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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/417

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Henri III. par un édit de 1581, avoit ordonné que tous contrats seroient contrôlés & enregistrés, sans quoi l’on ne pourroit acquérir aucun droit de propriété ni d’hypotheque, ce qui fut révoqué par l’édit de Chartres en 1588, art. x. & n’eut d’exécution que dans la province de Normandie. Henri IV. renouvella cet édit au mois de Juin 1606, mais il ne fut registré qu’au parlement de Normandie ; il s’exécute dans cette province, comme il paroît par les articles cxxxiij. & cxxxjv. des placités.

En 1673, le Roi établit un greffe dans chaque baillage & sénéchaussée, où ceux qui prétendoient hypotheque pouvoient s’opposer pour la conservation de leurs droits ; les opposans devoient être préférés sur les immeubles à ceux qui n’avoient pas formé d’opposition.

Cet édit n’eut pas d’exécution, & fut révoqué par un autre du mois d’Avril 1674.

En 1693, le Roi établit le contrôle des actes des Notaires. L’édit porte que les actes seront contrôlés quinze jours au plus tard, après la date d’iceux ; & il est dit que les particuliers ne pourront en vertu d’actes non-contrôlés acquérir aucuns privileges, hypotheque, propriété, ni autre droit.

Cet édit fut supprimé pour les actes reçus par les Notaires au châtelet de Paris, par la déclaration du 27 Avril 1694, le contrôle fut pourtant rétabli pour Paris par la déclaration du 29 Septembre 1722 ; mais par une autre déclaration du 7 Décembre 1723, il fut supprimé pour Paris à commencer du 7 Janvier 1724.

Tous ceux qui ont la libre disposition de leurs biens pourront les hypothéquer, & on peut hypothequer tout ce que l’on peut vendre & aliéner.

Quant aux effets de l’hypotheque dans l’ancienne jurisprudence des Romains, l’hypotheque ne produisoit point d’action particuliere : lorsque l’effet hypothéqué étoit enlevé au créancier, il falloit user de la vendication, encore cette voie n’étoit-elle propre qu’au gage, car on ne connoissoit pas encore le droit de suite pour l’hypotheque.

Les préteurs y pourvurent en accordant aux créanciers hypothécaires une action qui fut appellée quasi Serviana ou utilis Serviana, parce qu’elle sut introduite à l’instar de celle qu’établit le préteur Servius, en faveur du propriétaire, à l’effet de suivre & revendiquer les meubles de ses locataires qui étoient tacitement obligés aux loyers.

Cette action quasi servienne ou hypothécaire s’intentoit soit contre l’obligé, ou contre les tiers détenteurs de la chose hypothéquée ; ils avoient le choix à l’égard de l’obligé d’intenter contre lui l’action personnelle sans l’hypothécaire, ou l’hypothécaire sans la personnelle, ou de cumuler les deux actions ensemble ; mais de façon ou d’autre, l’hypotheque ne produisoit qu’une simple action, les contrats n’ayant point chez eux d’exécution parée.

L’action hypothécaire ne tendoit même pas à saisir l’héritage & à le mettre sous la main de la justice, mais seulement à ce que le créancier fût mis en possession pour en jouir par lui jusqu’au parfait payement de sa dette.

Suivant le droit romain, les meubles sont susceptibles d’hypotheque, aussi-bien que les immeubles.

Non seulement ils se distribuent par ordre d’hypotheque entre les créanciers, lorsqu’ils sont encore en la possession du débiteur ; mais ils peuvent être suivis par hypotheque, lorsqu’ils passent entre les mains d’un tiers.

Il y a cependant quelques créanciers privilégiés, tels que le nanti de gages, qui passent avant des créanciers hypothécaires.

On observoit autrefois la même chose dans les

pays de droit écrit du ressort du parlement de Paris, mais présentement on y suit la disposition de l’article clxx. de la coûtume de Paris, qui porte que meubles n’ont point de suite par hypotheque : quoique cette regle semble n’exclure que le droit de suite contre un tiers : il est néanmoins certain que, dans les pays où elle est reçue, le prix des meubles étant encore en la possession du débiteur, ne se distribue point par ordre d’hypotheque, mais seulement suivant l’ordre des privileges.

Dans les parlemens de droit écrit, les meubles se distribuent par ordre d’hypotheque, quand ils sont encore dans la possession du débiteur, mais ils n’ont point de suite par hypotheque.

Pour ce qui est de l’hypotheque sur les immeubles, elle produit par-tout un droit de suite.

Lorsque le contrat a exécution pareé contre l’obligé, il n’est pas besoin d’intenter contre lui l’action hypothécaire ; après un commandement recordé, on peut saisir directement l’héritage hypothéqué.

Il y a proprement trois sortes d’actions hypothécaires ; savoir, l’action pure hypothécaire, qui a lieu contre le tiers détenteur après discussion du principal obligé & de ses cautions ; l’action en déclaration d’hypotheque ou interruption que l’on peut intenter contre le détenteur avant la discussion ; & l’action personnelle hypothécaire, qui a lieu contre l’obligé personnel, ou contre ses héritiers qui sont en même tems détenteurs de quelque immeuble hypothéqué.

L’action personnelle & l’action hypothécaire avoient bien lieu en droit contre l’héritier & biens tenans, mais elles ne pouvoient être exercées que séparément, l’héritier entant que tenu personnellement avoit le bénéfice de division, c’est-à-dire qu’il n’étoit tenu que pour sa part personnelle, & entant qu’il étoit convenu hypothécairement, il avoit le bénéfice de discussion.

Mais parmi nous, on cumule les deux actions de maniere que chacun des coobligés ou de leurs héritiers qui sont aussi biens tenans, ne peut opposer ni division, ni discussion ; il est tenu personnellement pour sa part, & hypothécairement pour le tout ; & lorsque l’action d’hypotheque est ainsi jointe avec la personnelle, elle est prorogée jusqu’à quarante ans, parce que la prescription de cette action ne doit point courir tant que dure l’exercice de l’action personnelle.

L’action en déclaration d’hypotheque a été prudemment inventée, pour prévenir l’inconvénient qui résultoit du Droit romain, en ce que d’un côté le créancier ne se pouvoit adresser au tiers détenteur qu’après discussion, & que d’un autre côté le tiers détenteur prescrivant par dix ans entre présens, & vingt ans entre absens, le créancier pouvoit être frustré de son hypotheque.

Il n’étoit pas permis chez les Romains d’hypothéquer ses biens à deux créanciers à la fois ; il falloit que les causes de la premiere hypotheque fussent acquittées avant d’en contracter une seconde, tellement que celui qui celoit une premiere hypotheque actuelle subsistante, étoit réputé stellionataire ; le créancier n’avoit même pas besoin d’exiger de son débiteur la déclaration que ses biens étoient francs & quittes, le débiteur devoit la faire de lui-même. Cet usage s’observoit non-seulement dans l’ancienne Rome, mais aussi sous les empereurs grecs, comme on l’apprend de l’églogue des basiliques ; celui qui y contrevenoit étoit poursuivi par la voie extraordinaire, & ne pouvoit se racheter de la peine qu’en restituant au créancier les deniers qu’il en avoit reçus.

En France, il est permis d’hypothéquer ses biens,