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Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/636

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de cette impuissance ; l’indication étoit claire ; le remede étoit naturel & facile : il réussit aussi ; quelques évacuations & un peu de régime guérirent totalement cette maladie. 4°. L’éjaculation de la semence sera interceptée, si le trou de l’urethre est bouché dans l’imperforation de la verge, ou recouvert par le prépuce dans le phimosis ; il y aura également impuissance si l’éjaculation ne se fait pas comme il faut, c’est-à-dire par le trou de l’urethre, avec force & vivacité ; si par exemple la verge est percée de plusieurs trous, ou s’il n’y en a qu’un qui soit placé en-dessous, à côté, ou ailleurs ; il y a un fait fort singulier à ce sujet rapporté dans la bibliotheque medico-pratique de Manget, lib. IX. touchant un jeune homme qui ne pouvoit jamais éjaculer, quoiqu’il érigeât fortement : il se forma après un an dans la région épigastrique droite trois petits trous par lesquels la semence sortoit pendant le coït ; il l’exprimoit aussi quand il vouloit comme du lait. Si le canal de l’urethre est parsemé de caruncules qui brisent, moderent, & dérangent le mouvement impétueux de la semence ; si les vésicules séminales affoiblies n’expriment cette humeur que lâchement, & qu’elle ne sorte que goutte à goutte, &c. toutes ces causes d’impuissance bien constatées, sont des raisons suffisantes de divorce.

On distingue l’impuissance de la stérilité ou infécondité de l’homme, en ce que celle ci ne suppose que le défaut de génération, peut dépendre de quelques vices cachés de la semence & existe souvent sans impuissance. Un homme très-vigoureux, très-puissant, peut être inhabile à la génération, au lieu que celui qui est impuissant ou peu propre au coït, à l’acte venérien, est toûjours stérile.

Cette maladie n’est accompagnée ordinairement d’aucune espece de danger ; elle n’entraîne après elle que du desagrément ; elle prive l’homme d’une fonction très-importante à la société, & très-agréable à lui-même ; ce qui peut le rendre triste, le jetter dans la mélancolie ; & il y a cependant tout lieu de croire qu’une impuissance subite sans cause apparente, & dans une personne qui n’est point accoutumée à cet accident, est l’avant-coureur de quelque grande maladie ; la cessation de l’impuissance à la suite d’une maladie aiguë est un très-bon signe.

Curation. Il y a des cas où il n’est pas nécessaire de donner des remedes ; comme par exemple, lorsqu’un homme n’est impuissant que dans certaines circonstances, au sortir d’une maladie aiguë, après des exercices violens, ou vis-à-vis d’une seule femme par crainte, par pudeur, par mépris, par haine, ou par excès d’amour ; il seroit ridicule d’accabler, ainsi que le conseille un certain Louis Ranneman, le mari & la femme de saignées, de purgations, de pillules, d’aposèmes, de vins médicamenteux, de baumes, d’onguens, d’injections, &c. Il est d’autres cas où les remedes les plus propres à exciter l’appétit vénérien, les plus stimulans seroient parfaitement inutiles ; tels sont ceux où l’impuissance dépend d’un défaut de conformation. Ces remedes seroient aussi insuffisans, lorsque l’imagination est vivement frappée par la crainte & la persuasion d’un sortilége. Je remarquerai seulement par rapport à ces gens-là, qu’il ne faut pas heurter leurs sentimens ; les meilleures raisons ne font aucune impression sur ceux qui donnent tête baissée dans ce ridicule ; l’opiniâtreté suit de près l’ignorance. Ainsi il est à propos quand on veut guérir ces imaginations, de flatter ces personnes, de paroître persuadés & touchés de leur accident, & leur promettre des secours immanquables pour le dissiper ; les plus extraordinaires sont toûjours les plus efficaces ; comme merveilleux, ils sont plus propres à gagner la confiance, ce qui est un point important ; c’est une grande partie de la santé

