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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/444

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cens fois plus loin que la longueur de son corps. Pour cet effet, ces insectes ont non-seulement des jambes, des cuisses fortes & souples, mais encore des muscles vigoureux, & doués d’une vertu élastique, par laquelle l’animal peut s’élever assez haut en l’air.

Les jambes servent de gouvernail aux insectes qui nagent, & c’est par la direction du mouvement de ces membres, qu’ils arrivent précisément au point où ils veulent aller ; elles tiennent en équilibre le corps des insectes qui volent, & le dirigent selon la volonté de l’animal ; elles leur procurent le même avantage qu’aux cigognes, & leur servent de gouvernail, pour se tourner du côté qu’il leur plaît. D’autres, qui ont la vûe courte, s’en servent pour sonder le terrein, devant ou derriere eux. Quelques-uns les emploient à nettoyer leurs yeux, leurs antennes, & leur corps, & à en ôter la poussiere qui pourroit les incommoder.

Ceux qui fouissent la terre, se servent de leurs jambes en guise de bêche ; car la force que la nature a donnée aux jambes de plusieurs insectes, qui l’emploient à cet usage, est prodigieuse, si on la compare avec leur petitesse. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à serrer dans la main quelque scarabée, on sera surpris des efforts qu’il faut faire pour les retenir. C’est encore avec ce secours qu’ils font des creux dans la terre & des routes souterraines. Comme quelques animaux usent de leurs jambes pour se défendre, l’on trouve aussi des insectes qui en font le même usage ; il y en a qui s’en servent pour saisir leur proie, & la tenir serrée.

Enfin, la construction des jambes des insectes est souvent une marque pour distinguer les especes ressemblantes les unes des autres ; c’est ainsi qu’on peut distinguer les mouches carnassieres des autres mouches, comme on connoît le faucon & le vautour à leurs serres.

Quelques naturalistes modernes prétendent qu’il y a des insectes qui ont d’abord les jambes sur le dos, & qui, après leur transformation, les ont ensuite sous le ventre ; c’est ce que M. de Réaumur semble dire de l’insecte singulier dont il a fait la description dans les Mém. de l’acad. des sciences, année 1714 ; mais, outre qu’il n’avance pas ce fait comme certain, si l’animal avoit par hazard la tête & l’anus un peu différemment placés du commun des insectes, ce qui n’est pas sans exemple, il se pourroit que, malgré les apparences du contraire, l’insecte de M. de Réaumur eût les jambes à l’opposite de son dos. (D. J.)

Jambe de bois, membre artificiel, qu’on met à la place de celui qu’on a perdu par accident, ou par une opération de chirurgie. La construction de ces sortes d’instrumens, doit être dirigée par le chirurgien intelligent, afin d’imiter la nature autant qu’on le peut, & suppléer aux fonctions dont on est privé par la perte d’un membre. La nature du moignon plus ou moins court dans l’amputation de la cuisse, ou dans celle de la jambe ; les difformités naturelles ou accidentelles de la partie ; les complications permanentes de certains accidens incurables, telles que des tumeurs, des cicatrices, &c. toutes ces choses présentent des variations, qui obligent à chercher des points d’appui variés pour l’usage libre & commode d’une jambe de bois. Il faut choisir un ouvrier ingénieux, qui sache saisir les vûes qu’on lui donne, & qui puisse les rectifier en cas de besoin. Ambroise Paré a recueilli dans ses œuvres la figure de diverses inventions de jambes, de bras, & de mains artificielles, qui réparent les difformités que cause la perte des membres, & qui servent à remplir l’action qu’ils exerçoient, & il en fait honneur à un serrurier de Paris, homme de bon esprit, nommé le petit Lorrain. La jambe de bois dont

