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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/618

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unes aux autres, afin que la moiteur du papier se distribue également dans toutes ses parties ; car c’est dans cette égalité que consiste la bonne préparation du papier. Pour cela l’imprimeur décharge son papier, le transporte sur une table, le découvre, étale d’abord sur la table la maculature grise, puis la blanche, prend une poignée de trois ou quatre mains, la met à deux mains sur la maculature blanche, ne la quitte point d’une main, pendant que l’autre passe & repasse plusieurs fois sur le papier pour en ôter les rides. Il coupe sa poignée à huit ou dix feuilles en dessous, qu’il laisse sur la maculature blanche, reprend ce qui reste de la poignée, le renverse, passe & repasse la main sur le papier qui se trouve en dessus. Il coupe encore son papier à huit ou dix feuilles en dessous, qu’il laisse sur celles qu’il a déja laissées, reprend le reste de la poignée, le renverse, passe & repasse la main sur le papier qui se trouve en dessus. Il réitere cette manœuvre de couper son papier à sept à huit feuilles en dessous, de les laisser sur le tas, de renverser ou retourner ce qui reste de la poignée, passer la main sur le papier qui se trouve en dessus pour en ôter les rides, & frapper dessus s’il y a quelques endroits plus élevés, jusqu’à ce que la poignée soit entierement remaniée. Après cette poignée il en prend une autre, puis encore une autre jusqu’à la fin du papier. S’il s’apperçoit qu’il soit trop trempé, il le partage en plusieurs poignées, & les laisse exposées à l’air dans l’Imprimerie autant de tems qu’il faudra ; ensuite il le remanie. Si au contraire il n’étoit pas assez trempé, il pourra jetter de l’eau dessus avec la main ou avec l’éponge à chaque poignée, plus ou moins grosse, autant qu’il le jugera à propos, ensuite le charger, puis le remanier. Il y a du papier qu’il faut remanier plusieurs fois. L’inconvénient est égal quand le papier est trop trempé, ou qu’il ne l’est pas assez. Quand il est trop trempé il refuse l’encre, ou reste dessus la forme, l’emplit, & l’impression est pochée. Quand il ne l’est pas assez, les lettres ne viennent qu’à moitié, & l’impression paroît égratignée. Après que le papier a été remanié, il faut le couvrir avec la maculature blanche, puis avec la maculature grise, mettre un ais par-dessus, le charger, & le laisser encore sept à huit heures avant de l’employer.

Si la peau du tympan n’est pas bonne, l’imprimeur en prend une bien saine, sans tache autant que faire se peut, d’égale épaisseur par tout. Il la met tremper une demi-heure ou une heure dans la bassine, la retire, en exprime l’eau, & la met pliée une heure ou deux sous du papier trempé ; puis après avoir arraché la vieille peau, il enduit de colle le chassis du tympan, & la tringle de fer ; il pose dessus la nouvelle peau du côté de la chair, & la queue en bas, l’étend, & l’applique bien tout-autour ; la découpe en haut pour laisser sortir les petits couplets, y passe les brochettes, & la laisse sécher. Quand elle est seche, il la perce avec la pointe de ses ciseaux à l’endroit qui répond aux trous du chassis, & y passe la vis, qui avec l’écrou, sert à maintenir les pointures en état.

Quand l’imprimeur veut faire une braie, qui n’est autre chose qu’une peau plus petite que celle que l’on vient d’employer, il coupe avec ses ciseaux la vieille peau tout-autour du chassis en dedans, enduit le chassis de colle & y applique la braie. L’imprimeur fait alternativement un tympan & une braie, c’est-à-dire qu’il emploie alternativement une grande & une petite peau.

