’urine qu’il rend, & d’observer le volume du ventre, en mesurant son contour avec un fil, sur-tout lorsqu’on donne au malade des remedes évacuans, parce que s’il diminue à proportion que la quantité des urines augmente, ou qu’il se fait une évacuation par quelqu’autre voie, c’est un fort bon signe ; au lieu que s’il augmente malgré l’effet de ces remedes, il n’y a presque plus rien à espérer, ainsi que dans le cas où il y a retour de l’enflure après avoir été emportée par les évacuations que l’art a procurées ; parce qu’il y a lieu de penser qu’il existe quelque vice incurable dans les visceres, qui renouvelle continuellement la collection des eaux.

On doit regarder la mort comme prochaine, lors-