Aller au contenu

Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 8.djvu/662

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il est vrai que saint Justin, martyr, Clément Alexandrin, Tertullien, saint Cyprien, saint Augustin & saint Jérôme ont pensé que ce commerce étoit possible ; mais de la possibilité à l’acte il y a encore une grande distance. Delrio prouve cette possibilité, parce que les démons peuvent prendre un corps & des membres phantastiques, les échauffer jusqu’à un certain degré. Quant à la semence nécessaire à la consommation de l’acte vénérien, il ajoûte que les démons peuvent enlever subtilement celle que des hommes répandent dans des illusions nocturnes ou autrement, & en imiter l’éjaculation dans la matrice : d’où il conclut que les incubes peuvent engendrer, non pas de leur propre nature, puisque ce sont des esprits, mais parce que la semence qu’ils ont ainsi enlevée conserve encore assez d’esprits vitaux & de chaleur pour contribuer à la génération.

Pour appuyer ce sentiment, cet auteur cite sérieusement ce que les Platoniciens ont pensé du commerce des hommes avec les génies ; ce que les Poëtes ont dit de la naissance des demi-dieux, tels qu’Enée, Sarpedon, &c. & ce que nos vieilles chroniques racontent de l’enchanteur Merlin. Les faits de sorcellerie qu’il ne rejette jamais, viennent aussi à son secours. On peut juger par la solidité de ces preuves, de celle de l’opinion qu’il soutient, & que le lecteur peut voir en son entier dans les disquisitions magiques de cet auteur, liv. II, quest. 15, pag. 159 & suiv.

Il est bien plus raisonnable de penser que tout ce qu’on raconte des incubes, & ce qu’en ont dit elles-mêmes les sorcieres dans leurs dépositions, est l’effet d’une imagination ardente & d’un tempérament fougueux. Que des femmes abandonnées à la dépravation de leur cœur, embrasées de desirs impurs, ayent eu des songes & des illusions vives, & ayent cru avoir commerce avec les démons, il n’y a rien-là de si étonnant qu’à s’imaginer qu’on est transporté dans les airs sur un manche à balai, qu’on danse, qu’on fait bonne chere, qu’on adore le bouc, & qu’on a commerce avec lui ou avec ses suppôts. Tout ceci cependant ne passe parmi les esprits sensés, que pour des effets d’une imagination vivement frappée ; il lui en coûte encore moins d’efforts pour supposer des incubes.

INCUBO, gen. NIS. (Littérat.) Ce mot, qu’on ne peut rendre que par périphrase, signifioit chez les Latins, un démon familier, un génie gardien des trésors de la terre.

Les gens du petit peuple de Rome croyoient que les trésors cachés dans les entrailles de la terre, étoient gardés par des esprits, qu’ils nommoient incubones, & qui avoient de petits chapeaux, dont il falloit d’abord se saisir, après quoi, si on avoit le bonheur d’y parvenir, on devenoit leur maître, & on les contraignoit à déclarer & à découvrir où étoient ces trésors : on appelloit ce chapeau du génie, le chapeau de Fortunatus. Peut-être que les directeurs des mines des Romains avoient répandu ces contes pour mieux cacher la manœuvre de leurs opérations. (D. J.)

* INCULQUER, v. act. (Gram.) enfoncer en frappant avec le pié. Je ne sais s’il a jamais été usité au simple, mais il ne l’est plus qu’au figuré. On dit d’une maxime, qu’on ne peut trop l’inculquer aux hommes ; d’une vérité, qu’on ne peut l’inculquer de trop bonne heure aux enfans.

* INCULTE, adj. (Gram.) qui n’est pas cultivé. Des terres incultes. Il est démontré qu’en tout pays où il reste des terres incultes, il n’y a pas assez d’hommes, ou qu’ils y sont mal employés.

Inculte se dit aussi au figuré ; les hommes de cette province ont de l’esprit, mais inculte.

Il y a peu de terres incultes en France, mais elles y sont mal cultivées.

INCURABLE, (Méd.) se dit d’une maladie, d’une incommodité, d’une infirmité qui ne peut être guérie. Voyez aux articles particuliers des diverses maladies, quelles sont celles qui sont incurables, soit par leur nature, soit par leur degré, soit par quelqu’autre circonstance.

Les affections incurables admettent encore quelquefois un traitement palliatif, (Voy. Palliatif.) & demandent aussi quelquefois un régime particulier. Voyez Régime. (b)

INCURABLES, s. m. pl. (Gouvernem.) maison fondée pour les pauvres malades dont la guérison est desespérée.

Ceux qui n’adoptent pas les établissemens perpétuels fondés pour les secours passagers, conviennent néanmoins de la nécessité des maisons publiques hospitalieres, consacrées au traitement des malades ; & comme dans la multiplicité des maladies, il y en a que l’art humain ne peut guérir, & qui sont de nature à devenir contagieuses, ou à subsister très-longtems sans détruire la machine, le gouvernement a cru nécessaire dans la plûpart des pays policés, d’établir des maisons expresses pour y recevoir ces sortes de malades, & leur donner tous les secours que dictent les sentimens de la compassion & de la charité. Un particulier d’Angleterre a fondé lui seul dans ce siecle, & de son bien, légitimement acquis par le commerce, un hôpital de cet ordre. Le nom de ce digne citoyen, immortel dans sa patrie, mérite de passer les mers & d’être porté à nos derniers neveux. C’est de M. Thomas Gay, libraire à Londres, que je parle ; l’édifice de son hôpital pour les incurables, lui a coûté trente mille livres sterling (690 mille livres tournois) ; ensuite pour comble de bienfaits, il l’a doté de dix mille livres sterling de rente, 230 mille livres tournois. (D. J.)

* INCURSION, s. f. (Gram.) entrée brusque de troupes ennemies dans une contrée qu’elle traverse en la dévastant. L’empire Romain a beaucoup souffert des incursions des Barbares. La Pologne est exposée aux incursions des Tartares.

Incursion se prend encore dans un sens un peu détourné du précédent. On dit d’un homme lettré qu’il s’est appliqué à telle science, mais qu’il a fait de grandes incursions dans d’autres.

INCUSE, numisma, (Médaille.) monnoyage, médaille antique ou moderne, qui se trouve sans revers, ou porte en creux la tête qui est en bosse de l’autre côté, parce que le monnoyeur a oublié de mettre les deux quarrés en la frappant.

Cette faute est assez commune sur les monnoies modernes depuis Othon & Henri l’Oiseleur ; dans les antiques consulaires, il se rencontre quelquefois des médailles incuses, parmi les impériales de bronze & d’argent. La cause en est due à la précipitation du monnoyeur, qui avant que de retirer une médaille qu’il venoit de frapper, remettoit une nouvelle piece de métal, laquelle trouvant d’une part le quarré, & de l’autre la médaille précédente, recevoit l’impression de la même tête d’un côté en relief, & de l’autre en creux ; mais toûjours plus imparfaitement d’un côté que de l’autre, parce que l’effort de la médaille étoit beaucoup plus foible, que celui du quarré. Voyez le P. Joubert, science des médailles. (D. J.)

INDAL, (Géog.) riviere de Suede ; elle a sa source dans les montagnes de la Norvege, aux confins de ce royaume, & se perd après un long cours dans le golphe de Bothnie. (D. J.)

INDÉCHIFFRABLE, adj. (Gram.) qui ne peut être déchiffré. Voyez Déchiffrer.

INDE, l’ (Géog. anc. & moderne.) les anciens