que de l’espérer. C’est ainsi que Montagne rétablit par un talisman d’or la vivacité d’un comte qui l’avoit perdue par la crainte d’un sortilége. Je ne suis pas surpris de voir détruire l’effet de ces prétendus maléfices par les testicules d’un coq pendus aux piés du lit, par la graisse de loup, ou d’un chien noir, frottée à la porte, en faisant pisser le malade à travers l’anneau conjugal, &c. Enfin, l’impuissance qui exige des remedes, & qui est guérissable, est celle qui dépend du relâchement, de la foiblesse, de la paralysie des parties destinées à la génération, du défaut de semence, ou de sa rapidité, de la froideur du tempérament, de l’indifférence pour les plaisirs vénériens. C’est ici que conviennent ces fameux remedes connus sous les noms fastueux de précipitans, aphrodisiaques, &c. & que l’euphémisme médicinal a appellé plus pudiquement remedia ad magnanimitatem. Il y a lieu de croire que ces remedes procurent une plus grande abondance de semence, qu’ils la rendent plus âcre, plus active, qu’ils déterminent le sang & les esprits animaux vers les parties génitales. Il n’est personne qui n’ait éprouvé que ces remedes échauffent, mettent en mouvement, & fouettent les humeurs ; que leur usage est suivi d’érections plus fortes & plus fréquentes. La plûpart sont des alimens, tels sont les écrevisses, les chairs des vieux animaux, les artichaux, les trufes, le céleri, la roquette, de qui on dit avec raison : excitat ad venerem tardos eruca maritos. A ceux-là on peut ajouter l’ambre, le musc, l’opium, chez ceux qui sont accoutumés à son action ; mais par-dessus tout, les mouches cantharides. On use de ces remedes intérieurement, & on en fait diverses compositions pour l’usage extérieur, pour frotter, fomenter les parties malades. Il n’en est point qui agisse aussi promptement & avec tant d’efficacité déterminément sur les parties qui servent à l’acte vénérien, que les mouches cantharides prises intérieurement, ou appliquées sous forme de vésicatoire. Il est inutile d’avertir qu’il ne faut avoir recours à ces remedes qu’après avoir éprouvé les naturels, c’est-à-dire l’attrait du plaisir permis à toute l’énergie licite des embrassemens, des attouchemens, des caresses, des baisers, des doux propos. Parmi les secours capables d’animer & d’exciter à l’acte vénérien, il faut compter le fouet. Meibomius a fait un traité particulier sur les avantages & sur les vertus aphrodisiaques, dans lequel on peut voir beaucoup d’observations qui en constatent l’efficacité. C’est un expédient usité chez les vieillards libertins, par lequel ils tâchent de réveiller leur corps engourdi & languissant. Cet article est de M. Menuret.

Impuissance, (Jurisprud.) est une inhabileté de l’homme ou de la femme pour la génération.

Les lois canoniques ne distinguent que trois causes d’impuissance ; savoir, la frigidité, le maléfice, & l’inhabileté qui vient ex impotentiâ cœundi.

Ces causes se subdivisent en plusieurs classes.

Il y a des causes d’impuissance qui sont propres aux hommes, comme la frigidité, le maléfice, la ligature ou nouement d’éguillette ; les causes propres aux femmes sont l’empêchement qui provient ex clausurâ uteri, aut ex nimiâ arctitudine ; les causes communes aux hommes & aux femmes sont le défaut de puberté, le défaut de conformation des parties nécessaires à la génération, ou lorsque l’homme & la femme ne peuvent se joindre propter surabondantem ventris pinguedinem.

Les causes d’impuissance sont naturelles ou accidentelles ; celles-ci sont perpétuelles ou momentanées ; il n’y a que les causes d’impuissance perpétuelles qui forment un empêchement dirimant du mariage, encore excepte-t-on celles qui sont survenues depuis le mariage.