les pauvres se servent est assez connue ; mais il y en a d’autres qu’on modele sur la jambe saine, qu’on chausse comme elle, qui par des charnieres & ressorts artistement placés dans le pié facilitent la progression. Lorsque la personne veut s’asseoir, elle tire un petit verrou, qui donne la liberté de fléchir le genou. Cette jambe est gravée dans Ambroise Paré, & la description est faite dans les termes connus des ouvriers, pour qu’on puisse la leur faire exécuter sans difficulté. Ce grand chirurgien, dont les écrits ne respirent que l’amour de l’humanité & le bien public, donne pour ceux qui ont la jambe courte, après quelque accident, une béquille très-utile, inventée par Nicolas Picard, chirurgien du duc de Lorraine. Il y a un étrier de fer pour soûtenir le pié, & un arc-boutant qui embrasse le moignon de la fesse, & qui fait que l’homme en marchant est comme assis du côté dont il boite. On ne peut trop faire connoître les ressources que l’on a dans la multitude des maux qui affligent l’humanité. L’Histoire de l’académie royale des sciences nous apprend dans l’éloge du P. Sébastien, carme, & grand mécanicien, que sur sa réputation un gentilhomme suédois vint à Paris lui redemander, pour ainsi dire, ses deux mains, qu’un coup de canon lui avoit emportées ; il ne lui restoit que deux moignons au-dessus des coudes. Il s’agissoit, dit M. de Fontenelle, de faire deux mains artificielles, qui n’auroient eu pour principe de leur mouvement que celui de ces moignons, distribués par des fils à des doigts qui seroient fléxibles. Pour peu qu’on fasse attention à ce projet, on sentira qu’il n’étoit pas raisonnable, & qu’il n’est pas possible de faire agir la puissance motrice au gré de la volonté, par le principe intérieur, sur les ressorts d’une machine. On dit cependant que le P. Sébastien ne s’effraya pas de l’entreprise, & qu’il présenta ses essais à l’académie des Sciences. Ambroise Paré donne la figure de mains & de bras artificiels, qui paroissent remplir toutes les intentions qu’on peut se proposer dans les cas où ils sont nécessaires. Voyez Prothese.

Jambes de hune. (Marine.) Voyez Gambes.

Jambe, (Maréchallerie.) partie des deux trains du cheval, qui prend au train de devant depuis le genouil jusqu’au sabot, & au train de derriere depuis le jarret jusqu’au même endroit. Lorsqu’on veut exprimer simplement la partie des jambes qui va jusqu’aux boulets, on l’appelle le canon de la jambe. Voyez Canon. Les bonnes qualités des jambes du cheval sont d’être larges, plates & seches ; c’est-à-dire, que quand on les regarde de côté, elles montrent une surface large & applatie ; nerveuses, c’est-à-dire, qu’on voie distinctement le tendon qui cotoye l’os, & qui du genouil & du jarret va se rendre dans le boulet. Voyez Boulet. Leurs mauvaises qualités sont d’être fines, c’est-à-dire étroites & menues, on les appelle aussi jambes de cerf ; d’être rondes, qui est le contraire des plates, les jambes du montoir & les jambes hors du montoir. Voyez Montoir. Avoir bien de la jambe & avoir peu de jambe, se dit du cheval selon qu’il a les jambes larges ou fines. N’avoir point de jambes, se dit d’un cheval qui bronche à tout moment. Les jambes gorgées. Voyez Gorgé. Les jambes ruinées & travaillées. Voyez Ruiné & travaillé. Les jambes roides. Voyez Roide. La jambe de veau est celle qui au lieu de descendre droit du genouil au boulet, plie en devant ; c’est le contraire d’une jambe arquée. Aller à trois jambes, est la même chose que boiter ; chercher la cinquieme jambe se dit d’un cheval qui pese à la main du cavalier, & qui s’appuie sur le mors pour se reposer la tête en cheminant ou en courant. Un cheval se soulage sur une jambe, quand il a mal à l’autre. Rassembler ses quatre jambes. Voyez Rassembler.