La peau du petit tympan se colle comme celle du grand. La différence qu’il y a c’est que la peau du petit tympan doit être plus forte & plus épaisse, & qu’après l’avoir collée, on met un bois de longueur (on appelle ainsi les bois à l’usage de l’Imprimerie) au

long de chaque bande en dedans, & un autre bois en travers, que l’on fait entrer un peu à force, pour maintenir ces bandes en état ; sans cette précaution les bandes n’étant que de fer mince, rentreroient en dedans à mesure que la peau se banderoit en séchant.

Préparation des cuirs. Il faut aussi préparer les cuirs pour les balles. Ces cuirs sont taillés dans des peaux de moutons, que l’on prend chez les Mégissiers, après avoir été quelque tems dans le plein pour en faire tomber la laine. Les cuirs ne durent point quand les peaux ont resté trop long-tems dans le plein, parce que la chaux les consume. On choisit ordinairement les plus épaisses.

Pour tailler ces cuirs, on met une peau de mouton sur une table, le côté de la chair en dessous ; on l’étend ; on a un rond de bois ou de maculature, de deux piés & demi de circonférence, que l’on applique sur le milieu de la peau, en commençant par la tête ; on décrit une ligne tout-autour du rond avec la pointe des ciseaux ; on pose ensuite le rond au-dessous de la ligne ronde que l’on vient de décrire, & on en décrit une seconde ; on en décrit une troisieme au-dessous de la seconde. Ensuite en coupant avec de bons ciseaux dans ces lignes rondes, on a trois cuirs dans chaque peau. Si la peau est grande, on coupe dans les côtés des especes de cuirs, qui étant plus minces, ne sont bons qu’à faire ce qu’on appelle dans l’Imprimerie des doublures, qui sont un double cuir qu’on met sous le principal. Quand les cuirs sont coupés, on les étend pour les faire sécher ; sans cela ils se corromproient, & on ne pourroit pas les garder ; mais quand on les garde trop long-tems ils se raccornissent & deviennent difficiles à apprêter. Quand on veut s’en servir, on les met tremper dans de l’eau nette, comme nous avons dit que l’imprimeur doit faire avant de tremper son papier.

Après qu’un cuir a trempé sept ou huit heures, plus ou moins, à proportion du tems qu’il y a que les cuirs ont été coupés, l’imprimeur le corroie, c’est-à-dire le tire de l’eau, le met sur une planche, l’arrête avec un pié, & de l’autre le crosse en appuyant de toute sa force, pour en exprimer l’eau & le rendre souple & maniable. Ensuite il le ramasse, l’étend tant qu’il peut avec les deux mains, le frappe plusieurs fois contre le mur, & le corroie encore. Il le met tremper une seconde fois, & le corroie de la même maniere. Il le met tremper une troisieme fois, s’il est nécessaire, & le corroie, jusqu’à ce que presque toute l’humidité en soit exprimée, & qu’il soit doux & souple comme un gant. Il enduit ensuite de petit vernis, qui est de l’huile de noix ou de lin recuite, le cuir du côté de la laine, & le laisse s’imbiber pendant quelque tems, enveloppé d’une maculature humide si c’est l’été. Il en faut faire autant à l’autre cuir. En préparant ainsi deux cuirs pour les deux balles, on a soin de préparer aussi deux doublures, qui sont ou deux autres cuirs plus minces de même espece, & qui ne demandent d’autres préparations que d’être souples & ramoitis, ou deux vieux cuirs qu’on fait servir en doublures, après les avoir brossés dans la lessive pour en ôter l’encre. Cette sorte de doublure est préférable & conserve mieux les cuirs. La doublure maintient le cuir dans une douce humidité pendant cinq ou six heures, plus ou moins selon la saison, & l’empêche de se racornir.

Il faut aussi de la laine telle qu’on l’achette chez les marchands, on la tire quand elle est neuve, ou on la carde quand elle a servi quelque tems. Il en faut environ une demi-livre pour chaque pain. On appelle dans l’Imprimerie un pain de laine, la quantité de laine qui se met dans chaque balle.

Monter les balles. Quand les cuirs sont bien préparés, & qu’il y a de la laine tirée ou cardée, un des